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Critique du film
LONE RANGER 2013

 

Après avoir fait des études de loi, John Reid retourne dans sa ville natale au Texas et compte bien y apporter les civilités des grandes villes. Néanmoins, à peine arrivé, il décide de suivre son frère, un ranger, à la poursuite d'un dangereux hors la loi sanguinaire…

Né au début des années 30 à la radio américaine, le personnage du Lone Ranger connaît un véritable succès aux Etats-Unis. Au point que ses aventures vont perdurer durant de nombreuses années en version radiophonique mais aussi sur les écrans avec des serials pour le cinéma, une série télévisée, des longs métrages et même des dessins animés. Il va même susciter, seulement trois ans après sa création, une version contemporaine, toujours à la radio, The Green Hornet. Mais si cette version alternative est connue en France grâce à la série télévisée LE FRELON VERT qui mettait en scène Bruce Lee, le Lone Ranger original s'avère très méconnu dans nos contrées même si on a pu le voir dans les cinémas durant les années 50 avec LE JUSTICIER SOLITAIRE. Mais si le personnage n'a pas vraiment réussi à s'imposer en dehors des Etats-Unis, c'est certainement en raison de son approche très naïve. En effet, ses origines radiophoniques placent les aventures du Lone Ranger sous le signe du serial minimaliste. Redresseur de torts masqués, accompagné d'un faire valoir indien, le Lone Ranger se borne à faire régner la loi tout en servant un discours d'une grande moralité sans grande profondeur. Mais c'est certainement grâce à la télévision que le personnage va réellement devenir un mythe aux Etats-Unis et plus particulièrement auprès des enfants. Plusieurs décennies après sa création, on peut donc s'étonner de voir débouler au XXIème siècle un héros d'un autre temps ! Ce paradoxe cinématographique, on le doit à Jerry Bruckheimer et aux scénaristes qui avaient déjà remis au goût du jour, pour Disney, le film de pirates, un genre tombé en totale désuétude après un âge d'or des années 30 à 50. Mais si le Western s'est lui aussi raréfié après les années 70, le genre a largement évolué rendant encore plus anachronique un personnage comme le Lone Ranger !

LONE RANGER, version 2013, va donc suivre le même chemin d'adaptation que LES PIRATES DES CARAIBES. Toutefois, pour ce dernier, les scénaristes avaient les coudées franches puisque le métrage se basait seulement sur une attraction des parcs d'attraction Disney. Avec LONE RANGER, la marge de manœuvre s'avère un peu plus restreinte. Ainsi, le film reprend donc les deux héros mais aussi d'autres personnages comme le vilain Butch Cavendish. Ce dernier fait d'ailleurs l'objet d'un méchant lifting, donnant l'occasion à William Fichtner de cabotiner sous un maquillage à la limite du film d'horreur. Car cette nouvelle version de LONE RANGER fait preuve d'une grande violence et s'égare même dans des eaux grivoises qui semblent bien éloignées de l'univers Disney. On y évoque ainsi la légende du Wendigo et l'on assiste même à un ahurissant festin cannibale. A peine suggérée, la séquence se termine de façon sanguinolente, jetant un peu un froid dans un spectacle qui se montrait jusque là plutôt bon enfant. Un débordement gore assez curieux qui ne laisse planer aucun doute sur la cruauté d'un Far West où même de mignons lapins sont assoiffés de sang ! Quelque part, cela n'est pas sans rappeler le film précédent de Gore Verbinski, un Western d'animation mortifère. On notera d'ailleurs que le personnage interprété par Johnny Depp fait sa première apparition, dans RANGO et LONE RANGER, à l'intérieur d'une sorte de vitrine. A leur manière, les auteurs rendent ainsi hommage à LITTLE BIG MAN d'Arthur Penn qui désacralisait le Western américain. Mais si l'idée d'un narrateur se remémorant ses souvenirs est conservée, LONE RANGER l'utilise de manière inverse, pour bien imprimer la véracité d'un personnage légendaire. Le truc avait déjà été utilisé par Mario Van Peebles dans POSSE, LA REVANCHE DE JESSE LEE, un Western black fort sympathique ! Mais dans LONE RANGER, cette introduction s'avère bien mieux mise en valeur, jouant entre l'ironie de la situation et la magie qu'elle dégage. Un petit moment de grâce qui va fonctionner durant toute la première partie de LONE RANGER. L'occasion de redécouvrir sur grand écran les majestueux décors naturels de l'Ouest américain et les chevauchées sauvages filmées sur écran large et de manière classique. Le résultat est imposant, ouvrant la porte de la grande aventure et du Western traditionnel, revu et corrigé, il est vrai, à la sauce PIRATES DES CARAIBES. Johnny Depp fait son show et, malgré une certaine violence, les péripéties improbables nous ramènent en enfance !

