Header Critique : PLANETE DES TEMPETES, LA (PLANETA BUR)

Critique du film et du DVD Zone 2
LA PLANETE DES TEMPETES 1962

PLANETA BUR 

Les films de science-fiction soviétiques tardent à pointer le bout de leur nez sur notre territoire. Tout du moins de bénéficier de versions avec des sous-titres français. Le marché International connait des oeuvres telles que le magnifique SOLARIS d'Andrei Tarkhovsky, voire son STALKER, disponibles chez l'éditeur Ruscico. Pour des métrage plus confidentiels, il faut sonner la charge de la recherche au microscope. Découvrir d'autres curiosités plus confidentielles tient de l'aiguille et de la botte de foin, sans parler de VHS finlandaises ou grecques de 4e génération aux sous-titres brulés. Heureusement, il y a non pas Findus, mais Artus qui sort LA PLANETE DES TEMPETES (soit PLANETA BUR en VO non cyrillique) en DVD français.

De trois vaisseaux spatiaux en route pour explorer Venus, un premier s'écrase contre une météore, le second tente un atterrissage («avenussissage?»)et le contact est rompu. Tentant de les sauver, le troisième vaisseau s'y rend et découvre une planète balayée par des vents violents, de brouillards et diverses créatures. Le premier groupe constitué de deux hommes et d'un robot nommé "John" survivent tant bien que mal malgré des conditions désastreuses et la maladie.

Après avoir réalisé un moyen métrage en 1958 nommé EN ROUTE VERS LES ETOILES, Pavel Klushantsev s'attèle donc à l'élaboration d'un récit de science-fiction de grande ampleur. L'intérêt SF naissant et les productions à succès est-allemandes aidant, le cinéma russe s'éveille aux voyages spatiaux tout d'abord avec NEBO ZOVYOT - dont les effets spéciaux furent empruntés pour QUEEN OF BLOOD et tripatouillé par Francis Ford Coppola sous le titre BATTLE BEYOND THE SUN. La mise en chantier de LA PLANETE DES TEMPETES suivra donc peu après, après l'avènement du premier vol habité dans l'espace, un événement russe. Le premier cosmonaute fut en effet Youri Gagarine, devenu mondialement célèbre, D'ailleurs, on en profite pour remettre les pendules à l'heure sur le langage : un cosmonaute est russe, l'astronaute américain, le spationaute français et le taïkonaute chinois.

Toutes les techniques SFX sont utilisées : du matte painting aux effets optiques de cache/contre cache, des costumes de monstres aux câbles tirant une créature tentaculaire… jusqu'à un vaisseau volant sur la surface de Venus sans aucun câble visible! Tout étant une question de perspective, il était en fait relié à un bras mécanique se trouvant trois mètres plus bas...les décors surélevés masquant le trucage de manière parfaite - l'illusion de survol y est saisissante! Le vaisseau est également sous-marin et une plongée dans un lac vénusien pratiquée pour échapper à un ptérodactyle géant! Les scènes furent tournées derrière un aquarium géant… mais le tout est virtuellement indécelable. On pointera juste l'animation pauvrette du ptérodactyle qui fait quelque peu tâche - on songe à THE GIANT CLAW, c'est dire-, mais on se rattrapera largement sur le brontosaure et autres créatures surgissant ça et là pour attaquer nos voyageurs de l'espace. On songe immanquablement à la candeur visuelle de Karel Zeman. Les digressions communistes apparaissent inévitables dans des oeuvres qui louchent fortement sur la propagande politique. Mais le film propulse des idées peu staliniennes. A l'instar de films comme L'ETOILE DU SILENCE, c'est l'amitié entre les peuples qui surgit, l'égalité homme-femme - même si la seule scientifique du lot (Kyunna Ignativa) sera celle condamnée au doute, suspendue en orbite attendant le résultat de la mission - prête à désobéir aux ordres afin de sauver l'ensemble des cosmonautes en péril.

Une grande poésie règne pendant le métrage et le traitement s'avère tout à fait différent d'un film US. Peu de sentiments débordants, pas de femme qui hurle, ni de concours de testostérone ou de discussions théologique sur la présence de dieu sur terre, ou de l'importance des robots dans la vie future. LA PLANETE DES TEMPETES ne peut néanmoins empêcher la comparaison avec PLANETE INTERDITE d'un côté formel et structurel - quoique le film de Klushantsev ne s'inspire en rien de William Shakespeare. Le traitement s'éloigne ainsi radicalement d'un traitement hollywoodien glamour ou idéaliste. De ce fait, il n'échappe pas à un certain hiératisme et les acteurs et actrices restent droits dans leurs bottes. LA PLANETE DES TEMPETES observe une velléité de métaphysique et de traitement sérieux d'une odyssée qu'on sent picaresque. Tout comme cette âme russe de l'humain qui souffre en silence! Et s'ajoutent les messages émanant de la Terre qui font très couleur communiste de l'époque. Genre la mère patrie et la terre sont avec vous.

