Après avoir retrouvé sa fille Clara (Mireia Priol) dans un coma profond, l'avocate Monica (Belen Rueda) prend une curieuse décision : celui d'un pacte avec un étrange homme, qui lui promet le retour de sa fille à la vie. Elle ne connait la condition que quelques temps après qu'un jeune homme ait tenté d'assassiner Clara à l'hôpital.
L'Espagne, possède une tradition fantastique et horrifique à faire pâlir de jalousie les réalisateurs français. Chez nous, à de très rares exceptions et hormis de sombrer dans le torture-porn, le film de genre référentiel auteurichiant ou le film à gore déployé... on ne sait pas faire grand chose de réussi, de fin et surtout ; de bien écrit. Les productions ibères tiennent sans souci le haut du pavé des thrillers fantastiques européens et ce depuis la fin du XXe siècle.
Nouvelle preuve avec EL PACTO (LE PACTE), premier long métrage du catalan David Victori, avec sa posture faustienne à priori évidente... mais qui se tourne graduellement vers une autre direction. Attention, rien de fondamentalement renversant ou de nouveau réalisateur fétiche en voie de devenir. Mais une oeuvre correcte à voir, sans ennui et qui ménage ses surprises, c'est toujours bon à prendre. Il s'agit aussi de la nouvelle incursion dans le film de genre pour Belen Rueda, une actrice très active en Espagne, héroïne de L'ORPHELINAT, LES YEUX DE JULIA ou encore du récent ORBITA 9. Distribué par Sony sur le territoire espagnol depuis le 17 aout 2018, le film subit une contre-performance malgré ses 354 copies.
L'élaboration d'une atmosphère diaphane et ambigüe apparait comme la grande qualité du film. Une écriture de personnages bien sentie, avec pourtant une nième famille en déroute : séparation d'avec Alex, le père (Dario Grandinetti), jeune adolescente en révolte... mais surtout un scénario qui tisse graduellement des liens entre les personnages, malgré d'apparents seconds rôles sans grande définition. Alex est en effet inspecteur de police ayant enquêté sur la mystérieuse résurrection d'une femme tombée du haut d'un immeuble, qui aura un lien avec sa fille, entre autres. Malgré les apparences, tout se lie.
Lorsqu'arrive le moment de conclusion du fameux pacte et du prix à payer, on pense inévitablement au mythe de Faust. Mais toute référence de diable ou de religion reste totalement évacué au profit d'un mystère autour d'un culte de "l'araignée albinos". Qui apparait singulièrement au moment où les contractants sont au bord d'ôter la vie demandée en retour du pacte. On retrouve plus l'influence et les racines d'un cinéma fantastique du début des années 2000 (les débuts de Balaguero, par exemple). Avec un scénario complexe, appuyant sur le relationnel entre les individus. Et ménage des rebondissements (dont quelques uns assez gratinés) sur la dernière demi-heure. Et ici de livrer une dérive des plus étranges avec une conclusion aux sous-entendus amoraux.
Victori opte pour une certaine sobriété de mise en scène. EL PACTO navigue dans des eaux surnaturelles, donc aux frontières très floues pour l'ensemble des personnages. Ce qu'il tente de retranscrire dans la direction d'acteurs - tous quasiment en proie au doute. Très peu d'effets d'épouvante gratuits, il se focalise sur le glissement moral de Monica. Qui n'hésite pas à effectuer une descente aux enfers intellectuelle et physique. Bafouant les règles qu'elle observait jusque là. Sa caméra est assez peu mobile, construisant plus ses plans que de recourir à des mouvements inutiles. Avec cependant une effet surprenant de travelling circulaire vertical à 180 degrés, superposé à un autre plan autour d'un sablier - une des clés de l'intrigue. Un effet de caméra doublé de trucage numérique du plus bel effet. Peu d'effets spéciaux, mais utilisés à bon escient sur des moments de morts efficaces.
Côté technique, difficile d'apprécier pleinement le travail sur la photographie en Scope effectué par Elias M. Felix, tant la projection à laquelle j'ai assisté était sombre et laide. Mais on ne peut ignorer que beaucoup de scènes se déroulent dans une semi-pénombre (l'attaque d'Alex dans le sous-sol) si bien qu'il reste délicat de vraiment savoir ce qu'il se passe à l'écran. Une sensation désagréable.
EL PACTO n'évite cependant pas les écueils propres aux stéréotypes de ses protagonistes.Clara est une teenager qui déteste sa mère au point de fuguer. L'évidence de la séparation entre Alex et Monica se délite (rien ne vaut un bon drame pour resserrer les liens familiaux) . Et dès le premier quart d'heure avec la scène d'attaque de Clara, le film fonce dans le balisé avec son pacte de vie qui en demande une autre comme prix à payer. Là où il réussit son coup : savoir changer de direction et rebondir après que le spectateur ne redoute une impasse scénaristique. Avec l'adjonction trop tardive d'Antonio Duràn 'Morris' dans un rôle ingrat mais glaçant - peut-être le plus intéressant du long métrage. Pour se terminer dans une thématique au final assez peu visitée.
EL PACTO n'est nullement un film d'horreur. Plutôt un mélange de terreur psychologique, dans un déroulement cependant convenu. Malgré Belen Rueda qui semble sur les rails de ses précédentes interprétations, le film garde une certaine humilité : il demeure simple et efficace à défaut d'être original. Moyen mais pas si mal que cela, en fin de compte.