Lancé par le succès du MASSACRE A LA TRONCONNEUSE de Marcus Nispel, la vague des remakes de film d'horreur américains des années soixante-dix et quatre-vingt ne fait que s'amplifier au cours de la décennie. D'abord monopolisée par des majors ou de gros indépendants comme New Line, cette mode connaît une certaine apogée quantitative dans la seconde moitié des années 2000, au cours de laquelle aussi bien les grands studios que les petites firmes semblent prêts à tourner des relectures de tout et de n'importe quoi, tant qu'il ne s'agit pas d'une idée originale !
La petite compagnie Cinetel, spécialisée dans les petits téléfilms fantastiques, orchestre ce remake du film choc I SPIT ON YOUR GRAVE, alias OEIL POUR OEIL en France sur le marché vidéo. Elle s'associe pour l'occasion avec Anchor Bay, bien connu des collectionneurs de DVD et de Blu-ray pour son catalogue de titres fantastiques. On choisit un jeune réalisateur pour la mise en scène, à savoir Steven R. Monroe, habitué des rayons «Direct To Video» et collaborateur régulier de Cinetel. Meir Zarchi, réalisateur-scénariste-producteur de OEIL POUR OEIL, s'associe à ce projet avec un droit de regard important sur le scénario et le montage final.
Jennifer Hills, une jeune citadine, s'installe pour quelques semaines dans une cabane isolée en pleine Louisiane, afin d'y écrire un livre en toute quiétude. Son physique avantageux et son type urbain la font remarquer par Johnny le garagiste et sa bande de traînes-savate. Le malfaisant jeune homme lui tend un traquenard pour s'«amuser» avec elle...
I SPIT ON YOUR GRAVE reprend le déroulement de OEIL POUR OEIL, en particulier sa division en deux parties. La première moitié se voit dédiée à l'arrivée de Jennifer dans la région et à son viol, la seconde consiste en son retour et sa vengeance. Comme souvent pour ce style de remake se pose la question de la pertinence du sujet du film. Une histoire en totale résonance avec son époque n'a pas forcément la même urgence et la même légitimité plus de trente ans plus tard. OEIL POUR OEIL était un film anti-viol fait avec une réelle sincérité, une volonté d'entraîner le spectateur jusqu'au bout de l'épreuve vécue par Jennifer Hills, jusqu'à l'écoeurement, en stigmatisant le machisme banal et quotidien de ses bourreaux.
Ici, l'approche n'est plus d'utiliser les outils du cinéma d'exploitation pour énoncer un propos, mais de surfer sur une économie et un marketing de «la marque». L'exploitation d'une franchise, aussi obscure soit-elle, rassure les compagnies de production, de distribution et de financement. Cela étant dit, I SPIT ON YOUR GRAVE part d'un sujet universel et, en fin de compte, reste d'actualité aujourd'hui, même si sa nature même de remake le rend suspect.
Parmi les changements, Sarah Butler propose une Jennifer différente de celle qu'OEIL POUR OEIL. Camille Keaton la posait comme une femme indépendante et forte, un vrai personnage féministe dont la liberté affichée heurtait et provoquait. Sarah Butler présente une citadine plus juvénile, moins réfléchie, plus innocente. La première partie du métrage la dépeint comme une très jeune personne, insouciante et maladroite.
I SPIT ON YOUR GRAVE nous la montre arriver dans une petite ville arriérée, où elle fait tout de suite sensation. Durant une nuit, cela tourne au cauchemar lorsque Johnny et sa bande de tarés s'introduisent chez elle et la tourmentent lourdement à coup de menaces et d'humiliations à fort caractère sexuelles. Puis, la situation tourne au viol collectif, jusqu'au petit matin. Cette partie essentielle d'OEIL POUR OEIL est à nouveau restituée de façon crue, même si Steven R. Monroe en livre une version plus édulcorée. La scène reste éprouvante, explicite, dure, sans concession sur la nature cruelle et destructrice du viol. Mais elle s'oriente vers une cruauté d'abord psychologique. Elle se permet même de soulager le spectateur par une ellipse au cours du calvaire de Jennifer, alors que le film de Meir Zarchi n'épargne rien de son interminable et infernal cauchemar.
Là où I SPIT ON YOUR GRAVE se lâche, c'est dans sa seconde partie, la vengeance de Jennifer Hills. Alors que celle-ci constitue le point faible d'OEIL POUR OEIL, elle se montre plus réussie et va encore plus loin. Les détails sont plus scabreux, les situations plus extrêmes. La menue Sarah Butler se montre crédible et la haute qualité des effets gore les rend encore plus efficaces. La mode des films de torture est passée par là : autant les séquences de viol semblent bridées, autant les supplices de la vengeance donnent dans la surenchère.
