Franck (Bill Murray)
peine à se remettre de la mort de son épouse tout en assumant
l'éducation de sa petite fille. Le voici donc épanchant
son désespoir dans une absence d'hygiène absolument répugnante.
Alors qu'il exécute péniblement son emploi de gardien
de zoo, le voici qu'il avale un uf réchappé de la
bouche baveuse d'un chimpanzé
Cut ! Nous nous retrouvons
à l'intérieur du corps de Franck, une cité organique
totalement représentée en animation. Osmosis Jones (doublé
par Chris Rock)
est un globule blanc / policier chargé d'éradiquer un
mystérieux virus amené par l'absorption de cet uf
bien cradingue. Il sera aidé dans sa tache par la gélule
à gros bras Drix (David
Hyde Pierce, en ce moment à l'affiche de FULL FRONTAL
de Soderbergh),
pour un buddy movie en cellulo qui se terminera par une folle course-poursuite,
des intestins jusqu'aux glandes lacrymales.
De par son mélange live / animation, il ne surprendra personne si l'on déclare OSMOSIS JONES comme un bel exemple de film bicéphale, pour ne pas dire de film bâtard tant il est le fruit de courants distincts qui n'arriveront jamais vraiment à se mélanger totalement. En effet, qui sont véritablement les réalisateurs du film : les frères Farrelly (pour les séquences live) ou Tom Sito et Piet Kroon (pour les séquences animées) ? Pour répondre à cette question, il faut se replonger dans le contexte chaotique de production du film.
OSMOSIS JONES est avant tout une initiative de Tom Sito, qui devait au départ diriger l'ensemble de ce polar cellulaire à tendance black exploitation des familles (live y compris). L'influence écrasante de Disney sur l'ensemble de la production animée US va cependant aligner les bâtons dans les roues des studios dissidents à l'empire de Mickey, et la pourtant puissante Warner n'en est pas moins épargnée. Après le flop (justifié) d'EXCALIBUR, L'EPEE MAGIQUE et le re-flop (effroyablement injustifié) du magnifique LE GEANT DE FER, la Warner commence à suer à grosses gouttes face au potentiel commercial d'un nouveau long-métrage d'animation (le désastre TITAN A.E., dont l'échec clôturera la section animation de la Fox, y est pour quelque chose). La mise en chantier définitive d'OSMOSIS JONES se fera finalement autour d'un compromis sécurisant : Sito et son compatriote Kroon se chargeront de leur parodie globulaire à condition qu'un nom imposant signe les saynètes live (soit environ 20% du métrage final). Tout droit sorti du triomphe de MARY A TOUT PRIX, les craouettes frères Farrelly répondront présent à la crise de stress de la Warner pour une réalisation tenant plus de la guest apparence que de la véritable direction.
Contrairement à ce que l'on pourrait craindre, visionner OSMOSIS JONES ne revient pourtant pas à regarder deux films indépendants ou antagonistes, réuni par la subtilité des forceps. Grâce à une sérieuse réécriture adaptée aux forces en présence, le scénario va largement s'efforcer d'accorder les deux univers du film via une harmonisation du ton (l'animation va jouer la carte du dégueu cher aux auteurs de DUMB AND DUMBER), et les rebondissements du live vont totalement s'accorder aux exigences de l'animé (voir les nombreux allers et retours entre les deux espaces temps).
A défaut de créer une cohérence visuelle immédiate, OSMOSIS JONES ne va en tout cas pas larguer son spectateur dans sa bicéphalité, l'ajout jusqu'à plus soif de mini péripéties / passerelles (genre Franck baille en live, et créer de ce fait une tornade dans la bouche en animation) se chargeront de cimenter plutôt habilement le récit.
Malheureusement, les bonnes résolutions d'OSMOSIS JONES
ne serviront qu'une gentille sympathie vis-à-vis de son spectateur.
Non pas que le film soit au final pénible à regarder,
mais le résultat se montre finalement trop fade pour que l'on
puisse se fondre totalement dans l'univers du film. C'est premièrement
les saynètes de Farrelly qui déçoivent rapidement.
