Header Critique : nuit où mon destin s'est joué, La (The Night My Number Came Up)

Critique du film
LA NUIT OÙ MON DESTIN S'EST JOUÉ 1955

THE NIGHT MY NUMBER CAME UP 

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les films des studios Ealing marquent une renaissance vivace du cinéma anglais, en particulier avec leurs comédies devenues des classiques comme NOBLESSE OBLIGE, TUEURS DE DAMES ou L'HOMME AU COMPLET BLANC. Ce studio a ses acteurs vedettes comme Alec Guinness, et ses réalisateurs récurrents comme Charles Crichton ou Alexander Mackendrick. Au-delà de l'humour british, les studios Ealing s'essaient à d'autres genres parmi lesquels le fantastique angoissant, et ce longtemps avant l'explosion de l'épouvante britannique de la fin des années cinquante. Ainsi, leur fameuse anthologie AU CŒUR DE LA NUIT constitue un grand classique de l'horreur et ne date que de 1945.

Moins connu, LA NUIT OÙ MON DESTIN S'EST JOUÉ arrive en 1955, dans les dernières années d'activité du studio Ealing, alors même qu'émergent les films fantastiques de la Hammer avec LE MONSTRE, première aventure du professeur Quatermass et acte de naissance de la grande vague du cinéma fantastique anglais à venir. LA NUIT OÙ MON DESTIN S'EST JOUÉ s'inspire d'une anecdote qu'aurait vécue le journaliste Victor Goddard et sur laquelle le sujet du métrage est élaboré par le scénariste R.C. Sherriff (qui fait ses premières armes chez Universal, sur l'écriture de titres comme L'HOMME INVISIBLE ou LA FIANCÉE DE FRANKENSTEIN).

Ce film met en vedette Michael Redgrave, qui incarnait le fameux ventriloque tourmenté par son pantin dans AU CŒUR DE LA NUIT. À ses côtés, nous retrouvons des visages connus, comme par exemple un tout jeune Denholm Elliott, le Marcus Brody dans LES AVENTURIERS DE L'ARCHE PERDUE et INDIANA JONES ET LA DERNIÈRE CROISADE. La réalisation du métrage est confiée à Leslie Norman, futur réalisateur du Hammer X THE UNKNOWN et du film de guerre à grand spectacle DUNKERQUE de 1958.

Alors qu'ils s'apprêtent à monter à bord d'un avion de la Royal Air Force reliant Hong Kong au Japon, des passagers apprennent qu'un officier vient de rêver d'une catastrophe aérienne au large de l'archipel nippon. De nombreux éléments de ce rêve évoquent étrangement le vol qu'ils s'apprêtent à prendre...

LA NUIT OÙ MON DESTIN S'EST JOUÉ renvoie aux sujets des rêves prémonitoires et de la prédestination. Ainsi, le Commander Lindsay rêve d'un accident d'avion, et ce drame aérien pourrait très bien avoir lieu dans un très bref avenir tant les signes insolites et les coïncidences troublantes s'accumulent. Difficile dès lors de ne pas penser au début de DESTINATION FINALE, ainsi qu'à l'épisode de « LA QUATRIÈME DIMENSION » l'ayant inspiré : «Sans escale de vie à trépas». Sauf que cet épisode a été tourné cinq ans après la sortie de LA NUIT OÙ MON DESTIN S'EST JOUÉ !

La première partie du métrage nous fait suivre un groupe de distingués sujets de sa gracieuse majesté, dissertant à Hong Kong dans une soirée conviviale. Ces diplomates, hauts fonctionnaires et militaires de hauts rangs s'apprêtent à se rendre à un sommet international se déroulant au Japon. Mais ils remarquent que les circonstances de leur vol (nombre de passagers, modèle de l'avion) recoupent le rêve d'accident fait par Lindsay. Ces messieurs, initialement prompts à sourire des superstitions chinoises, se trouvent eux-mêmes soudain confrontés à leurs angoisses les plus absurdes. D'autant plus que certains n'ont jamais osé monter à bord d'un avion, ou bien ont été victimes d'un traumatisme en vol au cours de la Bataille d'Angleterre.

Cette première moitié construit patiemment son groupe de personnages, servie par une excellente troupes d'acteurs, et met en place les enjeux de ses péripéties. Notre destin et notre mort sont-ils écrits à l'avance ? Et dans ce cas, nos rêves peuvent-ils annoncer l'avenir ? Face à ses croyances irrationnelles, nos Britanniques très sûrs d'être civilisés confrontent leur froide raison rassurante à leurs intuitions profondes et à leurs anxiétés inconscientes.

Dans sa seconde partie, LA NUIT OÙ MON DESTIN S'EST JOUÉ tourne progressivement à un film-catastrophe aérien très en avance sur son temps, succédant tout juste à ÉCRIT DANS LE CIEL avec John Wayne, autre titre-pionnier du genre sorti un an avant. Les passagers de LA NUIT OÙ MON DESTIN S'EST JOUÉ constituent une troupe d'une dizaine de personnes aux caractères et personnalités bien différents, personnalités qui s'exacerbent face à des situations de plus en plus périlleuses comme lorsque l'avion traverse des tempêtes de glace ou accumule les avaries extrêmes.

A l'instar du futur AIRPORT de 1970 et de ses dérivés,  LA NUIT OÙ MON DESTIN S'EST JOUÉ devient un film de groupe et de suspense. Son exécution est réussie, son mélange de prises de vue aériennes cinématographiques, d'effets spéciaux et de maquettes élaborées aboutit à un résultat efficace.

Avec les années, LA NUIT OÙ MON DESTIN S'EST JOUÉ s'est un peu fait oublié, il est devenu une rareté, rareté qui mérite pourtant la redécouverte. Certes, il démarre en douceur et tire un peu en longueur dans sa première partie, mais son mélange alors avant-gardiste de fantastique et de film-catastrophe aérien tient encore la route aujourd'hui, par ses qualités d'interprétation, de suspense et de cinéma.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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