Malheureusement, LONE RANGER ne tient pas toutes ses promesses. Car, à l'instar des PIRATES DES CARAIBES, le métrage accumule les personnages parfois jusqu'à l'inutile. Difficile de comprendre à quoi sert la tenancière d'un bordel et la visite de son établissement, apportant une touche grivoise un peu malvenue et étirant le métrage en longueur. A vouloir en mettre le maximum, les auteurs de LONE RANGER s'égare un peu, perdant de vue l'essentiel ce qui s'avère, au final, un peu dommageable ! Surtout que le film confronte deux visions radicalement différentes du Western. Ainsi, LONE RANGER adopte une approche contemporaine et y insère un héros masqué qui, lui, n'a pas réellement évolué. Cette étrangeté, on la retrouve d'ailleurs dans la musique de Hans Zimmer. Le compositeur livre une partition qui laisse entrevoir des accents à la Ennio Morricone. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois puisque l'on pouvait entendre, de manière furtive, des emprunts au compositeur italiens dans certaines compositions d'Hans Zimmer, a l'instar de la partition d'USS ALABAMA. Mais le film insère aussi le thème du Lone Ranger, en réalité un morceau du Guillaume Tell de Rossini, choisi à l'époque radiophonique pour éviter de payer des droits musicaux. Aujourd'hui, ce morceau de musique très connu sonorisant une longue séquence d'action donne au film et aux cascades improbables un aspect aussi étrange que certains des clichés antédiluviens véhiculés par LONE RANGER.

En réalité, le film ne remet donc pas totalement le personnage et ses aventures au goût du jour. Si l'univers a largement évolué, le Lone Ranger donne l'impression de ne pas avoir vraiment changé. Particulièrement à la fin du film lors d'une chevauchée fantastique avec des trains. Mais si le héros est donc toujours aussi immuable, son faire valoir a pris de l'importance et est même devenu son égal. Un peu effacé à l'origine, Tonto est en fait dans ce film le véritable créateur de la légende. Un peu contraint, il est vrai, par ses croyances et superstitions issues de ses origines indiennes. C'est en tout cas l'occasion pour Johnny Depp d'incarner un nouveau personnage aussi étrange qu'amusant. Et, bien évidemment, il vole un peu la vedette à celui qui devrait être le héros mais qui n'est au final qu'un personnage un peu fade tant qu'il n'a pas enfin réussi à s'affirmer !

LONE RANGER est un étrange métrage qui défie par certains aspects les conventions d'aujourd'hui, préférant puiser dans une cinéphilie passée de mode pour la confronter à l'innocence perdue de notre époque. L'idée était excellente mais, au final, le métrage est un peu bancal et se montre par moment un peu long. Néanmoins, si le film loupe un peu le coche, LONE RANGER est aussi un véritable grand spectacle à découvrir sur grand écran pour mieux redécouvrir les grandioses images du légendaire Far West.

Rédacteur : Christophe Lemonnier
Photo Christophe Lemonnier
Ancien journaliste professionnel dans le domaine de la presse spécialisée où il a oeuvré durant plus de 15 ans sous le pseudonyme "Arioch", il est cofondateur de DeVilDead, site d'information monté en l’an 2000. Faute de temps, en 2014, il a été obligé de s'éloigner du site pour n'y collaborer, à présent, que de manière très sporadique. Et, incognito, il a signé de nombreuses chroniques sous le pseudonyme de Antoine Rigaud ici-même.
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