Un professeur ayant élaboré un nouveau gaz mortel est assassiné par un mystérieux personnage habillé d'une robe de bure rouge et armé d'un fouet meurtrier. Lorsqu'un cadavre de jeune fille retrouvée étranglée est à son tour découvert, Scotland Yard est dépêché sur place. Sir John (Siegfried Schürenberg) et l'inspecteur Higgins (Joachim Fuchsberger) tombent dans un pensionnat de jeunes filles à l'ambiance feutrée et trop tranquille. D'autres jeunes filles sont alors retrouvées elles aussi mortes dans d'étranges circonstances.
Pour cette 29ème transposition allemande au cinéma d'un roman policier d'Edgar Wallace, on retrouve aux manettes celui qui a donné parmi les meilleures adaptations, Alfred Vohrer. Entre un style d'Harald Reinl passe-partout et parfois ennuyeux, Vohrer possède sa patte qui oscille entre thriller et parodie. Il y a moins de gimmicks visuels que dans ses oeuvres passées (DER ZINKER ou DER HEXER) mais il y a ce goût du gothique, de ces couleurs flashy et de l'humour visuel (voir le panneau «Ende» à la fin qui apparait au beau milieu d'un aquarium remplit de tortues) qui sont tous autant de marques de fabrique. Toutefois, cela annonce, quelque part, la décadence du genre. Dès que des éléments de parodie se mettent en place au sein d'un genre, cela fait place à son incapacité à se remettre en question.
Parmi les nombreuses influences qui ont pesé sur le Giallo, il y a le Krimi allemand. Les nombreuses adaptations des romans d'Edgar Wallace par la firme Rialto des années 50 jusqu'au début des années 70 ont remporté un énorme succès en Allemagne. Les intrigues tortueuses, la violence et l'érotisme ont transpiré en Italie jusqu'à ce que la Rialto coproduise des films comme LE TUEUR A L'ORCHIDEE d'Umberto Lenzi, entre autres.
On peut également préciser une des filiations directes avec ce DER MONCH MIT DER PEITSCHE (littéralement «Le Moine au fouet»). Dans un premier temps, cette adaptation est en fait un remake à peine déguisé de DER UNHEIMLICHE MONCH, réalisé deux ans auparavant par Harald Reinl. Avec déjà ce personnage de moine diabolique maniant le fouet. Le commandant John y fait d'ailleurs brièvement allusion au moment de l'enquête. Tout d'abord, DER UNHEIMLICHE MONCH marquait la fin d'un cycle, puisqu'étant le dernier film de la série tourné en noir et blanc. Autre lien, le métrage marquait la première apparition de la jolie Uschi Glass.
Il ne s'agit pas de l'intrigue autour d'une organisation criminelle qui est importante. Ce leitmotiv chez Edgar Wallace ne se retrouve quasiment jamais dans le Giallo italien, hormis via une présence mafieuse. Le Giallo s'est surtout nourri de la violence physique faite aux femmes, du sadisme sous-jacent, l'atmosphère d'épouvante, des situations périlleuses et du lieu. A savoir une école de jeunes filles et des lycéennes se faisant assassiner sous le sceau d'un secret comme, notamment, d'avoir des relations sexuelles avec l'un des professeurs, entre autres. Ces détails semblent familiers ? Pas qu'un peu : cela rappelle inévitablement des oeuvres comme MAIS... QU'AVEZ-VOUS FAIT A SOLANGE ?, LA LAME INFERNALE, A TUTTE LE AUTO DELLA POLIZIA ou encore ENIGMA ROSSO. Cette inspiration mettant en scènes de jeunes filles, du sexe et de la violence est devenue un sous-genre propre au Giallo. Cela a débuté en fait en 1968 avec NUDE.. SI MUORE d'Antonio Margheriti. Qui s'inspire quelque peu de DER MONCH MIT DER PEITSCHE, en y retrouvant quelques personnages : la relation entre un prof et son élève, Luigi Pingozzi - jardinier voyeur dans NUDE.. SI MUORE correspond ici à la fois au… jardinier pervers et à Konrad Georg, le professeur voyeur ; les lycéennes qui s'apprêtent à quitter l'établissement et qui se font trucider... Il y a plus que de simples coïncidences. Ce qui n'empêchera d'ailleurs pas d'autres réalisateurs de puiser à leur tour dans NUDE.. SI MUORE, Massimo Dallamano reprenant à son compte le meurtre dans la baignoire pour MAIS... QU'AVEZ-VOUS FAIT A SOLANGE ?, tout comme le professeur amoureux de son étudiante. Le Krimi a décidément plus d'influence sur le Giallo italien qu'on ne croit.
Ici, l'alibi d'une organisation criminelle nébuleuse n'est pas chose nouvelle. Qui visionne des Krimi commence à en avoir l'habitude. Dans le même type de redondance, on retrouve aussi les idées d'héritage, des bons mots idiots de Sir John ainsi que sa secrétaire bien roulée. D'autant qu'Alfred Vohrer balance tout à l'écran. Un chef d'organisation avec une mare de crocodiles à disposition, vivant au milieu d'aquariums remplis de tortues et autres raies dangereuses, le pensionnat de jeunes filles bien délurées, un gaz mortel, meurtres au fouet et à l'arme blanche, évasion spectaculaire de prison. Ceci dans les limites d'un budget qu'on sent quelque peu étriqué, ce qui ne facilite pas vraiment la crédibilité de l'ensemble ce qui peut expliquer l'omniprésence d'un ton humoristique sur l'ensemble du métrage. Peu de frissons : les meurtres s'avèrent dénués d'enjeu et de tension. Si bien qu'on suit l'enquête de manière anodine. A en préférer la première adaptation en 1965, plus orientée sur une ambiance noire et avec une certaine violence. Mais il saute aux yeux que Vohrer s'inspire aussi d'une atmosphère à la FANTOMAS dans sa mise en scène du chef donnant ses ordres (exemple à la douzième minute). L'ombre du film d'André Hunebelle avec Jean Marais n'est pas très loin, notamment dans sa première scène où Fandor se retrouve marqué au fer rouge. Le personnage trouve ici son alter ego avec Siegfried Rauch recevant ses ordres d'un obscur personnage diabolique. Vohrer excelle dans cette mise en image pleine de duplicité, jouant sur les éclairages gothiques.
