Header Critique : PLANETE DES HOMMES PERDUS, LA (IL PIANETA DEGLI UOMINI SPENTI)

Critique du film et du DVD Zone 2
LA PLANETE DES HOMMES PERDUS 1961

IL PIANETA DEGLI UOMINI SPENTI 

Connu aussi aux USA sous le nom de BATTLE OF THE WORLDS et ressorti tardivement en Italie au début des années 70 sous un autre titre, il s'agit du second film de science-fiction d'Antonio Margheriti, sous son pseudo d'Antony M. Dawson. Il en réalisera quatre autres quelques années plus tard, dont SNOW DEVILS chroniqué sur le site. Cette PLANETE DES HOMMES PERDUS aurait été distribuée en Belgique en 19, ce qui tend à accréditer la thèse que le film fut diffusé dans quelques cinémas français en 1962, sans qu'une sortie officielle n'ait été enregistrée - si l'on omet bien sûr une diffusion à la télévision.

Les observateurs scientifiques sur Terre comme sur Mars enregistrent un phénomène incroyable : une planète appartenant à un autre système solaire se dirige vers la Terre. Le Professeur Benson (Claude Rains) avait prévu cela depuis bien longtemps, sans que quiconque ne le croie. Mais les prévisions vont bien au-delà des catastrophes climatiques qui se profilent.

Magie des productions italiennes qui savaient attirer les acteurs en bout de course ou à la recherche d'une seconde vie, cette PLANETE DES HOMMES PERDUS - ou en VO IL PIANETA DEGLI UOMINI SPENTI- prend donc dans ses filets Claude Rains. Célèbre pour son interprétation du FANTOME DE L'OPERA d'Arthur Lubin, ou encore CASABLANCA, LES ENCHAINES… il venait surtout de se faire souffler le rôle principal de JUGEMENT A NUREMBERG par Spencer Tracy. Rains avait interprété le rôle du Juge avec succès au théâtre… mais il se rabattit donc sur un film de SF italien. Umberto Orsini complète le haut du tableau. Alors au début de sa carrière, cet acteur versatile verra son aura révélée non pas par les films de genre, mais à travers d'oeuvres comme le superbe IL MARE de Giuseppe Patroni-Griffi, LES DAMNES ou LUDWIG de Luchino Visconti, d'EMMANUELLE 2 et GOODBYE EMMANUELLE et même jusqu'au ELLES N'OUBLIENT JAMAIS de Christopher Frank!

Cette collaboration Margheriti/ De Concini (sous le pseudo de Vassilij Petrov) fait suite à une première qui a donné ASSIGNMENT : OUTER SPACE, plus ramassé et se perdant moins dans les méandres des sous-intrigues. De Concini était déjà à l'époque une véritable machine de guerre scénaristique. Il participa à plus de 160 métrages le long de sa longue carrière, alignant avec une insolente forme au moment de cette PLANETE DES HOMMES PERDUS, les récits de DIVORCE A L'ITALIENNE, LE MASQUE DU DEMON, HERCULE ET LA REINE DE LYDIE ou même encore LE CRI de Michelangelo Antonioni !

Au début des années 60, l'Italie vit son âge d'or du cinéma. Des auteurs comme Fellini, Rosselini ou encore de jeunes auteurs comme Michelangelo Antonioni, Dino Risi ou Mario Monicelli accaparent les récompenses internationales. Les actrices comme Sophia Loren ou Claudia Cardinale s'exportent. Et le cinéma populaire engendre des succès énormes comme LES TRAVAUX D'HERCULE ou encore LE COLOSSE DE RHODES. La recette? Surfer sur les thèmes à la mode, récupérer des grands noms américains en haut de l'affiche et tout faire pour masquer l'origine italienne du produit aux yeux du public. Mario Bava prit le pseudonyme de John Old, Riccardo Freda celui de Robert Hampton et Antonio Margheriti celui d'Anthony Dawson. Peplum, Horreur, film de guerre… tout y passe ou presque, jusqu'à l'avènement du Western via Sergio Leone. Le cas de LA PLANETE DES HOMMES PERDUS demeure quelque peu à part. La science-fiction se résume à quelque succès mineurs, comme LE CHOC DES MONDES, LA GUERRE DES MONDES ou PLANETE INTERDITE, la SF japonaise qui émergeait avec PRISONNIERE DES MARTIENS… mais pas de raz-de-marée. Cette nouvelle tentative de Margheriti se révèle audacieuse et même parfois avant-gardiste d'un strict point de vue iconographique. Et qui pose quelques jalons de ce que sera la science-fiction italienne pour les années à venir.

