Une famille anglaise se rend dans un château afin d'assister à la lecture du testament du patriarche. La famille s'en désespère car tout va à une lointaine parente (Anna Moffo, une chanteuse d'opéra américaine), restée seule à s'occuper du vieillard. Entre jalousies et manipulations, les premières morts ne tardent pas à se manifester.
Voici un petit film curieusement oublié de manière régulière par les amateurs de thriller à l'italienne. Il se situe clairement du côté d'une relecture de "Dix petits indiens" d'Agatha Christie croisé avec LA VOLONTE DU MORT écrit à l'origine par John Willard. Le tout, retravaillé par Sergio Donati, co-scénariste d'IL ETAIT UNE FOIS DANS L'OUEST et HOLOCAUST 2000, Fabio Pittorù (scénariste entre autres de LA DAME ROUGE TUA 7 FOIS) et son comparse régulier Massimo Felisatti. Le long-métrage navigue dans des eaux simili-Giallo pas désagréables à suivre. Et épouse également des moments de comédie. On sent qu'il s'agit de Michele Lupo derrière la caméra et pas Lenzi! Lupo reste en fait plus un spécialiste de mix comédie/action, notamment via ses AFRICA EXPRESS, MON NOM EST BULLDOZER et tous les Bud Spencer qui suivirent.
Voire les premières notes de musique, qui pointe clairement vers de l'Agatha Christie façon Margaret Rutherford et Ron Budd qui inspire la musique de Francesco De Masi. Il faut voir le flic/bobby (le sergent Thorpe, un Gastone Moschin exubérant) récurrent qui fait le parfait idiot le long du film ! On pourra également rapprocher THE WEEKEND MURDERS à une autre «interprétation» des "Dix petits indiens", à savoir L'ILE DE L'EPOUVANTE de Mario Bava. Cette Ile-là bénéficiait d'un scénario bien pauvre, que Bava compensa par une certaine ironie et du charme de ses actrices. Un choix que Lupo et ses producteurs ne firent pas, partant d'un script déjà beaucoup plus solide à la base.
Tourné en TechniScope 2.35:1, avec un casting hétéroclite qui va parler aux aficionados : Evelyn Stewart (EXORCISME TRAGIQUE), Peter Baldwin (LA DONNA DEL LAGO), Gastone Moschin, Beryl Cunningham (déjà dans le précédent Michele Lupo, UNA STORIA D'AMORE mais également héroïne de LA POSSEDEE DU VICE), Giacomo Rossi-Stuart (OPERATION PEUR) et également permet de retrouver Orchidea de Santis, l'atout charme ici via son rôle de soubrette, une actrice qui vit sa carrière quasi-arrêtée suite à un incident sur le tournage de ARRIVANO I GATTI en 1980.
Une utilisation experte du montage audio et visuel, dès à la 4e minute : Francesco De Masi laisse la main à Tchaïkovsky et son Concerto pour Piano n°1 (que Gianni Ferrio réutilisa l'année suivante pour sa composition de UNA FARFALLA CON LE ALI INSANGUINATE) pour y mélanger des coups de feu à chaque pointe de mélodie' Lupo aime tellement le procédé qu'il va nous le resservir à plusieurs reprises, notamment à la 28e mn pour passer sur les visages des protagonistes qui découvrent que le jeu macabre du fils (Chris Chitell) s'avère un véritable meurtre. Un très beau moment de cinéma. Et qui donne par là-même le titre italien original du film : CONCERTO PER PISTOLA SOLISTA («Concerto Pour Pistolet Seul») où les coups de feu à la consonance très western se substituent au piano.
Lupo sait clairement utiliser le format Scope : il s'ingénie à des compositions de plans mettant en valeur la profondeur de champ, les multiples actions à différents niveaux du plan, et des contreplongées vertigineuses (50mn44, p.ex), jeu sur les miroirs. Tout en effectuant un petit clin d'oeil à LA REGLE DU JEU. L'ensemble du long métrage reste cependant perclus de zooms avant/arrière en pagaille pour ponctuer l'action. Une fois passe encore, en permanence, trop de démonstratif tue la démonstration. Il prend néanmoins clairement du plaisir à jouer avec à la fois ses acteurs et avec le spectateur. Expérimenter, tordre l'image et donc tordre la réalité. Un peu ce que Sergio Martino effectua avec ses Gialli.
