Anders Elsrud Hultgreen se spécialise dans les Beaux Arts durant ses études et commence à travailler sur l'image. Son approche du cinéma est d'ailleurs clairement orientée vers une forme résolument artistique qui s'éloigne des standards habituels d'une narration cinématographique. Il a ainsi réalisé plusieurs courts-métrages dont EVIGHETENS AVKOM, réalisé à l'origine pour être diffusé dans le cadre du Screen City Festival de Stavanger, un événement assez particulier puisque spécialisé dans la projection d'œuvre visuelle sur des devantures, façades d'immeubles ou de monuments. Il va aussi collaborer avec un collectif musical, Boogey Boys, pour lequel il tournera des vidéos lorgnant vers l'expérimental. Pour son premier long-métrage, Anders Elsrud Hultgreen ne va donc pas changer sa manière d'appréhender le cinéma et ce même si le cinéaste présente son film comme une histoire se déroulant dans un monde post-apocalyptique !
MORGENRØDE n'est pas ce que l'on pourrait appeler un film facile d'accès. En tout cas pas dans ce qu'il raconte. Le réalisateur évoque le «Ragnarök», l'apocalypse des mythologie nordique, mais, en réalité, à la vision de MORGENRØDE, peu de chose relie son univers à notre propre monde. L'histoire pourrait dès lors se dérouler sur une autre planète ou dans une autre dimension voire simplement n'être qu'une histoire éthérée aux portées philosophiques. Après tout, les deux personnages du film évoluent dans des paysages brumeux et désolés qui donnent l'impression d'être un lieu hors du temps. L'un des deux personnages avoue même avoir toujours été là, comme si il était condamné à errer pour l'éternité. Ce personnage, interprété par Ingar Helge Gimle, se montre plutôt étrange. Au point qu'au fur et à mesure du déroulement du film, on en vient à se demander s'il s'agit d'une divinité ou d'une représentation de la mort. Les informations sont données avec tant de parcimonie que le film laisse le spectateur se poser des questions concernant les origines et les motivations des deux personnages principaux. Et, curieusement, l'aspect dépouillé de MORGENRØDE en devient plutôt intrigant. Mais c'est aussi peut être la limite du film car son créateur, Anders Elsrud Hultgreen, préfère rester dans un symbolisme épuré, ne donnant jamais les véritables clefs de ce qu'il veut nous transmettre… Est-ce une critique ironique des croyances religieuses ? Un constat nihiliste de la place infime et précaire de l'être humain dans l'univers ? Le film se termine sans apporter de réelle réponse et ce sera donc à chacun de l'interpréter selon ses propres convictions.
A l'évidence fasciné par la nature et notre univers, Anders Elsrud Hultgreen filme de manière lancinante d'imposants décors rocailleux et désertiques. Le cinéaste joue d'ailleurs avec le cadre et ses paysages d'un autre monde pour mieux retranscrire et nous faire partager l'errance de ses personnages. Hébétés, perdus au milieu du monde qui les entourent, les deux hommes communiquent de manière relativement rudimentaire, économisant les mots et les phrases. L'expérience nous ramène ainsi à un film comme LE GUERRIER SILENCIEUX de Nicolas Winding Refn. Mais la sobriété monacale du film de Anders Elsrud Hultgreen lui confère un cachet plus modeste, moins présomptueux et donc, peut être, plus honnête dans sa façon de traiter son sujet. De plus, le film se fait court avec une durée de 70 minutes qui ont le mérite de proposer une œuvre sommaire qui prête à réfléchir...