Film bien singulier que THE WICKER MAN. Sorti sans laisser de
trace en France sous le titre de DIEU D'OSIER, cette production
britannique a gagné au fil des ans le statut de film culte dans
les pays anglo-saxons. Et non sans raisons. Le film est un petit budget
qui a connu un bide à sa sortie. Il a été remonté
par un studio embarrassé par les excentricités du scénario.
Le réalisateur, Robin
Hardy, sans vergogne, samuse avec les genres (le film mélange
lintrigue policière à la comédie, emprunte
des scènes aux films musicaux et aux films dhorreur, avec
beaucoup de sensualité !).
Mais de quoi parle ce film, me demanderez-vous ? Eh bien il relate lenquête dun détective écossais sur une petite île, loin de toute civilisation. Parti à la recherche dune enfant disparue, il va découvrir à ses dépens les rites païens et impies dun village de mécréants.
Sorti tout droit de limagination dAnthony Shaffer, célèbre scénariste et dramaturge anglais (il écrivit FRENZY pour Hitchcock), le script de THE WICKER MAN est un pied de nez au cinéma dépouvante gothique de la Hammer avec ses ghoules et ses cimetières de pacotille. Le film se voulait être une nouvelle forme de cinéma dhorreur. Semployant à écarter toutes les conventions du genre, le cinéaste pousse le vice en employant le symbole même de la Hammer vieillissante, Christopher Lee, Mr. Dracula himself, alors désireux de se débarrasser de limage du vampire qui lui collait à la peau. Il ne le regrettera pas puisquaujourdhui encore Lee affirme avoir décroché là son meilleur rôle et y avoir donné sa meilleure interprétation.
Le schéma de base est pourtant classique : le combat du bien incarné par un policier protestant (Edward Woodward) contre le mal, ici des villageois meurtriers aux sacrifices païens anachroniques ! Le manichéisme de la Hammer nest pas si loin ! Cependant cest le traitement même de lhistoire qui ne cesse de surprendre, déjà de par son rythme. Le film est lent, pastoral, et lumineux (un comble pour une enquête policière trouble). On est loin des trépidations urbaines, le cadre est bucolique et champêtre. Les couleurs sont vives et resplendissantes (voire même un peu agressives sur cette copie retravaillée). Le printemps rayonne de sens. Les personnages poussent la chansonnette comme dans un film musical, lune des villageoises se trémousse nue sur une ballade onirique, des rituels sont pratiqués dans des cathédrales en ruines et fleuries. Point ici de danse macabre, mais une célébration de la vie et de la fertilité (le symbolisme magnifique du film nous le rappelle à chaque scène). Dieu et son policier aux allures de pasteur nont quà bien se tenir, ici les croyances sont blasphématoires et le Dieu dosier aux allures de Gargantua pourrait bien les dévorer tout cru.
Loin dêtre totalement un film de genre, THE WICKER MAN est un film dauteur qui prendra au dépourvu le spectateur moyen. Spectacle enchanteur et enivrant, le film pourra agacer et ennuyer le plus terre à terre et le moins spirituel des spectateurs. On ne lui en voudra pas, le film fait figure dOVNI dans le panorama du cinéma horrifique. Une curiosité.
Le DVD, lui, rend hommage aux fans de cette petite oeuvre méconnue. La copie a été retravaillée, même si elle est loin dêtre parfaite (certaines couleurs sont passées tandis que dautres sont trop accentuées). Anchor Bay propose deux éditions, une simple dans un boitier traditionnel, et une édition limitée dans un boitier en bois luxueux qui en fait un objet indispensable pour le collectionneur invétéré. Si les bonus sont les mêmes pour les deux éditions, le collector se démarque par la présence dun deuxième disque proposant le film dans une version rallongée de 11 minutes (le film avait été coupé à sa sortie car le distributeur estimait que certaines scènes ralentissaient le rythme). Certaines des scènes coupées ont été réintégrées (elles enrichissent la thématique et la symbolique du film). Un must pour les fans, les autres pourront se contenter de lédition simple déjà riche dun documentaire passionnant sur la génèse du film. Ce documentaire de 34 minutes pallie sans mal labsence de commentaire audio. Fort bien monté, concis, sérieux et toujours bien illustré, il va à lessentiel, multipliant les anecdotes. Bref impossible de sy ennuyer tant on y apprend de choses.
En cherchant bien, on finit par tomber sur un bonus caché plutôt conséquent : une émission de télé qui s'intéresse au cinéma. On y retrouve Robin Hardy et Christopher Lee en interview. Ce dernier allant même jusqu'à pousser la chansonnette sur la fin. Même en piteux état, on ne peut que remercier l'éditeur de l'avoir ajouté.
Pour en savoir encore plus sur léquipe de ce film énigmatique, quatre longues biographies agrémentent les deux éditions. Les amateurs de promos nont pas été oubliés avec une bande annonce au format dorigine et aux images retravaillées (peut-être un peu trop explicite, elle résume tout le film), un spot télé (lui, en piteux état) et 14 spots radio (de 30 secondes à une minute). Un beau travail pour une rareté des années 70.
Le seul hic de cette édition et pas des moindres est la cruelle absence de sous-titres français. Il ny a même pas de sous-titres anglais pour nous rassurer. Seules deux pistes originales en Dolby Digital 5.1 et en Dolby Surround 2.0 nous consoleront en permettant de clarifier laccent écossais des villageois. Encore une fois merci Anchor Bay davoir pensé à linternational !
Ceux qui tomberont sous le charme du film pourront jeter un coup doeil aux sites de fans sur linternet (par exemple Nuada : The Wicker Man journal). On y trouve de nombreuses informations sur le film, les paroles des chansons, de nombreuses photos sur les lieux du tournage... Bref de quoi permettre au mythe païen du Dieu dosier de continuer à prospérer en ce début de millénaire. Amen.