Le scénario multiplie les points de vue, peut-être au détriment du focus qu'il aurait du avoir sur l'histoire même. Elle se perd donc en circonvolutions autour des personnages et leurs motifs, jalousies et autres sentiments enfouis. Il s'agit surtout de l'enquête conjointe de l'Inspecteur Grey (Lance Percival) et de son acolyte à priori un peu benêt (Gastone Moschin, doublé de manière ahurissante), qui va cependant mener la barque et exposer la clé de l'énigme.
La narration emploie également un mode étrange : le film démarre sur la découverte d'un cadavre dans une fosse de sable de parcours de Golf. Pour revenir en arrière sur le chemin parcouru jusque là' et y revenir au bout de 70 minutes de films, pour ensuite conclure sur les 38 minutes restantes. Un procédé dont on a du mal à comprendre le fondement ou l'intérêt. Probablement le désir de rythmer autrement un «Whodunit» alors bien en vogue à l'époque' Au final, cette manipulation n'apporte rien et a tendance à plutôt couper la mise en place du suspense qu'autre chose. On sent bien que les auteurs du film n'avaient pas en tête de copier la tendance Giallo qui prenait l'Italie de cours. Une violence hors champ et très peu appuyée, une absence de nudité, le suivi consciencieux d'une formule « à la Agatha Christie » éprouvé' avec réunion finale des suspects et révélation du tueur à la clé. Un film surtout tourné vers une exploitation anglo-américaine vers qui le produit était visiblement destiné. Entièrement tourné au Royaume Uni, à Lowestoft, le cinéaste fait tout pour faire oublier l'origine majoritairement italienne de la production. Un thriller à l'ironie bien présente qui reste inédit en France.
THE WEEKEND MURDERS, rebaptisé par WEEKEND MURDERS par Code Red, reste en conclusion un agréable petit suspens comico-macabre. Une petite odeur de Cluedo, parfumé à la campagne anglaise et tous les stéréotypes attendus. Avec un peu d'épice à l'italienne avec son oedipe mal digéré (la marque Pittorù, apparemment) et son visuel tarabiscoté. Un chef d'oeuvre ignoré ? Non. Un suspens qui fait plaisir ? Oui.
L'éditeur américain Code Red est connu pour sortir de petites gemmes Bis et restreindre fortement ses ventes au territoire américain. Mais depuis qu'il a confié sa communication à quelqu'un d'autres et mis en vente ses films sur des sites qui envoient à travers le monde comme Screenarchive et Diabolikdvd, les Blu-ray sont heureusement plus accessibles, car nombre de films sortis par la firme demeurent inédits ou indisponibles en nos contrées.
Pour la galette : un menu fixe, sur fond de Tchaïkovsky, permet d'accéder au film, sélectionner le commentaire audio, l'interview et le film annonce. Le disque est bien évidemment chapitré (17 séquences), mais l'éditeur n'a pas jugé nécessaire d'offrir au spectateur un accès chapitré via le menu. Très agaçant.
Durée complète : 98mn05 et au format 2.35:1, résolution en 1080p et codec MPEG 4/AVC, sur un BD 25. Ce "nouveau master 2015" donne de très belles couleurs. Il faut passer par quelques poussières blanches et craquements en début de film. J'ai peine à croire que ce soit un scan 2K d'un négatif ou d'un interpositif, plutôt d'après une copie 35, comme le laissent suggérer à la fois le générique MGM mais également les brulures de cigarettes ici et là (76mn18, entre autres). Mais les détails abondent, le contour des personnages est assez précis. Clairement, les scènes extérieures pâtissent le plus avec des contrastes médians, mais les scènes en intérieur rehaussent le tout. Ça n'est pas un Blu-ray qui restera dans les mémoires, mais l'ensemble est propre, respectant le grain initial, même si l'image demeure trop douce.
