Critique du film
et du DVD Zone 2
LE GRAND DEFI
1964
Qui dit version comique d'un genre en vogue, dit forcément début de fin du cycle. Concernant le Péplum, LE GRANDE DEFI (ERCOLE SANSONE MACISTE URSUS : GLI INVICIBILI en version originale) s'insère justement dans cette règle. Version comique d'un genre arrivé à bout de souffle, il revitalise de manière court-termiste les films en minijupettes unisexe qui firent les beaux jours des cinémas de quartier.
Hercule (Alan Steel) sauve la belle Omphale (Elisa Montes) d'une noyade. Bien décidé à l'épouser, il vient demander sa main à sa mère la reine de Lydie. Celle-ci, en butte aux attaques incessantes de la Tribu de la Montagne, décide d'utiliser sa force pour se défendre. Las! Omphale est amoureuse d'Inor, le fils du chef de la méchante tribu. Afin d'échapper à un mariage forcé, ils manipulent Hercule afin que celui-ci soit forcé d'affronter l'homme le plus fort du onde : Samson (Nadir Baltimore). Mais tout ne se passe pas comme prévu, croisant sur sa route Maciste (Red Ross, qui deviendra plus tard Howard Ross), toujours à aider son prochain et la brute d'Ursus (joué par le français Yann Larvor) violent et affamé.
A force de croiser les genres, les époques, les héros et méchants en tous genres (MACISTE CONTRE ZORRO, quand même), l'Italie en manque d'idées novatrices va simplement fourvoyer les 4 musculeux de service dans un seul et même long-métrage. Chacun héros de films divers depuis quelques années, les 4 invincibles se télescopent dans LE GRAND DEFI qui s'avère au final une assez bonne surprise. Dans le sillon de LA REINE DES AMAZONES ou du terrible DEUX CORNIAUDS CONTRE HERCULE, le genre s'essaye à la comédie. Pas une parodie au sens propre du terme , un peu comme le fera A FUNNY THING HAPPENED ON THE WAY TO THE FORUM ou encore Mel Brooks dans le segment de LA FOLLE HISTOIRE DU MONDE. Plus une comédies de situations ayant pour décor l'Antiquité. Comme d'habitude, il ne faut pas espérer un quelconque respect de la mythologie officielle. Tout ceci vole gentiment en éclat sous la houlette de Giorgio Capitani (né à Paris!), qui deviendra un spécialiste de la comédie. Hormis un western plutôt intéressant, CHACUN POUR SOI, il restera abonné aux doux titres d'UNE LANGOUSTE AU PETIT DEJEUNER avec Claude Brasseur ou encore JE HAIS LES BLONDES avec Jean Rochefort. Pas du bas de gamme, ceci dit!
On a quand même à faire avec une production cheap aux quelques décors parfois miséreux. On est loin des fastes des productions de Vittorio Cottafavi comme HERCULE A LA CONQUETE DE L'ATLANTIDE, ou encore de LA BATAILLE DE MARATHON. Pas de format Scope non plus. Ce que le film perd en luxe apparent ou de décors rutilants, il tente de le gagner en rythme et en impertinence. La Reine de Némée obsédée par son or et manquant cruellement d jugeote. Constamment à côté de la plaque, conseillée par un gay subtilement décrit (chose très rare!), en miroir d'un chef de tribu montagnarde tout aussi idiot et primaire. Les 4 stéroïdés ne sont pas en reste : un Hercule obsédé par son image, Ursus coléreux et un total idiot, Samson campagnard qui court la gueuse (et étranger à la Rome Antique), et un Maciste héros du peuple quelque peu décérébré.
LE GRAND DEFI navigue entre une gentille satire et un dépoussiérage des mythes. Ca ne va pas très loin, mais l'ensemble fort digeste provoque rires et sourires amusés aux situations décrites. Quelques dialogues décochent des remarques mouchetées fort à propos. Ce qui compense un scénario alambiqué, assez mal écrit, finissant par s'éparpiller. Il empile des saynètes vaguement reliées par un fil conducteur en pointillé. Hercule disparait ainsi pendant un tiers du métrage alors que le récit le décrit comme moteur principal. Serait-ce du au départ précipité de Steel pendant le tournage?
Le film réussit à réunir des habitués du genre. Alan Steel (pseudo du culturiste italien Sergio Ciani) fit de belles prestations dans le très sympa MACISTE CONTRE LES HOMMES DE PIERRE ou HERCULE CONTRE ROME. La plantureuse Moira Orfei a eu son heure de gloire avec MACISTE L'HOMME LE PLUS FORT DU MONDE après quelques troisièmes rôles dans divers péplums avant 1961 et croisa à nouveau Alan Steel dans le curieux MACISTE CONTRE ZORRO d'Umberto Lenzi. Quant à la jolie Hélène Chanel, elle se débattit dans MACISTE EN ENFER (que Riccardo Freda indiqua avoir eu beaucoup de soucis avec Kirk Morris, mauvais comme cochon!) et encore avec Morris dans le très croquignolet GOLDOCRACK A LA CONQUETE DE L'ATLANTIDE (bravo retitrage et gloire à SVP Video pour l'avoir sorti en VHS!). On ne fera pas de liste exhaustive, mais le monde du péplum était décidément bien petit pour ceux qui jouent d'un aussi grand balourd.
