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Critique du film
TRUTH 2011

 

Il y a forcément quelqu'un sur cette Terre qui y a cru. Il y a forcément des auteurs qui se sont donnés à fond. Il y a forcément un producteur qui a songé à un débouché public, critique et financier. Mais après la vision de ce TRUTH-là, on peu raisonnablement penser que tout ce petit monde a fumé le stock d'invendus de moquettes chez Saint-Maclou.

Un couple en crise (encore un) part se ressourcer dans un chalet au fond des bois. La jeune femme nommé Becca (Michelle Sabiene) sent une présence : il s'agit de Jasper (Michel Duran) fantôme de l'ancien propriétaire, dont elle tombe petit à petit amoureuse. Son mari Guy (Benjamin Hanson) rencontre lui le fantôme de la femme du propriétaire (Erica Bulman). Un drame du passé va surgir et déborder sur le présent.

Le film démarre comme un drame urbain évoquant un couple en voie de désintégration et donc ayant besoin d'espace nouveau afin de se ressourcer. Mais il est clair que Becca voit déjà ailleurs. Autant dire tout de suite que les amateurs de frissons canadiens vont en être pour leurs frais. Il faudra subir les atermoiements de l'héroïne s'adonnant à la lecture du journal du propriétaire et voir son mari partir en randonnée. Chacun prend bien son temps pour le faire. Aucune trace de fantôme avant la 52ème minute, il faudra donc s'armer d'une patience d'acier pour subir la première heure.

Pendant ce temps, le film reste d'une transparence remarquable.La mise en scène laisse augurer un pensum arty qui loucherait sur du sous-Bergman mâtiné de Polanski. Mais le tout se solde par une expérience crucifiante à force de voir le temps qui s'écoule. Car il ne se passe pratiquement rien à l'écran, et l'attente de Becca sombre régulièrement dans le néant. Même quand les acteurs sont présents, c'est l'absence d'action qui prime. Ainsi par exemple ce plan fixe de Becca avançant comme au ralenti dans une pièce sur un fond de Billie Holiday. Pendant toute la chanson. Pourquoi ? Parce que ! Probablement. Le plan n'apporte rien à l'ambiance, rien à la narration, rien à la compréhension de la psychologie du personnage. Il ne sert à rien. A l'image de la plupart des plans qui durent de manière inexpliquée et indécente.

Il demeure également incompréhensible, à la vue du traitement subi, que le sujet aussi mince de TRUTH puisse s'étendre sur près de deux heures. Non pas que le film s'affranchit des seconds rôles mais leur impact demeure quasi nul sur la narration. Faire ressentir la désolation d'un couple reste une intention louable. Mais reposer sur un traitement aussi lâche dans l'action se termine par un ennui ferme que rien ne vient troubler. Pas même l'espoir d'un format Scope dont on ne comprend pas vraiment bien son choix. Hormis le plan de fin... et encore.

Pour compléter le tableau, les acteurs ne font rien pour arranger les choses. On reconnaîtra à J.S Johnson le talent d'avoir choisi Michel Duran, un «hot daddy» comme on dirait au Canada, pour le personnage du fantôme qui est paradoxalement le plus expressif de la troupe. Egalement, une prépondérance à cadrer le fessier du même Duran et de Benjamin Hanson. Car, oui, il y a des scènes de fesses ! Mauvaise nouvelle : il faut attendre la 84ème minute de TRUTH pour espérer se tirer de la léthargie ambiante via du sexe au fond des bois. Ce sera donc deux scènes montées (et bien montées) en parallèle, d'accouplements entre humains et fantômes. On nage en plein fantastique et cette sexualisation du récit étonne quelque peu. Car, là aussi, ces scènes de fesses sont relativement inutiles à l'ensemble bien qu'elles possèdent le mérite de réveiller le spectateur quelque peu assoupi. S'il a pu tenir jusque là.

Maintenant, on se dit… bon, 1 heure et h25 minutes de film, c'est donc bientôt fini. Eh bien non, car TRUTH s'étale à outrance durant 110 minutes. Il reste donc encore près d'une demie heure. 25 MINUTES !? Comment diable faire avancer le récit ? Simple : on va donc provoquer le drame. Et à la 89ème minute, début du final... qui va durer inexorablement jusqu'au bout. Les plus courageux verront donc Becca hilare, ricanant comme une sorcière transalpine échappée d'un quelconque Renato Polselli oublié, un couteau à la main. Et encore, quelqu'un comme Rita Calderoni pouvait être expressive tout en étant fun. Et la dernière partie du film qui dure, dure.. J.S Johnson ne sait pas plus mettre en scène le suspense, l'horreur graduelle ou le duel supposé crucial. Michelle Sabiene fait ce qu'elle peut, mais son jeu forcé met tout par terre. Le rire s'empare du spectateur plutôt que de la peur ou de la compassion. Frustration de l'amateur fantastique car il n'aura jamais le courage de tenir le supplice jusqu'au bout. Incompréhension des autres car un projet hybride qui ne sait pas ce qu'il est : il n'existe rien de pire. La vérité, en fait, est embarrassante : le film reste statique, amorphe, sans vie et d'un lenteur qui confine au supplice. Inexploitable, presque invendable, il n'a quasiment aucune chance de débarquer sur notre territoire.

On précisera tout de même que la projection au Marché du Film à Cannes 2012 se déroula dans de mauvaises conditions. Elle s'est effectuée via un Blu-ray de qualité douteuse. Des effets de solarisation et de flou ont gâché l'éventuel plaisir qu'on aurait pu prendre à la vision de TRUTH. Mais de toutes façons, la salle s'est rapidement vidée avant la fin des quelques dix spectateurs ayant tenté l'aventure.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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