Header Critique : Matrix Resurrections (The Matrix Resurrections)

Critique du film
MATRIX RESURRECTIONS 2021

THE MATRIX RESURRECTIONS 

En 2003, après les sorties de MATRIX RELOADED et MATRIX REVOLUTIONS, tous les possibles cinématographiques s'ouvrent aux frères Larry et Andy Wachowski.

Après cinq ans d'attente, leur projet suivant, SPEED RACER, hommage nostalgique à la culture Manga, se heurte à l'indifférence du public. Quatre ans plus tard, CLOUD ATLAS, ambitieuse fresque de science-fiction co-réalisée avec l'Allemand Tom Tykwer, connaît aussi un accueil tiède.

Pour relancer leur carrière, le tandem retente un blockbuster grand public en 2015 avec JUPITER : LE DESTIN DE L'UNIVERS, Space Opera chatoyant à l'arrière-goût de FLASH GORDON. Qui, hélas, ne convainc pas, que ce soit artistiquement ou commercialement. Ayant changé au cours des années leurs identités en Lana et Lilly Wachowski, elles se consacrent au petit écran en signant la série «SENSE8» pour Netflix, à nouveau orientée vers la science-fiction.

Après quinze ans de silence radio, la Matrice émet de nouveau... Lana Wachowski travaille sans sa sœur sur un quatrième volet. Elle écrit ce MATRIX RESURRECTIONS avec la complicité des écrivains David Mitchell et Aleksandar Hemon, déjà sollicités sur SENSE8. D'autres collaborateurs des Wachowski participent à l'effort, comme James McTeigue en producteur ou Tom Tykwer à la musique. Néo et Trinity font leur retour sous les traits originaux de Keanu Reeves et Carrie-Anne Moss. Certains acteurs emblématiques de MATRIX comme Laurence Fishburne ou Hugo Weaving ne sont plus de la partie, bien que les personnages qu'ils incarnent reviennent...

Thomas Anderson, créateur de jeu vidéo, a connu un grand succès avec sa trilogie «Matrix». Pourtant, il souffre de schizophrénie. Il se mélange les pinceaux entre la réalité et la fiction qu'il a inventée. Ainsi, il se croit parfois capable de voler. Ou il prend des séquences de son jeu pour des souvenirs du réel. Alors qu'il doit travailler sur un quatrième volet du jeu «Matrix», son thérapeute, patient et compréhensif, lui prescrit des pilules bleues l'aidant à garder les pieds sur Terre. À moins que la réalité ne soit qu'une duperie...

Dans MATRIX, Thomas Anderson, alias Néo, était un petit hacker. Employé anonyme d'une entreprise capitaliste froide et sans visage, il passait ses nuits à des activités plus ou moins avouables. Au début de MATRIX RESURRECTIONS, nous le retrouvons sous les traits d'un homme mûr, créateur d'une série de jeux vidéo à succès nommée «Matrix», mettant en scène des personnages comme Trinity et Morpheus. Riche, il travaille à San Francisco, la capitale des Startup. Sa réussite ne fait pourtant pas son bonheur. Il est épris de Tiffany, une femme qu'il n'ose pas approcher même s'il la croise régulièrement dans un café près de chez lui.

La Matrice a donc changé de forme et de paramètres. L'agent Smith n'est plus un personnage interchangeable en costume-cravate, mais un cadre supérieur des technologies de l'information, se promenant en baskets et arborant un large sourire charmeur. Le monde du travail n'est plus l'enfer austère et sinistre de MATRIX, ses réunions sont devenues des brainstorming de marketings où chacun rivalise d'humeur positive dans une ambiance ludique.

Les machines cherchent à apprendre de leurs erreurs pour rendre la Matrice plus efficace dans la manipulation de l'humain. Elle se montre plus aimable, moins froide, mais elle n'en est pas moins aliénante. Elle emploie des chemins plus détournés, plus pernicieux, pour couper Thomas Anderson de son accès à la vérité, à l'amour et à la liberté. Bref, de son accès au bonheur.

Par sa narration bizarre et sa manière astucieuse de rebattre les cartes de la vie dans la Matrice, le premier acte de MATRIX RESURRECTIONS laisse espérer qu'il va suivre un chemin audacieux, renverser ce que le spectateur sait ou croit savoir sur cette simulation asservissante.