Situation relativement nouvelle dans le cas présent, car les enjeux paraissent singulièrement différents. S'inspirant de récits catastrophistes tendance LE CHOC DES MONDES, le métrage se concentre tout d'abord sur les réactions humaines quant à la découverte de l'astéroïde. Puis les affrontements entre les diverses théories. Claude raine reste une sorte de professeur Tournesol illuminé, reclus - limite ermite - la bataille du pot de de terre contre le pot de fer. Puis la narration de décaler son centre de gravité vers une science-fiction plus caractéristique dans la description des vaisseaux spatiaux et autres tenues spatiales. On ne verra jamais les extra-terrestres, juste constater leurs actions et diverses attaques/ripostes, le tout enveloppé de considérations philosophiques sur la nature de la connaissance et du savoir. En fait, on en vient même à se demander si De Concini & Margheriti ne versent pas dans la parabole politique - à l'image de Vittorio Cottafavi qui faisait par exemple d'HERCULE A LA CONQUETE DE L'ATLANTIDE une illustration de la réunification de l'Italie, Hercule endossant le costume sublimé de Victor Emmanuel III.

Il faudra cependant faire abstraction des théories fantaisistes mathématiciennes et scientifiques toutes aussi farfelues les unes que les autres - nous nous trouvons dans la 4e dimension cinématographique donc tout rapport au réel se doit d'être distordu- et d'une écriture assez lâche dans les interactions humaines, De Concini amorçant des intrigues secondaires qui n'entretiennent que très peu de rapports et d'influence sur la colonne vertébrale narrative du film. Et en y regardant de plus près, on décèle des éléments provenant de (pompés sur?) la BD Flash Gordon. Benson et Zarkov ayant décidément bien des choses en commun… comme certains points narratifs et descriptifs!

Tourné en grande partie dans de magnifiques décors naturels siciliens, la première partie du métrage se déroule sur Terre dans l'attente de la réalisation (ou pas) des prévisions de collision entre la planète errante et la Terre. Le personnage de scientifique retors, campé avec beaucoup de bonheur par Claude Rains, reste malgré tout particulièrement désagréable! Un poil curieux de la part des auteurs, la difficulté d'adhérer à son comportement - donc quelque part au film- aurait pu constituer un handicap. Rien de cela, son tempérament lunaire et rebelle à l'intelligentsia dominante donne un atout non négligeable. Une tendance jusqu'au-boutiste anime le brave professeur qui sert de catalyseur à l'ensemble, et ce jusqu'au bout du métrage. Les scènes finales sur la fameuse planète frise une douce folie qui apporte au film une identité particulière qui le place indéniablement au-dessus du lot. Ajoutons à cela un art du camouflage budgétaire en donnant des décors démesurés, rougeoyants, gorgés de couleurs gothiques. Les miniatures battent leur plein lors de combats spatiaux, les soucoupes volantes envahissent joyeusement l'écran et explosent, font jaillir des rayons laser pour le plus grand plaisir (coupable) du spectateur amusé. Margheriti frise également le film d'épouvante dans les dernières scènes de la caverne!

Malgré quelques scories, Margheriti et son équipe apportent un soin remarquable à l'ensemble. Une superbe utilisation de codes couleurs via une photographie chaleureuse, lumineuse qui donne une patine assez riche au métrage. Qu'il s'agisse de paysages quasi-lunaires du début du film ou de la découverte de la planète, le visuel témoigne d'un pragmatisme dans l'utilisation des forces en présence. Une ambition inattendue, d'autant que les autres opus de SF d'Antonio Margheriti n'atteindront pas cette richesse en texture et en contenu. Certes, sa tétralogie «Gamma 1» tournée coup sur coup quelques années plus tard attire la sympathie et la débrouillardise, mais illustre plus une thématique science-fictionnelle de série B de consommation courante plutôt que verser dans une impulsion de devancer ses concurrents.

