L'arrivée de l'australien George Miller dans le monde du cinéma résonne tel un coup de tonnerre, avec MAD MAX en 1979. Par la suite, sa carrière s'avère éparse. Ainsi, durant les années 1990, il ne réalise que deux longs métrages : le drame médical LORENZO puis BABE, LE COCHON DANS LA VILLE, suite de BABE, LE COCHON DEVENU BERGER qu'il avait produit en 1995. BABE, LE COCHON DANS LA VILLE, supposé être son retour en grandes pompes, connaît un échec commercial cinglant, l'écartant à nouveau des feux de la rampe.
George Miller se voit associé par la suite à divers projets, en particulier un MAD MAX IV dont le tournage prévu en Afrique du Sud se voit abandonné au dernier moment. Son vrai retour, George Miller le réussit dans la tradition des BABE, à savoir avec un film familial animalier. L'idée de HAPPY FEET lui vient suite à la vision d'un documentaire retraçant la vie des manchots en Antarctique. Le développement sera long et le vrai lancement de la création de HAPPY FEET commence en 2003.
Si les animaux de BABE parlaient et se livraient à des facéties grâce à des trucages numériques, HAPPY FEET est un dessin animé entièrement produit en images de synthèses. Recourant à diverses astuces technologiques, il aspire à un rendu «photo-réaliste», tout du moins pour les décors. Cette perspective, ainsi que l'emploi généralisée de la «capture de mouvement»/ «Motion Capture», le rapproche des tentatives technologiques pointues de Robert Zemeckis (en particulier avec LE POLE EXPRESS sorti en 2004).
Produit en Australie, HAPPY FEET arrive à une époque à laquelle le cinéma des antipodes semble un nouvel Eldorado. LE SEIGNEUR DES ANNEAUX, entièrement filmé et conçu en Nouvelle Zélande, triomphe dans le monde entier. La major Fox ouvre un studio où se tourne MOULIN ROUGE de Baz Luhrmann, ainsi que les blockbusters L'ATTAQUE DES CLONES, LA REVANCHE DES SITH, SUPERMAN RETURNS, MISSION : IMPOSSIBLE 2, MATRIX RELOADED et MATRIX REVOLUTIONS !
Poussant plus loin encore le patriotisme cinématographique, George Miller confie les rôles des parents de Mumble à des vedettes australiennes, à savoir Hugh Jackman et Nicole Kidman. D'autres comédiens océaniens sont de la fête, tels Hugo Weaving, Anthony LaPaglia ou Steven Irwin. Ce dernier animait en fait des documentaires animaliers populaires dans les pays anglo-saxons. Ses aventures connurent une déclinaison cinématographique passée (fugitivement) dans les salles françaises en 2002 sous le titre TRAQUEUR DE CROCO EN MISSION PERILLEUSE. Steve Irwin décède courant 2006, avant la sortie de HAPPY FEET, qui lui est dédié...
HAPPY FEET raconte l'histoire de Mumble, né parmi les manchots de l'Antarctique et doué pour la danse - plus précisément les claquettes. Las, dans cette société normée, où la communication et la séduction passent par le chant, cette faculté, alliée à une voix de crécelle, le fait passer pour un raté aux yeux de la population. Il part en voyage sur la banquise et acquiert de nouvelles convictions dont celle que des êtres surnaturels causeraient la raréfaction des ressources piscicoles indispensables à la survie des manchots...
Au premier abord, la formule HAPPY FEET ne fait pas dans la nouveauté. Conformément aux vieilles recettes de Tonton Walt (Disney), s'y mélangent histoires familiales d'abord édifiantes, puis plus tragiques, sur fond de diverses chansons, passages mignons ou spectaculaires, destinés à plaire à toute la famille... Rien de neuf sous le ciel des DUMBO et autres BAMBI... Durant la première demi-heure, la musique s'avère particulièrement présente, par le biais d'une justification narrative pertinente. Ce qui est moins pertinent, toutefois, c'est de faire chanter à ces manchots tout un catalogue de chansons populaires bien connues, méthodes dont la facilité rappelle trop SHREK, le tout étant servi, si l'on peut dire, par des chants et des orchestrations d'une franche vulgarité. L'humour vole bas, à coup de petits pingouins rappeurs énervants à souhait !
