Header Critique : SAYA ZAMURAI

Critique du film
SAYA ZAMURAI 2011

 

Parce qu'il a refusé de combattre, Kanjuri Nomi devient un fugitif contraint d'errer sur les routes du Japon en compagnie de sa petite fille. Fait prisonnier par le clan du poulpe, il est condamné à une tâche sur laquelle d'autres se sont déjà cassé les dents. Redonner le sourire au fils du seigneur des lieux ! Et si au bout de trente jours, il n'a pas pu accomplir sa tâche avec succès, il devra se donner la mort…

Tout comme Takeshi Kitano, Hitoshi Matsumoto s'est fait d'abord connaître à la télévision japonaise avant de proposer des travaux bien différents hors du cadre du petit écran. C'est ainsi qu'il va réaliser BIG MAN JAPAN, un faux documentaire à propos d'une sorte de super héros dépressif. Pour son second long métrage, il adopte une nouvelle forme narrative avec un SYMBOL quelque peu expérimental. Du coup, SAYA ZAMURAI pourrait faire office de film normal. En tout cas, ce troisième long métrage semble s'orienter vers une narration classique. D'ailleurs, les premières minutes du film nous exposent une sorte de parodie de BABY CART. Samouraï sans attache et accompagné d'un jeune enfant, le héros de SAYA ZAMURAI affronte quelques tueurs qui pourraient être issus de la fameuse saga. Mais il ne s'agit là que d'une façade, une manière de présenter une poignée de personnage et mettre en place la situation qui sera le cœur du film. Très savoureuse, cette mise en bouche laisse alors la place à un pari extrêmement osé ! Car SAYA ZAMURAI est un métrage aussi étrange, dans son approche cinématographique, que les précédents films de Hitoshi Matsumoto !

SAYA ZAMURAI est, en réalité, un film pour enfants qu'il ne sera pas simple de présenter à nos chères petites têtes blondes. Et pour cause, le concept d'un suicide rituel est étranger à notre culture occidentale, le sujet devenant d'autant moins abordable pour des enfants. C'est sans compter que Hitoshi Matsumoto est, de surcroît, un électron libre, son précédent film, SYMBOL, en est d'ailleurs la meilleure preuve. Le cinéaste japonais ne se pose donc pas tellement de questions sur ce que l'on peut montrer, ou pas, sur un écran de cinéma. Certaines scènes sont très certainement difficiles à montrer à un trop un jeune public. Pourtant SAYA ZAMURAI adopte très vite la structure narrative d'un conte pour enfants en bas âge avec une répétitivité que l'on retrouve, par exemple au cinéma, dans les métrages de Pierre Ocelot comme récemment LES CONTES DE LA NUIT ou encore KIRIKOU ET LA SORCIERE. Le spectacle devient alors plutôt casse gueule à coups de gags régressifs. Mais c'est finalement le véritable tour de force de SAYA ZAMURAI. Alignant des situations pathétiques ou ridicules, le film développe assez vite ses véritables thèmes. Evidemment, on peut difficilement oublier que Hitoshi Matsumoto fait le pitre à la télévision japonaise. Le héros du film doit ainsi amuser la galerie, de manière journalière, en se confrontant à un spectateur très difficile. Mais le plus intéressant, c'est surtout le regard d'une petite fille dont le père est un homme ayant perdu sa dignité et son honneur, subissant la vie sans vraiment réagir. La finalité, ce ne sera pas, au final, de réussir la dure tâche de faire sourire le fils d'un seigneur mais plutôt de regagner la fierté de son enfant. SAYA ZAMURAI se montre, lors de son épilogue, une véritable réussite, arrachant de véritables émotions et navigant bien au-delà de la simple comédie. Le film prend alors tout son sens, fait oublier ses défauts et va droit au cœur avec une dernière chanson qui pourrait être ridicule mais qui prolonge la poésie du moment. Un instant qui se prolongera par une séquence dans le générique de fin qui vient appuyer encore plus la force évocatrice du métrage.

Si l'on évoque des défauts, c'est qu'il faut être honnête. SAYA ZAMURAI n'est pas un film parfait, ce qui le rend à vrai dire peut être encore plus attachant. L'aspect redondant au cœur du métrage pourra finir par lasser. Bien sûr, Hitoshi Matsumoto change le rythme ainsi que la manière de présenter les différents essais au travers du montage du film. Mais les tentatives répétées du samouraï se montrent par instant peu imaginatives et même parfois répétitives dans un cadre déjà lui-même très répétitif. Mais ce problème s'explique sûrement dans la façon avec laquelle a travaillé Hitoshi Matsumoto avec son acteur principal. Takaaki Nomi n'est pas comédien, il a été découvert par Hitoshi Matsumoto qui l'a fait passer à la télévision dans ses émissions humoristiques. Simple quidam très banal, il va être entraîné dans SAYA ZAMURAI sans que le réalisateur ne lui dise qu'il est en train de tourner un film de cinéma. Ils ont ainsi travaillé comme s'il s'agissait d'un concept télévisuel, laissant Takaaki Nomi trouver des trucs à faire devant la caméra ou en lui donnant des indications basiques. Hitoshi Matsumoto finira par lui révéler qu'il est en train de tourner un film de fiction, en gros à la moitié du tournage, probablement lorsqu'il est nécessaire de lui faire jouer des scènes plus directement liées avec l'histoire et sa relation avec les autres personnages. L'inexpérience du comédien, elle ne se ressent pourtant pas à l'écran. Véritable clown triste et dépressif, il incarne à la perfection ce personnage un peu désincarné. SAYA ZAMURAI se pare aussi d'une très jeune actrice, Sea Kumada, qui s'accorde, elle aussi, à la perfection avec son rôle !

Parés de jeux de mots pourris, et donc géniaux, gags pathétiques et situations surréalistes, SAYA ZAMURAI s'inscrit dans un pur non-sens qui, par instants, se rapproche des Monty Pythons. La séquence de la discussion dans une file d'attente entre trois tueurs est certainement le passage qui fait le plus penser à l'équipe d'humoristes britanniques. Mais si SAYA ZAMURAI est une comédie, le métrage se révèle, à l'arrivée, un film assez profond. Très surprenant avec les moyens, parfois très puérils, mis en œuvre… Très atypique, SAYA ZAMURAI est très fortement recommandable !

Rédacteur : Christophe Lemonnier
Photo Christophe Lemonnier
Ancien journaliste professionnel dans le domaine de la presse spécialisée où il a oeuvré durant plus de 15 ans sous le pseudonyme "Arioch", il est cofondateur de DeVilDead, site d'information monté en l’an 2000. Faute de temps, en 2014, il a été obligé de s'éloigner du site pour n'y collaborer, à présent, que de manière très sporadique. Et, incognito, il a signé de nombreuses chroniques sous le pseudonyme de Antoine Rigaud ici-même.
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