Header Critique : ADRENALIN : FEAR THE RUSH

Critique du film et du DVD Zone 2
ADRENALIN : FEAR THE RUSH 1995

 

2007. La Russie n'est plus. La région se trouve en proie aux révoltes et pauvreté en tous genres. Un virus nommé « Microphage virulent » émerge de cette violence et se trouve désormais aux portes de Boston. Une équipe de police est à la poursuite d'un porteur du virus échappé d'un camp de réfugiés. Son partenaire massacré, Delon (Natasha Henstridge) est rejoint par un trio mené par Lemieux (Christophe Lambert). Traqué dans des dédales souterrains, le malade semble en fait bien connaître l'endroit… Nonobstant une agence gouvernementale souhaitant capturer à tout prix le contaminé qui pourrait déclencher une pandémie.

Autant le dire tout de suite : ADRENALIN est L'ANNEE DERNIERE A MARIENBAD des films de virus meurtriers.

Auteur de presque 50 films, Albert Pyun est un touche à tout impressionnant. Vilipendé de manière constante, il s'emploie malgré tout à construire une oeuvre diversifiée avec de l'Heroic Fantasy comme L'EPEE SAUVAGE, CAMPUS 86, un néo-CHARADE comme LE TRESOR DE SAN LUCAS, un improbable DECEIT pour Menahem Golan, la tétralogie NEMESIS, DOLLMAN pour Charles Band. Sauveteur de la Cannon pour VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE, pour ensuite bricoler ALIEN FROM L.A, c'est aussi l'homme qui a failli tourner une adaptation de Spider-man et entamé LES MAITRES DE L'UNIVERS qui aurait du se faire... Respect, donc. Pour ADRENALIN, Albert Pyun amorçait alors un virage dans sa carrière, avec des tournages en Europe de l'Est, notamment en Slovaquie. Utilisant les ruines de ville en décrépitude comme théâtre de déshumanisation et au service de budgets ultra-bas. Il va ainsi enquiller des films comme OMEGA DOOM avec Rutger Hauer, CRAZY SIX avec Rob Lowe et Burt Reynolds ou encore son épouvantable série de films avec Ice-T - URBAN MENACE étant le moins pire. Il est d'ailleurs à noter que Albert Pyun est entouré d'une fidèle équipe technique ou d'acteurs, qui se retrouvent invariablement sur OMEGA DOOM ou encore CRAZY SIX.

Tourné en 15 jours à Mostar, ADRENALIN a connu un destin final troublé. Devant sortir sous la bannière Dimension, cette dernière demanda à Pyun de retourner certaines scènes. Allant en Slovaquie pour ce faire, il en profita ainsi en même temps pour boucler NEMESIS 4 : DEATH ANGEL en quelques jours. On y retrouve ainsi quelques acteurs d'ADRENALIN comme Andrew Divoff, Nicholas Guest ou Norbert Weisser. Le sort d'ADRENALIN aux USA ne fut guère glorieux. Remonté par Dimension, le film ne passa guère les tests de sneak previews et fut largué comme un malpropre dans quelques salles américaines. Le métrage subit le destin de nombre de films passés dans les mains des frères Weinstein qui décimèrent/dénaturèrent pour la bonne gloire de leur ego des DUST DEVIL, THE SHOOTER, HALLOWEEN 6, ou encore HELLRAISER:BLOODLINE.

Albert Pyun garde un souvenir très amer du fait du charclage en règle que le film a subi dans les mains des frères Weinstein. En effet, la branche film de genre de Miramax, Dimension Films, a charcuté le montage original pour le réduire à 77 minutes. Selon Albert Pyun, de gros changements ont été réalisés de l'histoire de base, supposée se dérouler en Roumanie, Puis les Weinstein ont décidé de centrer l'histoire sur le virus qui a ravagé l'Europe de l'Est - mais avec Boston comme lieu de l'action. Totalement idiot et en contradiction totale avec les décors du film ! Il existe différents montages à travers le monde. Albert Pyun a d'ailleurs ressorti en 2014, à ses frais, un Director's Cut avec commentaire qui fait plus ou moins 93 minutes. Mais ce n'est pas tant la durée qui est importante, mais le contenu du film - expurgé des scènes sur Boston et les explications qui vont avec. Et non, la police de Boston ne conduit pas des Dacia dans le futur avec des dossards «Policia» sur le dos. La partie roumaine a ainsi été totalement occultée par Dimension, également pour son exploitation européenne. Le DVD français, plus long de presque 17 minutes, contient aussi les stigmates de cette localisation de l'action aux USA. En comparant avec le Laserdisc NTSC US, plusieurs différences notables surgissent. Entre un générique de début différent, une partition musicale par moments autre, l'absence du plan séquence initial dans l'hôpital, l'ajout de voix off & action aux USA, des scènes entières coupées d'explication du récit ou de dialogues, l'absence de références à la Roumanie quant aux tenues, la langue présente le long du film, et les incohérences qui en découlent, la version US ne fait plus aucun sens. Aberrant.

