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Critique du film
SUPER-HÉROS MALGRÉ LUI 2021

 

«La Bande à Fifi», organisée autour de Philippe Lacheau, est une troupe d'amuseurs français qu'on n'associe pas spontanément au cinéma fantastique. Ils émergent dans les années 2000 en se produisant au théâtre et en proposant des calembours pour le petit écran. En 2014, BABYSITTING de Philippe Lacheau met la comédie française à la sauce du Found Footage et rencontre un très gros succès, propulsant cette équipe de rigolos comme des valeurs sûres de l'humour hexagonal.

A la fin de la décennie, les milliards du diptyque AVENGERS : INFINITY WAR et AVENGERS : ENDGAME font saliver les producteurs de la Terre entière. Même en France arrivent à peu d'écart deux comédies basées sur le genre «super-héros» : COMMENT JE SUIS DEVENU SUPER-HÉROS avec Pio Marmaï (qui atterrit directement en streaming sur Netflix) et SUPER-HÉROS MALGRÉ LUI de et avec Philippe Lacheau, entouré de ses copains Tarek Boudali et Julien Arruti. Il offre aussi des rôles à des acteurs de comédie plus classiques, comme Régis Laspalès ou Chantal Ladesous, ainsi qu'à Jean-Hugues Anglade, quant à lui plus habitué au registre dramatique.

Cédric, acteur de petite envergure, croit décrocher le jackpot avec le rôle de Badman, vedette du premier film de super-héros français. Mais en marge du tournage, alors qu'il est au volant de la badmobile, il a un accident dont il sort amnésique. Cédric croit être réellement Badman, un super-héros équipé de gadgets en tous genres. Ses amis le recherchent tandis qu'il se lance dans d'improbables exploits...

La France n'est pas le pays de Super-Dupont pour rien ! Il nous a toujours été difficile de prendre au sérieux les super-héros américains, souvent associés à ce patriotisme premier degré que Gotlib n'a pu s'empêcher de tourner en dérision pour créer son justicier 100% baguette & camembert ! Nos super-héros à nous sont plutôt des génies du mal comme FANTOMAS, et notre premier long métrage s'attaquant à ces mythologies américaines, MISTER FREEDOM de William Klein, en fait une satire de l'impérialisme US. De nos jours, alors que la vague Marvel se maintient depuis deux décennies avec une bonne santé insolente, c'est à nouveau sur le ton de la rigolade que le cinéma français s'attaque à ce genre avec SUPER-HÉROS MALGRÉ LUI.

Philippe Lacheau incarne Cédric, un acteur qui galère, alternant pubs minables et petits boulots pour joindre les deux bouts. Avant de décrocher enfin le rôle de Badman dans un film de super-héros très français... Donc un film opportuniste et dénué d'idées, se contentant de plagier Batman avec un petit budget et de très légères variantes. Mais lorsqu'il se réveille amnésique d'un accident, Cédric se croit vraiment super-héros et part en guerre contre des vilains, qu'ils soient imaginaires (comme le Clown, personnage de «Badman» succédané du Joker) ou réel (un redoutable braqueur de banque). Un super-héros sans pouvoir confrontant son imaginaire farfelu à la réalité du monde et de la violence, voilà qui n'est pas sans rappeler des métrages assez noirs comme KICK-ASS ou SUPER...

Philippe Lacheau ne prend pas une telle voie, restant prudemment sur les rails d'un spectacle bien familial, entre leçons de vie gentilles qui ne froisseront personne et bagarres inoffensives, dont notre héros sort vainqueur par le bais de coïncidences et de gags visuels. Notre Badman par accident se prend pour le personnage de son film et croit devoir sauver sa femme et son fils qu'il n'a en fait jamais eus, tout cela au gré de quelques cascades correctes, mais discrètes, et d'une violence toute en douceur.

Le genre super-héros ne donne pas lieu ici à une vision originale ou risquée. Tout au plus SUPER-HÉROS MALGRÉ LUI se contente-t-il de quelques moments de pastiches et de clins d’œil évidents aux plus gros succès du genre, que ce soit THE AVENGERS ou THE DARK KNIGHT. Ce manque de créativité et d'inspiration se ressent d'autant plus que la technique cinématographique n'est pas emballante. Si le montage et les cascades sont d'un niveau correct, nous n'en dirons pas autant d'un son très brut et surtout d'une photographie d'une rare banalité et d'une parfaite platitude. Sans envergure ni identité, elle laisse souvent le spectateur se demander «Pourquoi ce film au cinéma ?»

SUPER-HÉROS MALGRÉ LUI reste une comédie avant tout, et elle a ses petites touches de drôlerie, en particulier dans sa description sans complexe du monde du cinéma commercial français, entre ses vedettes vieillissantes et prétentieuses (à travers le personnage d'Alain Belmont, parodie évidente d'Alain Delon) ou ses producteurs cyniques et dénués d'ambition. C'est lorsqu'il tourne en dérision les hypocrisies et les contradictions de ce monde du spectacle que SUPER-HÉROS MALGRÉ LUI trouve le mieux sa personnalité.

Mais il recourt aussi à toute une batterie de gags vulgaires, parfois gratuits, qui lassent vite. Tout ce qui tourne autour des amis de Cédric s'avère ainsi peu passionnant et surtout prétexte à des calembours lourds dont nous ne sommes pas le public visé.

Banal cinématographiquement, fastidieux dans son déroulement alors qu'il dure à peine une heure vingt, très moyennement interprété, SUPER-HÉROS MALGRÉ LUI n'est donc pas une réussite. En tant qu'histoire de super-héros, il se contente de faire dans le pastiche inoffensif et la grosse blague prévisible. Il a pour lui sa jovialité et une totale absence de prétention, mais cela ne suffit pas à sauver cette comédie trop manifestement dénuée d'une vision personnelle.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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