LA PLANETE DES HOMMES PERDUS organise sa propre anticipation sur un thème naissant en Italie. Si on peut passer sur TOTO SUR LA LUNE, la thématique SF se voudra plus allégorique chez Tinto Brass pour IL DISCO VOLANTE. La multiplicité des influences sur l'oeuvre SF présente de Margheriti, qu'il s'agisse de la course à la conquête de l'Espace de l'époque entre les USA et l'ex Union Soviétique, les bandes dessinées, la recherche de nouvelles niches d'exploitation cinématographique, donnent un film imparfait mais diablement engageant dans toute sa naïveté. L'élément le plus important demeurant qu'aujourd'hui ces films honnis par la critique officielle bénéficient d'une seconde vie - totalement réévalués et appréciés de par leur origine quasi artisanale, mais que notre culture cinématographique moderne embrasse désormais à juste raison. On ne saura jamais assez fouiller dans la filmographie d'Antonio Margheriti pour s'en étonner. Dans une interview pendant le tournage du documentaire LE OMBRE DELLA PAURA - IL CINEMA ITALIANO DEL TERRORE 1960/1980, Margheriti indiqua qu'en tournant LA PLANETE DES HOMMES PERDUS, Mario Bava tournait LE MASQUE DU DEMON sur le plateau voisin. Et que celui-ci lui prêta un zoom qui venait de faire son apparition sur le marché. Margheriti pu ainsi tourner grâce à cela les premiers plans qui ouvrent son film. «J'aime à penser que Mario (Bava) et moi ne sommes pas que des aventuriers du cinéma, mais de grands aventureux». CQFD.

Déjà disponible à travers le monde dans diverses éditions US bas de gamme et coupé de 9 minutes, ainsi qu'un dvd italien chez 01 Distribution, on assiste malgré tout à la première sortie en France. Artus Films l'intègre ainsi dans sa collection « SF Vintage » en compagnie de LA PLANETE DES TEMPETES et de LA PLANETE DES VAMPIRES. Un très beau digipack, attrayant avec ses reproductions d'affiches rutilantes en interne, avec cependant un petit point un peu poussé au dos, mettant en avant Giuliano Gemma. En effet, Gemma se trouve bien dans le film, mais dans un rôle complètement insignifiant!

Une très belle copie récompensera les audacieux qui acquerront la galette. Au format 1.85:1 et 16/9e et d'une durée complète de 93mn24, avec également un accès via 8 chapitres. Le générique italien a disparu pour faire place à un nouveau francisé, visiblement réalisé très récemment vue la police de caractères utilisée.

Si l'on omet des stocks shots hideux et rayés, comme à la 36e minute, la copie est propre, aux couleurs ressortant de manière superbe. Les scènes d'intérieur (la serre, la découverte d e la soucoupe à la 67e minute ou la caverne de la planète…) étonnent de par la qualité du visuel. Même si le contour des personnages n'offrent pas une précision remarquable, la copie reste très agréable à visionner. Les niveaux de gris et de noir (ex: 67mn47) se distinguent plutôt bien, et l'ensemble se révèle sans trace notable de compression, d'effets de peigne ou de edge enhancement. Une belle surprise.

Deux pistes sonores encodées en Dolby mono sur deux canaux. la version doublée italienne d'origine apparait avec un certain souffle permanent mais qui ne gène en rien. La version doublée française, très récente aussi, apporte des dialogues clairs, bien plus en avant que leurs homologues transalpins, même trop. Certains effets sonores sont décuplés, ou modifiés (ex: 13mn55), alors que certains éléments musicaux ont été excisés (ex: 12mn40). La modernité du doublage tranche étrangement avec l'origine du film. Les sous-titres français restent optionnels. Sur la planète des bonus présents, on retrouve Alain Petit faisant un point intéressant sur Margheriti et la science-fiction italienne, un diaporama autour du film et les films annonces de la collection de l'éditeur.

LA PLANETE DES HOMMES PERDUS se révèle beaucoup intéressante que l'on ne puisse soupçonner au premier abord. Bien ancrée dans son époque, cette science-fiction adulte lance des pistes relativement inexplorées en 1961 et grâce à un sens aigu des couleurs, une utilisation intelligente des éclairages & sources de lumière, de l'action et des décors, parviennent à hisser le film un net ton au-dessus des oeuvres similaires. Entre improbable et absurde, Antonio Margheriti accomplit un petite miracle et cette édition de LA PLANETE DES HOMMES PERDUS est donc recommandée!

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
56 ans
1233 news
397 critiques Film & Vidéo
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Un space opera plaisant et ambitieux
Des effets spéciaux sympathiques
Une ambiance différente des autres oeuvres SF de Margheriti
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Pas mal de dialogues inutiles
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L'édition vidéo
IL PIANETA DEGLI UOMINI SPENTI DVD Zone 2 (France)
Editeur
Artus
Support
DVD (Double couche)
Origine
France (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
1h33
Image
1.85 (16/9)
Audio
Italian Dolby Digital Mono
Francais Dolby Digital Mono
Sous-titrage
  • Français
  • Supplements
    • Margheriti et la SF Italienne Par Alain Petit (27mn44)
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