Le choix de narration s'avère différent des autres approches filmiques des virus et autres invasions monstrueuses. Autant des 28 JOURS PLUS TARD et consorts parlent de la pandémie avec attaques globales à la clé, ADRENALIN part dans une direction opposée. La notion d'infection meurtrière, la transformation du porteur en créature meurtrière et anthropophage reste accessoire au récit. Albert Pyun s'intéresse en effet plus à un film où le temps du récit et l'histoire se confondent. Une chasse à l'homme en temps réel, dans un labyrinthe souterrain et une pénombre quasi-constante. Selon l'auteur, le titre fait une référence directe à ce qu'est supposé ressentir le spectateur face à cette traque en vase clos.

Albert Pyun semble affectionner le format Scope. Utilisé pour nombre des ses métrages comme BLAST, NEMESIS 4, MEAN GUNS ou POSTMORTEM il demeure fort à propos pour cette sombre histoire de chasse dans les ténèbres. Un soubassement de société qui cède à un contexte politico-policier des plus désaxés, où une créature-paria devient le centre d'un enjeu désespéré. A contrario de l'écran large, de nombreux très gros plans emplissent l'écran, dynamisé par une steadycam en perpétuel mouvement, souhaitant donner cette sensation de déplacement et d'urgence. Enfin, le choix photographique du trop peu célébré George Mooradian de privilégier les ténèbres comme atmosphère, de plonger le spectateur dans les mêmes conditions de semi-obscurité des protagonistes. Des éclairages à minima, mais toujours judicieux et à propos, comme la scène de poursuite dans le conduit. Ou encore la scène de torture finale dans la tanière du tueur, aspergée de la lumière-torche ou de flashs bleus à des endroits bien choisis. Collaborateur régulier de Albert Pyun ou encore de Louis Morneau pour BATS, MADE MEN et RETROACTIVE, Mooradian a déjà fait oeuvre d'une photographie exceptionnelle dans MEAN GUNS ou KNIGHTS. Un vrai savoir-faire sur le maniement de la lumière. Ici, le challenge s'avère contraire car il s'agit de faire émerger l'action de la nuit. ADRENALIN est clairement un film fait pour le grand écran. L'expérience sur une télévision ou quelque moniteur que ce soit dénaturera immanquablement le travail effectué. Ceci est à rapprocher de la splendide direction de la photographie de Peter Hyams pour RELIC. Avec un maintien de la pression sur le spectateur en passant le plus clair du temps dans une semi-obscurité. Ce parti-pris visuel d'ADRENALIN s'avère en parfaite adéquation avec le sujet d'un monde filant droit vers la pénombre sociétale et l'obscurantisme de la violence.

Si Christophe Lambert apparait en tête d'affiche, l'héroïne centrale reste Natasha Henstridge, à peine sortie de LA MUTANTE. Une constante dans l'ouvre de Pyun à l'orée des années 90, où la femme tient lieu de moteur du récit au détriment des hommes qui se contentent de la portion congrue, voire tournés en ridicule. C'est le cas des NEMESIS 2, 3 et 4, mais également de SPITFIRE, KNIGHTS ou encore RAVENHAWK. Ici, notre Totofe national a pourtant accepté un rôle peu glorieux. Mais il part vaillant au combat, c'est le moins qu'on puisse lui reprocher. Il tombe brutalement dans un puits (avec un effet de caméra qui ressemble à la chute à travers les étages d'immeuble d'Olivier Gruner dans NEMESIS !), se fait tirer dessus comme un lapin, encaisse quelques bastos dans le corps et finit suspendu ficelé comme un cochon de lait. Pour autant qu'on puisse l'apprécier (et c'est mon cas), il livre ici malgré tout une de ses prestations les plus navrantes - pas aidé par des dialogues aux confins du ridicule. Un des vrais points faibles du film. L'autre homme tête de pont, c'est Norbert Weisser. Un autre grand régulier de chez Pyun sur une quinzaine de films, depuis L'EPEE SAUVAGE, son rôle de Deltoid dans LE TRESOR DE SAN LUCAS (dont un Director's Cut arrive sous peu) jusque dans ROAD TO HELL où Pyun fait un clin à NEMESIS Weisser reprenant le nom de Farmsworth. Il joue ici Cuzo, un flic ronchon qui peste contre la paye qui n'arrive pas et sa présente mission. Il ne fait pas non plus le poids vis-à-vis d'Elisabeth Barondes, la quatrième du lot, se révélant là aussi une héroïne en puissance qui supplante en courage et en énergie un Cuzo désemparé.