Hélas, à la croisée des chemins, ce nouveau métrage s'oriente vers la facilité. En s'ouvrant sur un décalque de l'ouverture de MATRIX (ici parasité par de nouveaux personnages, d'une façon non dissimilaire à certains moments de AVENGERS : ENDGAME !), MATRIX RESURRECTIONS avoue déjà son inféodation à son modèle d'origine. La structure du film de 1999 sert de canevas de base et le fond des idées reste semblable.

Ainsi, MATRIX RESURRECTIONS nous refait le coup de la «mise à jour», déjà exploitée de façon discutable dans MATRIX RELOADED pour justifier le retour de l'agent Smith.

MATRIX RESURRECTIONS apporte un regard un peu plus contemporain sur la Matrice, sur le monde des nouvelles technologies ainsi que sur les manipulations mentales. Mais narrativement, il ne propose guère que des explications tarabiscotées cherchant à justifier laborieusement l'existence d'une suite qui ne s'imposait pas. Nous ne trouvons ici rien de neuf, rien qui ne justifie un quatrième MATRIX.

Formellement, le résultat n'est guère emballant. Des collaborateurs-clés comme le directeur de la photographie Bill Pope, le chorégraphe des scènes d'action Yuen Woo-ping ou le compositeur Don Davis sont portés manquants, laissant un vide flagrant, menant à un MATRIX RESURRECTIONS moins spectaculaire, moins ambitieux, moins monumental que ses prédécesseurs. Il ne retrouve ni l'impact de MATRIX, ni l'envergure de ses deux suites.

MATRIX RESURRECTIONS a pour lui une séquence d'ouverture pourtant intéressante qui, sans être révolutionnaire, propose des rebondissements et des moments d'action astucieux et efficaces. Hélas, par la suite, nous resterons bien en deça, confrontés à des redites peu passionnantes de scènes déjà vues. Parfois avec gratuité, comme pour la très redondante scène d'entraînement au Kung fu dans un dojo virtuel. Les séquences d'action sont souvent sans enjeux, sans relief, resservent jusqu'à plus soif des effets de Bullet Time dénués de toute fraîcheur.

MATRIX RESURRECTIONS paraît innover en apportant des rôles plus variés au camp des machines, une perspective moins binaire sur l'antagonisme entre intelligence artificielle et humanité. Hélas, là aussi, le soufflé retombe, les nouveaux personnages ainsi créés ne s'avèrent en fin de compte que des moyens pratiques pour les scénaristes de se sortir du micmac bavard dans lequel ils sont enlisés.

Le changement principal, la piste la plus intéressante ouverte par MATRIX RESURRECTIONS, est le développement du personnage de Trinity. Elle passe du statut de groupie enamourée de Néo à celui d'une personne plus active, libre de ses choix. Rôle qui permet à Carrie-Anne Moss d'offrir son interprétation la plus nuancée du cycle. Il n'y a plus un élu unique, mais une entité harmonieuse composée par Néo et Trinity ensemble, deux principes se complétant et s'amplifiant mutuellement.

Dès lors, cette énergie mystique incarnée par le couple Néo-Trinity constitue un mystère hors d'atteinte de la rationalité mécanique. La transcendance reposant au sein du vivant reste inimitable et incompréhensible pour la Matrice.

Une direction intéressante, un propos constituant ce que MATRIX RESURRECTIONS a de mieux à offrir, mettant en avant le visage le plus humain du cycle MATRIX. Mais même cette tentative se trouve sabordée, le film ne faisant à nouveau que se rabattre essentiellement sur des idées déjà présentes dans les précédents films.

Négligeant ses aspects formels et cinématographiques, MATRIX RESURRECTIONS inflige un spectacle en tous points inférieurs à ses prédécesseurs. Quand il n'embarrasse pas par des clins d’œil désagréables (Lambert Wilson !) ou des choix de distribution incompréhensibles (Neil Patrick Harris dans un contre-emploi peu heureux). Plutôt qu'un rebond innovant et audacieux, MATRIX RESURRECTIONS ne constitue pour MATRIX qu'un appendice superfétatoire et disgracieux, une résurgence fastidieuse dont l'humanisme généreux des intentions ne rattrape pas le manque de nouveauté.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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