Cela dit, HAPPY FEET met en avant un autre élément classique de la comédie musicale: à savoir les chorégraphies. Ainsi, Mumble a la voix de l'acteur Elijah Wood, mais aussi les pieds du danseur américain Savion Glover, réputé comme le meilleur dans cette catégorie de sa génération. Enfant, il a déjà partagé l'affiche avec d'autres maîtres de la discipline tels Gregory Hines et Sammy Davis Junior, dans TAP DANCE de 1989.
Recourant à la capture de mouvements ainsi qu'à la multiplication des personnages virtuels, George Miller se lâche totalement et propose des scènes dansées d'une envergure exceptionnelle. Impliquant des milliers d'animaux déchaînés, ces séquences sont riches en astuces et en trouvailles. Car si le ton de HAPPY FEET et ses divers protagonistes suivent prudemment le cahier des charges de l'animation familiale la plus éprouvée, le style de George Miller impressionne toujours par sa vitalité, son sens de la vitesse et du grand spectacle. Les écarts d'échelle les plus stupéfiants, les poursuites les plus échevelées, les raccords les plus imprévus, les plans les plus virtuoses, George Miller les ose tous pour offrir des séquences extrêmement spectaculaires. Citons cette chute anodine qui se termine dans une avalanche et un effondrement d'iceberg démesuré, ou encore diverses rencontres avec des animaux dangereux, tels des épaulards très, trop joueurs !
Sur la forme, HAPPY FEET emporte donc aisément la manche, faisant oublier par moment sa nature de fable simple sur la différence. Celle-ci, au fond sans surprise, croise les histoires du Vilain Petit Canard et de LE CHANTEUR DE JAZZ – premier classique du parlant, dans lequel un jeune chanteur juif féru de jazz se heurte à son père, rabbin austère peu porté sur la musique urbaine.
HAPPY FEET surprend plus son monde dans sa dernière partie, dés que Mumble et ses amis rentrent en contact avec le monde des humains. Tournant plus vers le conte écologique, vers une approche plus sombre, voire franchement inquiétante, le film change abruptement de ton. Avant de faire volte-face à nouveau pour un dénouement euphorique, bizarre et peu convaincant...
Gentiment écologiste, prudemment familial, HAPPY FEET reste avant tout, à notre sens, une performance technologique impressionnante, surtout valorisée par plusieurs passages s'avérant de redoutables tours de force technique : le premier ballet au cours duquel tous les manchots se mettent au claquettes, ou encore la danse sous-marine nous convainquent ainsi que le réalisateur de MAD MAX 2 a encore du Cinéma sous le capot !...
A sa sortie, HAPPY FEET connaît un très confortable succès commercial et récolte l'Oscar du meilleur film animé de l'année. Cela donne lieu à une suite prévue pour les fêtes de fin d'année 2011 et à nouveau réalisée par George Miller – parallèlement au développement continu de l'arlésienne MAD MAX 4 !
Cécile Migeon vous avait déjà entretenu de l'édition Collector 2 DVD sorti en France il y a quelques années. Nous allons cette fois-ci nous pencher sur l'édition Blu-ray anglaise.
La copie HD propose le film dans son format 2.39 d'origine, avec une qualité d'image, on s'en doute, sans aucun défaut de pellicule ou de stabilité. Le rendu n'est peut-être pas aussi fin que sur certains films d'animation numérique plus récent (l'atmosphère lumineuse n'a pas la subtilité vue dans un TOY STORY 3 ou un RAIPONCE par exemple), mais l'image s'avère parfaitement précise, avec de nombreux détails perceptibles, des contours bien nets ainsi qu'un rendu assez époustouflant des décors. Nous émettons des réserves sur la compression dans certains arrières plans, donnant lieu à des effets de solarisation parfois subtils (dans le ciel bleu), ponctuellement flagrants (essentiellement dans les scènes sous-marines).