D'un autre côté il serait faux de proclamer s'ennuyer à la vision de DER MONCH MIT DER PEITSCHE. Même si le sujet semble connu et les rebondissements prévisibles, il existe un indéniable savoir-faire. Les acteurs ont le tempo qui correspond exactement à l'action attendue. L'emballage technique de premier ordre, un vrai sens du suspense. Vohrer semble cependant avoir bénéficié d'un moindre budget. On sent le film étriqué dans le peu de décors que le film arbore : un hall, une piscine, trois chambres et quelques extérieurs brumeux, comme à l'habitude de la série. Il se dégage un impression de vite emballé et pauvrement, tant les moyens, comparé par exemple à DER GEIHEIMNIS DER WEISSE NONNE, apparaissent amoindris. Même les acteurs habitués de la série (Joachim Fuchsberger et Siegfried Schürenberg) tournent en rond dans leur rôle et débitent leurs dialogues de manière quais mécanique. Certes, Vohrer imprime un second degré parfois plaisant dans leurs réparties mais en désespoir de cause. Le réalisateur n'oublie cependant pas son sens du cadre et de la profondeur, comme lors d'une scène de combat dans la piscine, avec de superbes jeux d'ombre et un nez évident pour le suspense et la montée en puissance nécessaire jusqu'au climax. La robe de bure rouge du moine tueur apportant le point de fuite idéal, tant les choix de couleurs (gris, bleu : que des couleurs froides) convergent vers sa présence.
Les fans de Krimi retrouveront une troupe d'acteurs qui ont hanté ces adaptations d'Edgar Wallace. Hormis les inoxydables Joachim Fuchsberger et Siegfried Schürenberg qui ferraillent, on notera la sémillante, toute de jaune vêtue et pneumatique Ilse Pagé dans le rôle de Miss Finley. Infatigable secrétaire de sir John (puis Sir Arthur au départ de Siegfried Schürenberg) qui termine sur leurs genoux ceci jusqu'en 1969 avec DER MANN MIT DEM GLAUSAUGE. Uschi Glass, ensuite, qui reviendra à plusieurs reprises dans l'écurie Rialto et notamment pour LE TUEUR A L'ORCHIDEE et DER GORILLA VON SOHO. Les bisseux observateurs auront également reconnu Siegfried Rauch dans la peau du prisonnier évadé qui commet les premiers meurtres au gaz : il jouait Hamilton dans le CONTAMINATION de Luigi Cozzi. Et pour les complétistes, le premier meurtre qui a lieu dans la parodie récente DER WIXXER est un hommage direct à ce DER MONCH MIT DER PEITSCHE.
Le DVD de chez Universum sorti en mars 2005 offre un transfert 16/9 au format 1.66:1 de la version intégrale du film via douze chapitres et un menu animé de la manière que tous les titres de la collection Edgar Wallace, on y trouve de belles couleurs éclatantes en Eastmancolor, une définition agréable quant aux contours et aux détails présents au premier plan. Des teintes de peau naturelles, et la propension à recourir aux couleurs pop (voir la tenue jaune à pois de Suzanne Roquette) qui donnent à l'ensemble un vrai plaisir des yeux dans la composition des plans. Les gros plans sur les visages (à la trentième minute, par exemple) se révèlent de très bonne facture. Dommage que la copie soit parfois instable, de vilaines traces blanchâtres apparaissant à certains moments des deux côtés de l'écran. On ne comptera pas non plus les poussières blanches qui parsèment l'écran le long du film – particulièrement visibles lorsque l'écran vire aux éclairages rougeâtres. Une version originale allemande un peu sourde par instants, mais offrant des dialogues qui se détachent bien de l'ensemble. Le DVD offre des sous-titres allemands et anglais amovibles. A noter que, comme pour les autres disques de la collection, la traduction anglaise est plus qu'aléatoire, changeant au passage des noms et prénoms de certains personnages !
Le livret intérieur sur quatre pages donne uniquement l'accès aux chapitres et la reproduction des jaquettes des 33 films de la collection. Une bonne tripotée de films annonces offerte dans la partie «Trailer show», qui est toutefois différente de ce qu'on trouve dans les DVD de DAS INDISCHE TUSCH ou DER HEXER : les fanatiques regarderont avec nostalgie le film annonce en allemand de TROIS HOMMES A ABATTRE, M LE MAUDIT, LA DOLCE VITA ou encore (mauvaise pioche) LES RIVIERES POURPRES 2. Comme le livret de la Box entièrement écrit en allemand, les bonus ne sont hélas pas sous-titrés. Dommage, car il y a un cinquième entretien avec Eva Eibner, la costumière, qui revient sur la production du film. Avec le film annonce d'époque et un rare document du tournage en noir et blanc, cette édition offre les films annonce des trois autres films se trouvant dans le septième coffret de la collection : DER HUND VON BLACKMOOR CASTLE (et son film annonce spécial Jubilee), IM BANNE DER UNHEIMLICHEN puis DER GORILLA VON SOHO, La reproduction du planning original de tournage du Moine au fouet se trouve également dans cette box décidément très riche.