Audio : Version anglaise only. Visiblement, le film a été tourné en anglais, sauf deux ou trois acteurs qui ont été doublés car parlant visiblement italien. La piste sonore est en DTS HD MA 2.0 mono, au début quelque peu irrégulier. Quelques moments étouffés mais ça fait clairement le job. Le film fut distribué par la MGM aux USA en juin 1972, en double programme avec LA TARENTULE AU VENTRE NOIR. Et d'ailleurs, le générique MGM fait peur avec le souffle et autres artéfacts sonores. Ça se calme quelque peu après, même si cela reste audible le long du film. Aucun sous-titre en vue.
Suppléments : l'acteur/réalisateur Peter Baldwin se retrouve dans tous les bonus qui ont été portés depuis le DVD de 2009. Pour commencer, un commentaire audio bourré d'anecdotes. Pas vraiment en rapport avec l'oeuvre concernée de THE GREATEST SHOW ON EARTH à sa très prolifique carrière de réalisateur TV, il est ce qu'on appelle un très bon client. Le commentaire modéré par Scott Spiegel (réal UNE NUIT EN ENFER 2 et HOSTEL III) et Lee Christian tourne parfois à la conversation sur les points d'orgue de Baldwin. Ses débuts dans le cinéma, il en vient à citer John Derek (!), James Cagney (qui revient souvent), Clint Eastwood sur le tournage de CA VA COGNER, référence aux SORCIERES... une promenade dans le temps assez amusante, mais assez peu (hélas) en rapport avec ce qui se passe à l'écran. Et subitement, une fois que la conversation semble peiner à la 74e minute, Baldwin rebondit enfin sur le film à travers un acteur comique britannique qui joue l'Inspecteur Grey (Lance Percival) et tout le bien qu'il en pense, surtout sa qualité de golfeur(!). Jusqu'a enchainer sur le fait qu'il n'a aucun souvenir d'Evelyn Stewart, démontrant selon lui à quel point il était attiré par Anna Moffo'
Cela continue avec un interview de Peter Baldwin sur presque 20 minutes (Dolby Digital Stéréo 192 kbps) qui là revient vraiment sur le tournage de THE WEEKEND MURDERS. Un cadrage d'interview assez curieux et un son parfois étouffé. Où il indique clairement que Michele Lupo lui demande de l'aider à tourner avec des acteurs anglais! Plusieurs éléments assez amusants, dont notamment Orchidea de Santis rencontra son mari sur le tournage et se marièrent illico. Il revient encore sur Lance Percival et dit globalement la même chose qu'il précise sur le commentaire. Visiblement les séances de golf produisent leur effet 39 ans après! Il s'emmêle parfois les pinceaux, par exemple en citant «Alfredo Fredda» pour le réalisateur du SPECTRE DU PROFESSEUR HITCHOCK, parlant de réalisateurs italiens prenant des noms anglicisés. Son point sur la prise de son en Italie est par contre très intéressant. D'après son expérience, la prise de son directe n'est pas vitale en Italie, dû notamment à l'énorme bruit que faisaient les caméras dans les prises de vue. Donc tout était focalisé sur l'image, les lumières et le jeu d'acteurs. L'ensemble des bruits et dialogues s'effectuant uniquement en post-production. Souvenir sur justement LE SPECTRE DU PROFESSEUR HITCHOCK, avec une caméra «Eclair» excessivement bruyante qui l'a particulièrement marqué en ce sens. Il s'éloigne ensuite du film pour évoquer sa carrière italienne et les moult historiettes qui s'y rattachent. Et il en possède!
Enfin, l'édition se termine par le film annonce de l'époque, recadré en 1.85:1 (2mn19). A noter que tout est en anglais et sans aucun sous-titre. Il faut être full english compatible pour profiter de tout cela!