La place du robot marque cependant une divergence nette d'avec PLANETE INTERDITE: aucun humour, aucune distance, répondant au ordres de son créateur, à des années lumières du robot penseur d'IKARIE XB1 - voir de son avatar HAL 9000 quelques années plus tard dans 2001 ODYSSEE DE L'ESPACE -, il ne peut aller au-delà de ses limites de capacité de réflexion. Une scène autre le montre traversant une rivière de lave, portant deux humains. Réalisant que son système est en danger, il entreprend de se débarrasser du surpoids afin d'assurer sa survie! Mais le déroulement de la scène se signale par un détachement d'un quelconque sentiment envers le robot. Pas d'anthropomorphisme à outrance, il reste à l'état d'outil au service de l'homme. A l'image du film, où les personnages ne débordent jamais du cadre scientifique auquel la mission les assigne - ou alors si peu quant aux petits débordements lacrymaux de Masha. Ce qui ne sera pas visiblement sans causer quelques soucis au réalisateur. Il s'agit par ailleurs d'une constante dans la SF en provenance de l'ex URSS ou de l'ex RDA : la mission commune et sa réussite avant le bonheur individuel. S'y rattachent des films comme le très réussi ANDROMEDA NEBULA de Yevgueni Shertsobitov (1967 - tourné en Sovscope 70mm) ou encore IM STAUB DER STERNE - également en 70mm, système DEFA-, déjà chroniqué sur le site.

La mise en scène y est très commune, s'effaçant devant les effets créés : ils deviennent ainsi partie prenant de la progression dramatique laissant les scènes d'exposition à une fonction de quasi-remplissage. Mais il s'agit tout de même d'une autre conception du cinéma, plus sérieuse, moins portée sur le fait de caresser le public dans le sens du poil. On demeure ainsi en plein mystère à la fin sur la présence de forme de vie intelligente. CHRONIQUES MARTIENNES vient immédiatement à l'esprit pour cette recherche de signes de vie antérieurs, d'une civilisation perdue. Klusantsev mélange aussi des influences très Atlantis engloutie avec cette plongée sous-marine… cet exercice de symbiose science-fictionnelle et fantastique donne décidément un monde complètent à part. Nous nous trouvons à des lieues du cinéma d'exploitation ici mais un vrai film d'aventures SF. Un poil naïf avec ses rebondissements à quelques encablures de films américains à la SURVIVANTS DE L'INFINI. Les intérieurs du vaisseau donnent dans le spartiate et l'exigu qui verseraient presque dans de la série B made in IT THE TERROR FROM BEYOND SPACE. Mais le choix de décors externes étranges - très probablement les bords de la Mer Noire pour les scènes aquatiques- , son intrigue complexe et la brillance des effets spéciaux le placent indubitablement au-dessus du lot. L'intrigue nous gratifie en même temps d'un tremblement de terre et d'une éruption volcanique dont les trucages optiques et mécaniques n'ont pas à rougir des productions US à la George Pal, dont Klushantsev pourrait être la contrepartie soviétique idéale.

Roger Corman ne s'y est pas trompé : il a acheté les droits pour les USA mais s'est bien abstenu de sortir le film en l'état. Ce vieux grigou a pillé les effets spéciaux pour les disséminer dans deux de ses productions. L'une remontée en VOYAGE TO THE PREHISTORIC PLANET de Peter Bogdanovich (1965), et l'autre VOYAGE TO THE PLANET OF PREHISTORIC WOMEN (1968) avec une Mamie Van Doren toujours pulmonaire. On comprend l'attrait d'une blonde platine aux gros seins plutôt que l'austère Kyunna Ignativa. Mais le cinéma y a grandement perdu au passage.

