Amanite phalloïde ou vesse de loup, le champignon n'est pas forcement notre ami. Et quand il débarque de la face cachée de la lune, c'est juste la catastrophe qui guette l'espèce humaine. L'argument de base de MUTINY IN OUTER SPACE donne dans la mycose généralisée et nous raconte l'aventure d'une équipe spatiale en exploration sur la lune. Trouvant de la glace dans une caverne, ils en ramènent un morceau. Evidemment, rien ne va se passer comme prévu, puisque chaque astronaute se trouve atteint de dégénérescence. Le capitaine est par ailleurs victime du mal de l'espace et ne veut pas avertir la Terre : la révolte gronde parmi le reste de l'équipage.
Les années 60 semblent moins prolixes en productions américaines de science-fiction. La vague des 50's s'est quelque peu éteinte, les teen-agers ne combattent plus trop les extra-terrestres. Les producteurs se dirigent vers une science-fiction avec d'autres ambitions, ce qui donne des curiosités tournées en couleurs au budget plus important comme LES PREMIERS HOMMES DANS LA LUNE ou encore ROBINSON CRUSOE SUR MARS. Toutefois, il existe toujours les séries B noir et blanc qui tentent de sortir de la mêlée. En l'occurrence notre vaillant MUTINY IN OUTER SPACE, resté inédit en France et curieusement, dans un relatif anonymat à travers le reste du monde. Il n'est sorti en Europe qu'à travers une édition DVD, notamment en Allemagne chez X-Rated en avril 2009.
Le réalisateur/producteur d'origine italienne Hugo Grimaldi ne vient pas du rocher mais ça ne l'empêche pas de débarquer sur nos écrans comme un ouragan. Il n'en est d'ailleurs pas à son coup d'essai dans le genre, puisqu'il commit la même année LES CREATURES DE KOLOS, ayant produit auparavant LA PLANETE FANTOME. Une filmographie réduite mais clairement tournée vers le type de films qu'on affectionne. Sa carrière s'acheva cependant en 1969 en produisant CHASTITY, premier film avec Cher. Hasards et coïncidences.
Du côté de la distribution, entre le second couteau de western William Leslie, l'actrice météoritique Dolores Faith (qu'on retrouve dans LES CREATURES DE KOLOS) et le fils d'Harold Lloyd, les fins connaisseurs auront repéré le joli minois de Francine York. Héroïne kick-ass dans le trio des SUPERFLICS EN JUPONS, dans le rôle de Sabrina (comme dans DROLE DE DAMES !), olé-olé dans THE CENTERFOLD GIRLS, chez Jerry Lewis pour T'ES FOU JERRY, mais aussi à la tête d'un autre film de science-fiction SPACE PROBE TAURUS de Leonard Katzman, et CURSE OF THE SWAMP CREATURE de Larry Buchanan. Elle connut une carrière riche en films bis, tout comme dans les séries TV : LES MYSTERES DE L'OUEST, OPERATION VOL... même en 2010, elle apparait dans le ASTRO ZOMBIES : M3 CLONED de Ted V.Mikels. Gros respect.
En suivant le scénario et les péripéties décrites, MUTINY IN OUTER SPACE semble avoir influencé les auteurs du pop psychédélique BATAILLE AU-DELA DES ETOILES de Kinji Fukasaku réalisé trois ans plus tard. En remplaçant le champignon mortel par les créatures tentaculaires qui envahissent,la station orbitale... Et voilà, le tour est joué!
Les scories proviennent surtout des dialogues longuets. Rares sont les séries B de science-fiction qui échappent aux tunnels conversationnels qui meublent le métrage. Entre les explications scientifiques aléatoires et fumeuses, jusqu'aux déboires sentimentaux des tourtereaux sur l'affiche, on ne compte plus les champs/contrechamps et le blabla qui s'allonge. Heureusement, le script génère quelques rebondissements bienvenus. En tous cas suffisants pour maintenir l'intérêt.
Ce virus / champignon qui s'attaque à l'homme pour d'abord le dégrader physiquement n'est pas une idée nouvelle. LE MONSTRE de Val Guest explorait de manière intelligente et talentueuse les possibilités à la fois psychologiques et spectaculaires. Robert Day remettait ça en 1959 avec LE PIONNIER DE L'ESPACE. MUTINY IN OUTER SPACE arrive ainsi tardivement sur presque tous les tableaux. Le développement de la seconde intrigue qui conduira à la mutinerie de l'équipage apporte un souffle légèrement différent au ton global du film.
Tourné quasi intégralement en studio, cette version futuriste d'un vague avatar des REVOLTES DU BOUNTY a été réalisé en 1965, bien que le budget réduit laisse transpirer une mise en images d'un film ayant été fait dix ans auparavant. Non pas que le scénario pêche par manque d'idées (la fin vaut le détour !), cette histoire de champignon lunaire se développant à vitesse grand V et risquant de contaminer la Terre se suit de manière assez plaisante. Mais le film manque clairement de moyens pour concrétiser ses ambitions. Et comme le talent ne se trouve pas toujours au rendez-vous, le métrage s'en ressent grandement.
