Header Critique : L'ESPRIT DE CAÏN (RAISING CAIN)

Critique du film
L'ESPRIT DE CAÏN 1992

RAISING CAIN 

Carter et Caïn Nix, deux frères jumeaux, enlèvent des enfants pour qu'ils servent de cobayes à des expériences réalisées par leur père, un psychologue norvégien. La femme de Carter se rend compte du comportement étrange de son mari...  

Brian De Palma rencontre le succès public au cours des années soixante-dix, grâce à des suspenses teintés d'horreur et de fantastique comme SŒURS DE SANG, CARRIE ou PULSIONS. Mais après BODY DOUBLE de 1984, reçu tièdement, il tourne le dos à ces genres.

Il sort ensuite MAFIA SALAD..., comédie sur fond de gangstérisme avec Danny DeVito, qui fait un bide. L'année suivante, il obtient un très grand succès public et critique avec LES INCORRUPTIBLES, dans lequel Eliot Ness (Kevin Costner) affronte Al Capone (Robert De Niro).

OUTRAGES de 1989 se déroule durant la guerre du Vietnam et raconte comment un soldat traîne devant une cour martiale des militaires violeurs. Bien reçue par la critique, cette œuvre dramatique ne connaît qu'un succès public modeste. Enfin, LE BÛCHER DES VANITÉS, adaptation d'un best-seller et comédie sur les travers de la justice américaine, interprété par les vedettes Tom Hanks et Bruce Willis, connaît un très gros échec critique et public.

Brian De Palma revient alors à ses sources avec le thriller horrifique L'ESPRIT DE CAÏN. Basé sur un scénario qu'il écrit lui-même, ce thriller au budget modéré renoue avec les premières œuvres qui ont fait sa gloire. John Lithgow, qui interprète plusieurs des rôles principaux (les jumeaux entre autres), a déjà incarné des méchants mémorables dans deux classiques de De Palma : OBSESSION et BLOW OUT. Surtout, le réalisateur retrouve à cette occasion l'italien Pino Donaggio, un de ses compositeurs de prédilection (CARRIE, PULSIONS, BLOW OUT, BODY DOUBLE), indissociable de son cinéma.

Comme souvent chez Brian De Palma, L'ESPRIT DE CAÏN grouille de clins d’œil à l'histoire du cinéma. On s'y débarrasse des cadavres comme dans PSYCHOSE d'Alfred Hitchcock. Le tout dernier plan cite TÉNÈBRES de Dario Argento. Le final dans l'hôtel renvoie à une fameuse séquence du CUIRASSÉ POTEMKINE de 1925, chef-d’œuvre de Sergei M. Eisenstein, scène dans laquelle un landau abandonné dévalait les escaliers d'Odessa. Mais ici, le landau descend en prenant l'ascenseur, ce qui permet à De Palma de faire encore une citation d'une scène de son PULSIONS (elle-même inspirée par un meurtre de L'OISEAU AU PLUMAGE DE CRISTAL de Dario Argento) ! Tout cela en sachant qu'un des coups de force des INCORRUPTIBLES était déjà une référence à l'escalier du CUIRASSÉ POTEMKINE !

Nous retrouvons dans L'ESPRIT DE CAÏN des thèmes déjà abordés de nombreuses fois par De Palma. Nous avons ainsi un drame familial (comme dans FURIE ou PULSIONS par exemple) dans lequel la sexualité insatisfaite d'une femme mal mariée tient un rôle important (ce qui rappelle CARRIE, BODY DOUBLE et surtout PULSIONS). Nous retrouvons une fascination pour la schizophrénie (comme dans PULSIONS, encore) poussée ici à l'extrême, ainsi qu'un intérêt pour le thème du double (vu dans OBSESSION).

De Palma exprime de nouveau son goût pour la manipulation des apparences, le travestissement des personnages et de la réalité, ce qui lui permet de bâtir des intrigues touffues, bourrées de rebondissements habiles. Ici, il brouille les pistes en insérant des séquences de rêves ou de délires schizophrènes.

Malgré son habileté à construire un récit riche et à proposer des séquences toujours virtuoses en usant de ralentis et de montages parallèles (le final), De Palma déçoit ici. John Lithgow n'est pas toujours à la hauteur de la performance exigée par L'ESPRIT DE CAÏN. S'il est convaincant à certains moments, il peut être à côté de la plaque à d'autres (l'entretien sous hypnose). Le reste du casting (Steven Bauer par exemple) est parfois faible.

Quant à la réalisation, même si De Palma nous propose des séquences efficaces valant à elles seules le déplacement, certains effets tombent à plat (l'exposition du cadavre découvert dans la voiture). Le plus grave reste qu'il manque à cette histoire la chaleur humaine qui participe des plus belles réussites de son auteur (PHANTOM OF THE PARADISE, OBSESSION, OUTRAGES) : De Palma ne parvient pas à nous proposer des personnages attachants.

L'ESPRIT DE CAÏN laisse un goût d'inachevé et une impression d’œuvre imparfaite et inégale. Pourtant, le récit astucieux se suit sans ennui et certains passages impressionnent. Mais au vu de ses défauts trop gênants, nous réservons cette œuvre aux seuls complétistes de De Palma et aux amateurs de thrillers tarabiscotés.

Sans être un vrai échec commercial, L'ESPRIT DE CAÏN sort dans une certaine indifférence. Il nous apparaît symptomatique d'une certaine génération de maîtres de l'horreur dont les carrières s'essoufflent alors (John Carpenter avec LES AVENTURES D'UN HOMME INVISIBLE, Tobe Hooper avec SPONTANEOUS COMBUSTION) ou tournent en rond (Wes Craven avec SHOCKER, Dario Argento avec TRAUMA).

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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