Pour aborder le domaine sonore, il nous faut revenir à des temps anciens, des temps sombres, les temps d'une guerre qui déchira le petit monde de la HD à partir de 2006, lorsque s'opposèrent sur nos étagères le HD-DVD de Toshiba et le Blu-ray de Sony! Aux USA, Warner sort le disque de HAPPY FEET en mars 2007 sur les deux formats, en offrant toutefois l'avantage au HD-DVD : en effet, comme pour d'autres films Warner (LE FANTOME DE L'OPERA par exemple), le HD-DVD propose une piste non compressée Dolby TrueHD tandis que le Blu-ray se contente d'une piste sonore Dolby Digital classique.
Les temps ayant tranché avec la mise à mort du HD-DVD, il ne reste donc plus que le Blu-ray sur le marché, et le Blu-ray américain de HAPPY FEET conserve sa piste Dolby Digital un peu décevante pour un film aussi récent.
Heureusement, nous sommes privilégiés en Europe puisque les éditions proposées par Warner en Blu-ray sur notre continent proposent bien une piste anglaise non compressée, à savoir une robuste piste en PCM 5.1 ayant toutes les qualités de netteté, de dynamique, de précision, de diversité des tons et de séparations des sons que nous sommes en droit d'attendre aujourd'hui. Les passages musicaux brillent évidemment dans ce domaine, mais d'autres séquences de poursuite ou d'action ont aussi sérieusement de la réserve ! Le Blu-ray anglais est aussi muni d'une piste Dolby Digital anglaise 5.1, d'un sous-titrage anglais normal et d'un autre sous-titrage anglais pour malentendant. Plus pointu encore, le disque anglais propose une piste d'audiodescription en anglais. Nous trouvons aussi une piste néerlandaise en Dolby Digital 5.1, une piste flamande dans le même format (elle aussi en néerlandais, mais différente et destinée au public belge), ainsi que des sous-titres néerlandais.
Pas d'option francophone à l'horizon donc, mais les allergiques à la langue de Crocodile Dundee peuvent se tourner vers le Blu-ray français de Warner, en fait un report du même contenu que le Blu-ray anglais, incluant en plus de la piste anglaise en PCM 5.1 une piste doublée en français en Dolby Digital 5.1 et des sous-titres français.
Les bonus du Blu-ray de HAPPY FEET ne font pas dans l'originalité, puisqu'ils reprennent à l'identique ceux de l'édition DVD collector.
Nous retrouvons ainsi le petit module «Creating The Tap» qui revient en quatre minutes vite faites sur les chorégraphies et la technique de la Motion Capture ici mise en œuvre. Le gros supplément du disque, toute proportions gardées, est le making of «Behind the Scenes of Happy Feet» de 13 minutes. Il nous montre George Miller et ses collaborateurs s'enthousiasmer sans réserve pour le film qu'ils sont venus nous vendre, dans le plus pur style de la featurette promo !
Nous retrouvons aussi les deux scènes coupées, à savoir celle où Mumble croise une baleine, et celle très courte où il sert de ballon de foot à un manchot adulte. Ces deux scènes coupées sont en HD, contrairement aux autres suppléments qui sont tous en définition standards.
Nous accédons ensuite à quelques petits suppléments destinés aux enfants, en commençant par une petite leçon de claquettes dispensée par Savion Glover ou un petit cours d'espagnol offert par les doubleurs des pingouins hispaniques. Enfin, Warner recase pour l'occasion son petit cartoon en Technicolor I LOVE TO SINGA, réalisé en 1936 par Tex Avery et parodiant, dans l'univers des animaux de la forêt, l'histoire de LE CHANTEUR DE JAZZ.
Le tout est complété par une bande annonce en 2.35 16/9 (plutôt un des teaser en fait) et trois clips vidéos sans grand intérêt. Bref, une interactivité faussement pléthorique, plutôt maigrichonne pour un gros succès comme HAPPY FEET. Warner n'a pas su profiter du passage à la HD pour renforcer l'interactivité proposée...