LE GRAND DEFI s'avère un spectacle inoffensif mais qui bénéficie au gré de sa projection d'un gros capital sympathie! Il n'était guère possible de le voir qu'à travers notamment un DVD-R de chez Something Weird Video sous le titre de SAMSON AND HIS MIGHTY CHALLENGE (!) ou d‘attraper une hypothétique diffusion TV.
Rythme régulier, peu de temps morts, acteurs qui jouent la carte du second degré et dialogues qui vont de pair, le film reste bien plus intéressant que la moyenne des péplums moyenne gamme que les 60's ont produits à la chaîne. Bien conscient de sa portée, il bouscule les légères conventions du genre. Des combats sans fin qui tournent au ridicule : voir en ce sens au final Maciste contre Hercule interrompus par deux soldats, et qui finissent par leur coller la pâtée. Ou encore le même Maciste finir par détruire l'auberge des personnes qu'il était supposer aider! Une petite production vivement conseillée, gardant le charme des péplums tournés rapidement mais sachant jouer avec son sujet, ne se prenant guère au sérieux… et réussissant sa tâche de divertir au mieux. Une bonne surprise!
Le DVD édité par Artus Films arrive en France au format original 1.85:1 (attention, l'information au dos de la jaquette est trompeuse, annonçant un 2.35:1 erroné) avec signal 16/9e, d'une durée totale de 93mn59. Le film était annoncé dans un ronflant « Ultrapanoramic », qui cachait simplement un format 1.85:1 sphérique, comme beaucoup de pseudo-format « Larges » publicités dans les années 60.
Le générique de début fait un peu peur : un fond blanc brulé qui trahit des contours de personnages animés peu stables et une compression parfois visible… Cela s'arrange par la suite. On remarque bien que la copie n'est pas toujours propre, mais livre des couleurs agréables à l'oeil. Les scènes d'intérieur possèdent de jolis contrastes (la scène de bagarre entre Samson et Hercule, avec notamment de très belles contre-plongées), tandis que les scènes d'extérieur restent parfois bien pâles. Il faut aussi préciser que la photographie du film, tout en étant pro, ne donne pas dans un style sortant de l'ordinaire. Ca fait le job, comme le reste du film, mais rien de plus. Un souci néanmoins : dès 38 mn 38, la copie vire au sépia délavé pendant quelques scènes. Peut-être le source d'origine? Ou un matériel provenant d'une autre copie afin d'aboutir à la complétude de l'oeuvre? De manière générale, la définition des scènes extérieures se révèle pauvre- voir en ce sens les plans du camp des barbares près du lac. Les scène intérieures parviennent à maintenir un charme typique des productions studios 60's.
Pour le son, deux pistes audio au choix, les deux encodées en Dolby Mono sur deux canaux. Les puristes se dirigeront vers la version italienne (avec sous-titres français amovibles) : on y parle italien, mais également d'autres langues doublées pour la circonstance, eu égard à une co-production italo-espagnole. Dialogues clairs et l'ensemble met bien en avant la partition tressautante de Piero Umiliani, qui commençait à se laisser aller à des élans de pré-Jerk-lounge du plus bel effet. Très loin des orchestrations de Francesco de Mais ou d'Angelo Lavagnino pour les peplums! Ceci posé, le son connait quelques distorsions (à 7m17, par exemple), qui ne la rend vraiment pas sans défaut, mais même si tout ceci se tient plus dans des aigus, l'ensemble se suit sans peine.
Pour la version française, le son s'avère décevant, étouffé, manquant de certains effets sonores présents sur l'autre piste audio. Dès le générique de début, la musique est hachurée. Cette même musique avec accrocs est reprise par ailleurs en fond sonore lors des menus fixes. Là aussi, une source qu'on devine dans un état peu amène - qui semble être à l'origine de cette qualité moindre. Certains dialogues absents de la version française (comme Moira Orfei vers 38mn28) sont insérés en version italienne avec des sous-titres français. Rien de bien méchant, mais tout cela n'est guère optimal pour une VF. Il vaut mieux se diriger vers la version originale.
Le menu fixe demeure similaire à tous les DVD Artus. A savoir un accès film direct ou par 8 chapitres, la choix de la langue (avec ou sans sous-titres) puis celui des suppléments.
Un bonus de choix avec Michel Eloy qui revient pendant presque une heure sur la longue histoire du péplum à travers notamment les 4 figures pivotales présentes dans LE GRAND DEFI. Vaste projet de couvrir le genre côté transalpin sur quelques 53 minutes. Un véritable puits de science. On pardonnera aisément les hésitations ou quelques 2/3 erreurs factuelles (à la 49e minute, il parle de Moira Orfei jouant la Reine de Lydie… alors qu'elle incarne en fait le rôle de Dalila!): les amateurs peu éclairés du sujet y trouveront largement de quoi étancher leur soif de connaissances. Pour le reste, la galette propose un diaporama d'affiches, photos d'exploitations couleurs et de tournage en Noir et blanc. Ainsi que des films annonces des diverses collections Artus : de celle du GRAND DEFI via un melting pot de Western, Film de pirates ou encore de super héros transalpin.