LA PLANETE DES TEMPETES n'est pas un ‘grand' film dans le sens où 2001 ODYSSEE DE L'ESPACE ou le SOLARIS de Tarkovsky (dont la surface de la planète rappelle étrangement celle du film de Klushantsev!) possèdent leur place au panthéon de la SF. Mais il se dégage un charme indéniable du métrage. Marqué du sceau de l'ambition d'un artisan ultra-doué et d'un scénario qui tente le grand écart entre les rebondissements à l'occidentale à base de monstres improbables, préhistoire et modernité, civilisations englouties et réflexion lors d'une promenade cosmique entre la vie et la mort. Peu importe les incohérences scientifiques - comme ôter son casque subrepticement en pleine atmosphère de Venus afin d'avaler de la quinine (!), LA PLANETE TEMPETES mérite plus qu'un oeil amusé : une rareté qui impose une vision avisée, une vraie porte vers l'imaginaire... et source de créativité de la part de son auteur. Entre Kubrick qui indiqua s'être inspiré de son travail, ou encore Robert Skotak lui ayant largement rendu hommage dans quelques documentaires - dont celui diffusé par Arte en 2002. Et lui ayant rendu visite en 1992 à Saint Petersbourg en visionnant photos, dessins et planches… jusqu'à voir le résultat dans TITANIC pour certains effets visuels dont il s'occupa. Le mieux étant de prendre connaissance de l'article qu'il lui a consacré dans la revue American Cinematographer en 1994 nommé «Klushantsev : Russia's Wizard of Fantastika». On pourra également voir les costumes spatiaux dans... PROMETHEUS où les ressemblances apparaissent troublantes avec les tenues du film de Klushantsev.

Parmi toutes les copies disponibles, officielles ou pas, l'édition offerte par Artus reste probablement la meilleure sur le marché du DVD. Dotée d'un digipack reprenant les affiches italiennes et russes, le disque est d'une durée complète de 78mn29 - à titre de comparaison la durée du DVD russe est de 78mn27, mais de bien moindre qualité et aux couleurs passées-, au format 1.33:1 d'origine. Doté à la fois de la version originale russe avec sous-titre français amovibles et d'une version française : les deux sont en Dolby mono encodées sur deux canaux. Aux vues des autres éditions en place, le master utilisé apparait de toute beauté pour le tirage utilisé. Des couleurs agréables à l'oeil, une stabilité de l'image qui laissent découvrir des gros plans très réussis. On ne décèle pas de griffures ni de poussières notables et très peu d'artefacts de compression. Les plans américains trahissent un manque de précision dans les contours des personnages et des objets. Ceci ne gêne cependant d'aucune manière la vision du film. A noter le DVD d'origine russe non codé est doté de sous-titres anglais, offrant hormis une piste mono russe deux canaux, une autre remixée en 5.1. On a une nette préférence pour la version originale, car le doublage français bénéficie d'un souffle important le long du métrage. ce qui n'est pas de plus agréables. Les dialogues sont parfaitement audibles, mais au détriment du reste.

Les suppléments vont des films annonces de la collection SF Vintage, à savoir en plus du film présent celle de LA PLANETE DES VAMPIRES et LA PLANETE DES HOMMES PERDUS, un diaporama et jusqu'à l'intervention d'Alain Petit sur la Science-Fiction russe. 21 minutes remplies d'informations encyclopédiques, mais égrenées hélas de manière monotone et peu intéressante. Surtout, très incomplètes, oubliant au passage justement ANDROMEDA NEBULA ou encore le superbe PETLYIA ORIONA (ORION'S LOOP) de Vassilij Levin (1981), disponible en DVD également chez Ruscico. On regrettera que les bonus présents sur l'édition russe de PLANETA BUR chez Lenfilms ne soient pas repris ici, notamment sur le documentaire de 26 mn tourné en 2000 sur le réalisateur et l'un de ses courts-métrages de 1970.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
56 ans
1233 news
397 critiques Film & Vidéo
On aime
Une film de science-fiction au charme 60’s
Des effets spéciaux de qualité
Un récit riche en rebondissements
Une copie agréable
On n'aime pas
...
RECHERCHE
Mon compte
Se connecter

S'inscrire

Notes des lecteurs
Votez pour ce film
Vous n'êtes pas connecté !
-
0 votes
Ma note : -
L'édition vidéo
PLANETA BUR DVD Zone 2 (France)
Editeur
Artus
Support
DVD (Double couche)
Origine
France (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
1h18
Image
1.33 (4/3)
Audio
Russian Dolby Digital Mono
Francais Dolby Digital Mono
Sous-titrage
  • Français
  • Supplements
    • La Science-Fiction Russe par Alain Petit (21mn)
    • Diaporama
      • Bandes annonces
      • La Planète des Tempêtes
      • La Planète des Vampires
      • La Planète des Hommes Perdus
    Menus
    Menu 1 : PLANETE DES TEMPETES, LA (PLANETA BUR)
    Autres éditions vidéo