Du côté positif, Hugo Grimaldi utilise au maximum les décors à sa disposition. Il y en a peu et de ce fait, la caméra multiplie les angles de prise de vue, gratifiant le spectateur de quelques travellings inattendus. La profondeur de champ demeure toujours un allié précieux dans un tel cas, et sauve les meubles dans les scènes de groupe ou dans celles d'action, comme le sauvetage de la scientifique qui se retrouve sur l'affiche du film. Il tente de compenser son manque de budget, ainsi ce long travelling arrière dans le laboratoire de la station (à la onzième minute), découvrant des plantes curieuses, un sol nimbé de brouillard et un effet de profondeur bien vu. Ce colmatage ne réussit pas à chaque fois, mais il faut reconnaître la tentative. Même si l'on voit brièvement l'ombre de la caméra et de l'équipe de tournage quinze secondes après ! On passera aussi les plans montés à l'envers (42mn47) , entre autres incohérences.
Les effets spéciaux hésitent entre le médiocre pas vraiment assumé, voir l'hideuse transparence tremblotante (4mn31) pour le décollage de la fusée et celui, plus fun du bricol'boy en folie. Comme les sortes de lianes émanant du champignon qui envahissent l'intérieur et l'extérieur de la station orbitale. L'attirail spatial des explorateurs est tout à fait au diapason des années 60. On regrettera peut-être une absence d'audace dans l'ensemble du côté science-fiction, qui fait assez daté. On oublie un éventuel semblant de faits scientifiques : adieu gravité zéro, pression atmosphérique... Tout ça, ça n'est pas important. Là où PROJECT MOON BASE gagnait justement en idées par rapport à la pauvreté du budget. Un plan curieux surnage du reste : celui de l'astronaute mort recouvert de moisissure. Les meilleurs moments demeurent malgré tout les attaques du champignon. Même si les effets spéciaux ne sont pas toujours au rendez-vous, les maquillages du corps attaqué, les échappées des curieuses tentacules poilues autour de la station spatiale valent largement le déplacement pour tout fan de science-fiction qui se respecte. Quelques miniatures font pitié à voir et on se surprend à penser qu'heureusement que le film soit en noir et blanc. La couleur aurait rendu les choses bien pires.
Pour ses premiers pas sur le territoire français, Artus Films propose MUTINY IN OUTER SPACE dans le coffret VOYAGES VERS LA LUNE. D'une durée exacte de 81 minutes et 14 secondes, il se trouve sur le disque comprenant en double-programme MISSILE TO THE MOON de Richard A. Cunha. On notera que la jaquette verso indique un format 1.33:1 ainsi qu'un signal 16/9ème, qui est en fait absent. Cette dernière n'apparaît pas être tirée du négatif original, loin s'en faut. On devine un telecinema venant éventuellement d'un tirage fait pour la télévision américaine. En noir et blanc, MUTINY IN OUTER SPACE a subi les affres du temps, tout en gardant un aspect plutôt agréable à l'oeil. Si l'on repère quelques griffures, rayures et poussières le long du film, qu'il faut être prêt à excuser pour apprécier l'ensemble, la compression n'est pas trop visible. Certes, il ne faut pas s'attarder sur les scènes se déroulant en pénombre, c'est là où le bât blesse. La définition reste moyenne, quelques flous dans les scènes peu éclairées (par exemple à compter de la dixième minute et ce prendant une trentaine de secondes).
Le son mono encodé sur deux canaux reste dans la moyenne des films de science-fiction à bas coût : un léger bruit de fond permanent mais peu gênant pour l'audition des dialogues et de la partition musicale. Rien d'extraordinaire ni de détestable à l'oreille. La version originale anglaise est la seule disponible, aucune version française n'existant. Comme d'habitude chez Artus, il est possible de choisir avec ou sans sous-titre français. Quelques petites scories dans la traduction pour les sous-titres. Par exemple le "fungus" (champignon en français) qui est laissé tel quel le long du film. Le fongicide est bien traduit mais pour qui ne maîtrise pas l'anglais, c'est un peu rude pour comprendre à quoi fait référence le «fongus» en question, terme scientifique assez peu usité par le grand public.
Nous n'avons pu effectuer de comparatif avec d'autres DVD. Sachez cependant que le DVD X-rated sous le titre PANIK IM ALL contenait la version américaine de 81 minutes présente ici, ainsi que la version allemande de 76 minutes, avec donc une version doublée allemande pour la circonstance, ainsi que la version «Super 8» en allemand, comme il était de coutume chez nos voisins teutons.
Le film se trouve sur le même DVD que MISSILE TO THE MOON et la galette propose avant toute chose le choix entre les deux films, pour arriver sur un menu fixe offrant l'accès aux différentes versions (anglaise avec sous-titres amovibles français). Comme pour PROJECT MOON BASE, le film est inédit en France, il faudra donc se passer d'une version française. Marque de fabrique Artus, le chapitrage est divisé en huit accès et l'ensemble se termine par le film annonce original et un diaporama d'affiches. Le DVD fait partie du coffret VOYAGES VERS LA LUNE, où se trouvent en plus DE LA TERRE A LA LUNE et PROJECT MOON BASE, ce dernier ayant déjà été chroniqué ici-même. Vous pourrez donc trouver le jeu de cartes postales habituel des coffrets Artus ainsi que le livret de douze pages sur les trajectoires spatiales vers La Lune au cinéma.