Malgré tous les efforts déployés, on ne sent hélas pas beaucoup d'adrénaline monter pendant la projection. Le récit horrifique tient indéniablement la route mais Pyun manque le coche côté pression. Le scénario se révèle plus complexe au gré du film, parallélisant les urgences de Delon (clin d'oeil à Alain ?), sa course à la fuite de son enfant hors des endroits pestiférés - et celle de la capture du tueur cannibale - là aussi plus intelligent et possédant des ressources insoupçonnées. La créature véloce remplit son contrat, les quelques plans sur sa mâchoire déployée et ses yeux rouge sang font leur effet, la traque marche à plein régime et ne souffre que peu de temps morts. Mais il manque un ingrédient pour faire basculer le film vers l'insupportable, l'insoutenable, l'horrible : la peur.

Une étrange course contre la montre se déroule devant nos yeux, cependant. Cette attente de thriller tendu commence par un long plan séquence qui se révèle être petit à petit un ralenti - et à aucun moment Pyun ne sera tenté par un montage cut pour ramasser l'action. L'enjeu se trouve ailleurs - et celles & ceux espérant un exercice de style d'actionner hystérique en seront pour leur frais. Pyun tire la couverture vers un film de SF néo-noir féministe, coincé entre des velléités de terminologie post-apocalyptique naissante et un autre éclairage sur la notion de contamination globale. Un désespoir notable dans chaque situation montrée, illustration d'une guerre asymétrique. Un ennemi difficilement identifiable faisant face à une chaîne de décision inadaptée qui renverse la tendance initiale via une recherche de provocation. Le potentiel de guerre sociale extérieure au conflit qui couvre le temps du récit arrive en complément - une explosion sociale en devenir. Des thèmes que Pyun aura largement affectionné et filmé durant cette décade. En point d'orgue et complément, voire en ce sens NEMESIS 4 qui s'apparente plus une promenade entre la vie et la mort - exactions philosophiques désenchantées sur la notion du devoir à accomplir. Un vrai miroir antithétique à ADRENALIN - qui lui se termine sur une vague note d'espoir - tant NEMESIS 4 parait posé, fatigué, en ruine.

Le DVD français sorti par Sony respecte le format original de 2.35:1 avec signal 16/9e et offre une version d'une durée complète de 93mn46. Le mixage orignal en Dolby Stereo (dans un auditorium THX) trouve refuge dans une piste anglaise en Dolby digital 2.0 stereo - avec également une version française élaborée pour l'occasion, le film n'étant pas sorti en salle chez nous. On préférera la version originale agrémentée de sous-titres français amovibles, nettement plus dynamique, respectant le mixage d'effets audio, bruitages, qui disparaissent singulièrement de la piste française - on passera sous silence des doublages particulièrement atroces. D'autant que l'arrière plan sonore de la version française reste singulièrement en retrait par rapport à la piste audio anglaise. Un dialogue étouffé en central (versus la stéréophonie, même présente sur la piste allemande disponible). SI les versions Pan & Scan rendent le film parfaitement ignoble à supporter, cette copie Widescreen offre une visuel intéressant pour profiter des efforts photographiques de George Mooradian. Les contrastes entre les extérieurs crasseux, jaunâtres et les intérieurs ténébreux sont plus qu'agréables à l'oeil. On ne note pas de trace de compression, ni de poussières ou griffures. Les noirs apparaissent équilibrés - à défaut de réelle profondeur ou de niveaux bien définis, la copie évite la sensation de se retrouver dans le noir complet - ce que donnait méchamment les copies en Pan & Scan.

Pas de bonus relatifs au film, juste deux films annonce du catalogue Sony.

La version définitive d'ADRENALIN sera donc élaborée par le réalisateur/scénariste : il vient juste de la livrer en 2014, avec un commentaire en sus. Pour le moment, afin de (re)découvrir cette curiosité made in 1995, la vision du DVD français reste donc conseillée car évitant l'horrible montage américain.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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Une chasse à l’homme crépusculaire
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L'édition vidéo
ADRENALIN : FEAR THE RUSH DVD Zone 2 (France)
Editeur
Sony
Support
DVD (Double couche)
Origine
France (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
1h34
Image
2.35 (16/9)
Audio
English Dolby Digital Stéréo
Francais Dolby Digital Stéréo
German Dolby Digital Stéréo
Sous-titrage
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