Un mannequin vedette de la grande maison de haute couture Federico Marinoni (Richard E. Grant) est retrouvée morte, renversée par une voiture. Pour l'inspecteur Malerba (Francesco Montanari), il s'agit en fait d'un meurtre. L'arrivée d'une nouvelle égérie nommée Britt (Vanessa Hessler) ainsi que l'enquête vont provoquer de nouvelles morts, et la découverte de tensions inexpliquées.
Au début des années 80, le Giallo meurt de sa belle mort. Hormis Dario Argento avec TENEBRES ou encore son approche fantastique avec PHENOMENA, les réalisateurs passent à la télévision et les années dorées restent en arrière. Cependant, Carlo Vanzina, auteur relativement peu connu chez nous, en réalise deux coup sur coup. L'énorme succès de sa comédie SAPORE DI MARE lui ouvre la voie pour d'autres projets, comme MYSTERE avec Carole Bouquet. Et en 1985 OU EST PASSEE JESSICA ? (SOTTO IL VESTITO NIENTE pour son titre original) sorti en salles chez nous apres un passage réussi au Festival du Film policier de Cognac. Le film se vend partout et engendre une séquelle tardive. Dario Piana (LOST BOYS 2) pond un sinistre SOTTO IL VESTITO NIENTE 2 qui termine une décade décidément pauvre en thrillers transalpins.
Et surprise, bien que l'on en saisisse pas vraiment l'intérêt, l'année 2011 voit l'ajout d'un nouveau chapitre à cette saga sur les meurtres mystérieux qui se déroulent dans le milieu frelaté de la mode milanaise. Carlo Vanzina co-écrit et réalise SOTTO IL VESTITO NIENTE : L'ULTIMA SFILATA (littéralement : "Rien sous la robe : le dernier défilé"). Avec un malheur certain, le film s'étant ramassé une veste monumentale au box-office local. Ceci posé, et après avoir vu le film, on comprend pourquoi : il est redoutablement plat, mou et digne d'un Téléfilm pour la 5 Shooté en Scope.
Les trois films n'entretiennent aucun rapport les uns avec les autres, sauf l'intrigue policière dans le milieu de la mode. Le Premier bénéficiait d'une touche fantastique et du mannequin Renée Simonsen, comme un update (raté) de 6 FEMMES POUR L'ASSASSIN, avec le message en filigrane "l'homosexualité, c'est le mal". Le second chapitre, mediocrissime, sombrait dans la même esthétique chic et toc, avec le rohmerien François Eric Gendron perdu dans les bras d'une Florence Guérin toujours aussi médiocre actrice. Ici, rebelote. Avec Carlo Vanzina qui réengage Franco Ferrini pour le scénario et Pino Donaggio pour la partition musicale, remixant son travail du premier opus. En tendant bien l'oreille, on peut même entendre quelques emprunts à sa partition de BODY DOUBLE. On nage dans le fric, le chic, la jalousie, les meurtres, le toc et en restant poli, le film fait prout.
Le métrage se distingue donc par un goût scénographique discutable, une gestion télévisuelle de l'espace, malgré un format Scope qu'on sent choisi pour la frime. Le peu d'effets spéciaux auxquels on assiste sont catastrophiques, avec une mention spéciale à l'accident de voiture qui fait valdinguer la jolie Alexandra dans le décor. Au lieu d'un frisson, d'un quelconque sentiment de peur ou de tristesse quant à sa mort, c'est un éclat de rire qui fait s'invite. La scène est juste ridicule. Comment un auteur peut-il laisser passer une telle chose à l'écran ? Les spectateurs italiens sont-ils devenus si peu exigeants ?
L'intrigue mécanique et la progression de l'enquête n'arrangent rien puisque ressemblant à une bonne centaine de produits standards qui pullulent sur le marché. Il n'y a rien qui fasse sortir le film de la médiocrité ou du déjà-vu. Alors, quoi ? L'éternité et un jour, le temps d'un film. Un Giallo tout public qui tente vainement de se raccrocher à un prestigieux wagon. On y distingue bien une main gantée de cuir noir, un couteau planté en plein dos, quelques donzelles savamment habillées... Mais aucune trace des excès, des transfigurations visuelles, de la violence opérative, de l'erotisme macabre qui ont construit la gloire du Giallo. Carlo Vanzina filme en pilotage automatique un métrage préfabriqué comme une maison Mikit. Un téléfilm aux attributs de personnages calibrés pour des séries qui grouillent sur les chaînes privées et publiques transalpines. Il n'existe aucune saveur, aucun risque. Une recette usée jusqu'à la corde, que le spectateur devra avaler jusqu'à la lie. Ca reste techniquement compétent, heureusement avec un tel budget, mais manquant de vraie profondeur cinématographique. Ce qui rappelle la fâcheuse tendance chez Carlo Vanzina à filmer l'insignifiance des plus riches de ce monde, une fascination pour le clinquant et le superficiel, comme dans un MILIARDI de sinistre mémoire et totalement au diapason de son style.