S'il reprend clairement le schéma et le ton d'OEIL POUR OEIL, I SPIT ON YOUR GRAVE s'en distingue par certains aspects. Sa facture cinématographique se montre bien meilleure, à tous les postes ! L'interprétation est homogène et de très bonne tenue, dominée par Jeff Branson en garagiste brutal et vicieux, ainsi que par Andrew Howard, glaçant en shérif ambivalent. Alors qu'OEIL POUR OEIL souffre d'une mise en scène amateur et plate, I SPIT ON YOUR GRAVE fait preuve dans sa réalisation d'une cohérence et d'une qualité aussi convaincante qu'inattendue. Néanmoins, en regardant un remake, en particulier un remake fidèle comme celui-ci, nous voyons une variante d'un film déjà connu. Nous ne sommes alors plus dans la découverte mais dans le comparatif.
Réalisé avec un budget très modeste, I SPIT ON YOUR GRAVE s'avère une réussite certaine en terme de mise en scène et de direction d'acteur, sachant tirer le meilleur parti de ses situations et de ses interprètes. Techniquement, il apporte d'une réelle amélioration à OEIL POUR OEIL, même s'il lui en manque la spontanéité et la personnalité de Camille Keaton. Nous regrettons au fond que les talents déployés dans ce remake ne soient pas plutôt employés à mettre en scène un scénario original et innovant.
Aux États Unis, I SPIT ON YOUR GRAVE est dans un premier temps présenté à la commission de classification du MPAA, laquelle demande plus d'une centaine de coupes. Anchor Bay, Steven R. Monroe et Cinetel décident finalement, et courageusement, de ne sortir en salles le film que dans sa version «Unrated» (non classifiée), sans aucune coupe. Cela entraîne une carrière éclair, limite inexistante. Puis il sort en DVD et Blu-ray simultanément aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. Si les éditions vidéos américaines proposent la version intégrale, les disques anglais se voient raccourcis de 43 secondes par la censure anglaise. En France, il sort directement en DVD et Blu-ray et propose la version intégrale du métrage.
Pas vraiment de surprise, sur le Blu-ray de TF1 Vidéo, l'image de I SPIT ON YOUR GRAVE est à la hauteur du support mais sans pour autant être époustouflante. L'image se montre ciselée au rasoir, nette et sans bavure, peut être même trop lisse en regard du film original. Mais cela reste, à vrai dire, dans la moyenne des transferts en haute définition de films récents. Le transfert 1080p/24 respecte le format large d'origine et s'avère donc très satisfaisant. Il en va de même des pistes audio, anglaise sous-titrée et française, proposée en DTS HD Master Audio 5.1. Une nouvelle fois, il ne faut pas s'attendre à une surenchère de décibels extraordinaire. Le tout est plutôt sobre et efficace quand il le faut de manière à épouser son sujet ! Enfin, l'éditeur propose une piste Audio3D pour le doublage français. Une piste codée sur deux canaux et qui est sensée apporter un peu de relief lors d'une écoute au casque.
En supplément, nous retrouvons les bonus essentiels du disque américain, à commencer par une section de scènes coupées de onze minutes, réunissant onze scènes supplémentaires ou alternatives, raccourcies ou retirées du film pour resserrer le rythme du métrage. Nous avons ensuite accès à un petit making-of de quinze minutes dans lequel s'expriment les acteurs et le réalisateur, ainsi que Meir Zarchi en personne. Ils reviennent surtout sur le tournage, en particulier en ce qui concerne les séquences les plus éprouvantes.
Enfin, le gros morceau s'avère un commentaire audio intéressant réunissant Steven R. Monroe et la productrice de Lisa Hansen (de Cinetel) qui apportent leur lot d'informations sur la création de ce remake, l'implication réelle de Meir Zarchi, les soucis de montage et de censure rencontrés. Un commentaire de bonne tenue, donc, recommandé.
Mais le Blu-ray français de I SPIT ON YOUR GRAVE propose aussi de comparer le remake avec le film original. En effet, on peut voir l'intégralité de OEIL POUR OEIL dans un transfert en haute définition 1080p/24. L'image gagne ici en netteté par rapport à une simple édition DVD néanmoins il ne faut pas s'attendre à atteindre le même niveau que le transfert du remake. Le film original de Meir Zarchi a un rendu plus brut en affichant une image digne des seventies. Le résultat est tout de même assez bluffant. Seule une piste en version originale anglaise et en DTS HD Master Audio 5.1 est proposée. Bien évidemment, l'éditeur a sous-titré le film en français. Mais le traitement du I SPIT ON YOUR GRAVE original s'arrêtera là. Il n'y a pas de suppléments spécifiques (en réalité, le bonus, c'est lui !). Il n'y a pas non plus de menu quel qu'il soit. S'il y a bien un chapitrage de manière à avancer ou reculer grâce à la télécommande au sein du métrage, il ne faudra pas appuyer sur la touche du menu sans quoi vous retournerez à l'accueil du Blu-ray. Il est bon de noter que le film original est, en tout cas, absent de l'édition DVD et il n'apparaît en supplément que sur le disque en haute définition.
Un bon remake, des suppléments intéressants et même le film original sur le même disque, difficile de faire la fine bouche face à cette édition Blu-ray qui nous offre réellement l'essentiel de manière à découvrir de bonne manière I SPIT ON YOUR GRAVE version 2010 et 1978 !