Visiblement en pilote automatique (sachant que les frangins ne sont
pas des bêtes de découpage), les séquences live
assurent le minimum syndical malgré leur potentiel. La grosse
déception vient tout d'abord de la (visiblement) auto censure
de la production histoire de ne pas trop choquer nos chérubins
(ou plus exactement les parents de nos chérubins). Si Franck
est un gros dégueu qui n'hésite pas à vomir sur
l'institutrice de sa fille, ou encore à voir ses pustules blanchâtres
exploser à la face de ses interlocuteurs, le film se garde bien
de montrer l'image forte de telles séquences (comme le vomi sortant
de la bouche de Franck éclaboussant sa partenaire). Ne restent
que de (trop) gentils hors champs, crédibilisés par des
bruitages. De jolis compromis visant avant tout à ne pas trop
tacher la gentillette histoire d'amour père / fille du film.
C'est très dommage, surtout pour le crétin s'étant
longuement goinfré de rire devant le succulent DUMB AND DUMBER
(ma pauvre personne reconnaît volontiers avoir beaucoup ri pendant
la scène du laxatif).
Quant à la partie animée (soit la grande majorité du métrage), elle souffre d'une violente impression de déjà vu, pour peu que l'on ait visionné l'inénarrable sketch des spermatozoïdes dans le TOUT CE QUE VOUS AVEZ TOUJOURS VOULU SAVOIR SUR LE SEXE de Woody Allen. L'idée de reconstituer une véritable bureaucratie (ou mégalopole) autour des organes humains vient en effet de ces irrésistibles quinze minutes concoctées déjà dans les années 70. Si OSMOSIS JONES essaie péniblement d'étirer ce concept sur son heure et demi, il faut franchement avouer que le film n'apporte rien de véritablement nouveau au mini chef-d'uvre de Allen. Il n'en reste au final qu'une version pour les kids qui, même si elle envoie suffisamment de clins d'oeil adultes histoire de ne pas trop endormir ses spectateurs plus âgés (le côté black exploitation justement), s'essouffle rapidement autour d'une lutte routinière contre un méchant typiquement Disneyien, c'est-à-dire totalement manichéen. Un comble, que de nombreuses séquences pourtant parfaitement réussies n'arriveront pas à rattraper (comme la très troublante séquence où le vilain du titre s'égare dans l'inconscient de Franck).
L'édition française est par contre impeccable : image irréprochable et Dolby Digital 5.1 efficace, quoiqu'un peu timide dans ses effets. Les bonus naviguent quant à eux dans une légère dichromie éditoriale, conséquence de la cible pas très claire du film. En gros, nous avons droit à une featurette télé (et sa version courte sous forme de reportage indépendant) franchement destinée aux kids. La chanteuse Brandy, et voix de l'assistante du maire / cerveau du film, nous présente l'univers du film et les grandes étapes de sa réalisation, soit un large reportage sur les acteurs / doubleurs du film. Le prétexte avant tout est d'étaler l'imposant casting voix du film (dont Laurence Fishburne et William Shatner). Pour les plus grands désirant en savoir plus sur le film, direction le commentaire audio, non sous-titré, de Kroon et Sito (aidé par l'un des producteurs et le scénariste) pour un décorticage en règle du métrage. A ce propos, l'absence des Farrelly en dit long sur leur implication. Pour finir, outre la bande-annonce et autres babioles cachées, l'édition nous offre trois scènes coupées particulièrement crades. Soit un aperçu de ce qu'aurait pu être OSMOSIS JONES si les auteurs avaient vraiment pu se lâcher.
Un peu live et beaucoup animé, OSMOSIS JONES tente de toutes ses forces de concilier deux univers franchement dissonants pour un spectacle à la fois crado et totalement familial. Si les passerelles scénaristiques fonctionnent sans mal grâce à de nombreuses petites ingéniosités, la fadeur généralisée du titre vient ternir le moindre effort des réalisateurs. On peut voir le film comme une version "propre" des délires caca-prout des Farrelly, ou bien comme une variante "trash" du bon vieux Disney annuel. Que chacun fasse son opinion avec ce DVD sans reproche, sachant que les premiers clients seront à n'en point douter les moins de douze ans.