S'il y a un point que SOTTO IL VESTITO NIENTE : L'ULTIMA SFILATA respecte à propos du Giallo, c'est le traitement de sujets propres à l'époque où il se déroule. MAIS QU'AVEZ-VOUS FAIT A SOLANGE ?, SOLAMENTE NERO, NUE POUR L'ASSASSIN... Ils possèdent tous un sens de la moralité et une envie de préserver une forme de conservatisme. On peut montrer des ados à poil qui couchent a droite à gauche, mais il faut nécessairement un contrepoint. Quand même, l'avortement, la drogue, les relations extra maritales, la boisson, etc... Tout cela n'est pas très moral. Les Vanzina Bros et Franco Ferrini n'oublient pas cette règle et en remettent une couche sur l'homosexualité. Il est bien connu que la mode est pétrie de gays à tous les étages et prêts a tous les excès pour obtenir ce qu'ils veulent. Et donc... Cela représente le nid du mal et ils finiront par le payer un jour. Ce qui explique le retour global à la «normalité» toute papale de tous les participants à la fin du film.
A la rigueur, on pourrait espérer se rattraper sur les acteurs et actrices choisis. Il n'y a guère que Giselda Volodi, dans le rôle de la soeur du créateur, qui tire son épingle du jeu. Un peu en retrait, elle est une de ces "gueules" que seul le cinema italien est capable de produire, comme Carla Cassola ou encore Aurora Quattrocchi. Egalement à l'affiche de E STATO IL FIGLIO, elle possède une présence discrète mais altière qui fait ombrage à un casting poussif. Entre les beautés qui jouent comme des brochets farcis, le flic à l'audace d'une Julie Lescaut narcoleptique et le pauvre Richard E. Grant qui paie tristement ses impôts, il est loin le temps de PRET A PORTER... La plupart traversent le film comme des marionnettes inanimées. Quel dommage de voir Ernesto Mahieux, un excellent acteur de caractère, impressionnant dans L'ETRANGE MONSIEUR PEPPONE de Matteo Garrone, se voire réduit à un pauvre pervers pépère. Le pompon, c'est Vanessa Hessler, ex-figure de l'opérateur Internet Alice, qui confirme son joli visage et une expressivité digne d'un mérou. A noter pour les complétistes la présence à l'écran du réalisateur Francesco Barilli, auteur des très réussis LE PARFUM DE LA DAME EN NOIR et PENSIONE PAURA.
Même au 36ème degré, il est difficile de trouver quelque chose a sauver. Carlo Vanzina a créé une ôde au vide, et en a oublié d'etre drôle ou profond. Le film est déjà daté, vague témoin d'un genre qui est définitivement passé à la télévision de nos jours. Une vraie misère de l'imagination d'une banalité confondante, toute comme l'identité du tueur et la mise en images.
Echec cinéma oblige, l'édition DVD italienne sortie chez Medusa s'avère chiche en contenu. D'une durée totale de 93 minutes et 8 secondes, le DVD offre seulement la version italienne dans un mixage en Dolby Digital 5.1, affublée d'un sous-titrage pour italiens malentendants. Il faudra donc être expert en langue transalpine pour saisir toutes les nuances de ce film raté. L'édition offre une copie d'une tenue plus que correcte. Pas de trace de compression, aucun artefact. Une bonne gestion des niveaux de blanc, des contrastes agréables et des scènes de nuit (l'accident du début du film, l'arrivée de Malerba à compter de la 33ème minute) qui génèrent un velouté nuité bleuté du plus bel effet. Cela rend ainsi hommage au très beau travail d'éclairage et à la photographie de Carlo Cafani, directeur photo ayant travaillé sur LUCKY LUKE (version Terence Hill), CYBERFLIC d'Antonio Margheriti... mais ayant aussi œuvré sur PIRANHAS 2 LES TUEURS VOLANTS, CONTAMINATION, SALO OU LES 120 JOURNEES DE SODOME, FANTOME D'AMOUR... Vive l'éclectisme !
Les bonus se composent du film annonce original et de scènes coupées. Celles-ci s'avèrent peu intéressantes, une répétition de défilé de Britt, Viganotti écrivant dans son bain son obsession pour la belle Alexandra et son interrogatoire par Malerba. Difficile de conseiller cette galette pour quelle que raison que ce soit.