Header Critique : J'AI RENCONTRE LE DIABLE (I SAW THE DEVIL)

Critique du film
J'AI RENCONTRE LE DIABLE 2010

I SAW THE DEVIL 

I SAW THE DEVIL devient J'AI RENCONTRE LE DIABLE pour son exploitation française et il se verra distribuer au cinéma dans le courant de l'été 2011. Il n'est pas, comme son nom le laisse supposer, véritablement un film fantastique et ce même s'il a fait partie de la sélection 2011 du Festival de Gérardmer. En effet, il s'agit en réalité d'un thriller sanglant qui a pour thème principal une vengeance à tout prix sur fond de traque acharnée d'un tueur en série. Ce dernier élément le rattache, au même titre que les effets sanguinolents, au cinéma horrifique.

Un tueur en série (Choi Min-Sink) assassine et découpe en morceaux Juyeon, la fiancée d'un agent secret, Suyoon (Lee Byung-hun). Dès que la tête et d'autres morceaux éparpillés de la jeune fille sont retrouvés flottant dans une rivière, Suyoon décide de venger la mort de sa bien aimée coûte que coûte. Il part donc à la chasse au tueur afin de faire justice lui-même.

Avec l'aide de son beau-père retraité de police et d'un collègue détective, Suyoon retrouve rapidement la trace des quatre principaux suspects déjà identifiés par la police, dont Kyung Chul. Le film aurait pu s'arrêter là au bout d'une vingtaine de minutes lorsque Suyoon découvre les preuves de la culpabilité de Kyung Chul en fouillant son repère. Il aurait pu le tuer tout de suite et savourer sa vengeance, mais non, la mort du tueur n'est pas suffisante pour apaiser sa douleur. Il laisse volontairement le sadique Kyung Chul en vie (après l'avoir bien amoché), et lui implante une puce GPS lui permettant de surveiller chacun de ses mouvements. Le film se focalise à ce moment sur le face à face entre les deux hommes, car les rôles se sont inversés : c'est l'agent spécial Suyoon qui va traquer et faire souffrir le tueur Kyung Chul comme il l'a fait avec ses victimes. A chaque fois que Kyung Chul s'apprête à commettre un nouveau crime, il est rattrapé par Suyoon qui le fait souffrir toujours plus, mais le laisse en vie et le relâche. Qui des victimes, du traqueur ou du tueur a réellement rencontré le diable ? Et qui est réellement le plus maléfique ?

J'AI RENCONTRE LE DIABLE marque le retour au cinéma du réalisateur Kim-Ji Woon, star montante du cinéma Sud-Coréen. Ses films précédents comme THE QUIET FAMILY ou DEUX SŒURS (déjà primé au Festival de Gérardmer en 2005) narraient des histoires de famille sanglante sur fond de fantastique. J'AI RENCONTRE LE DIABLE s'inscrit naturellement dans cette orientation artistique avec des scènes très gore et une hyper violence exacerbée tout au long du métrage. Pour ce faire, le réalisateur choisit Choi Min-Sink pour interpréter le rôle du tueur, un acteur habitué du box office coréen. Il a déjà joué le meurtrier d'enfants dans LADY VENGEANCE et a obtenu la consécration pour son rôle le dans OLD BOY où il se coupait la langue et se servait déjà d'un marteau ! Pour jouer au jeu du chat et de la souris, Kim-Ji Woon lui oppose l'acteur à la beauté froide Lee Byung-hun qui interprète le rôle de Suyoon. On avait pu voir le comédien auparavant dans A BITTERSWEET LIFE (où son personnage subit d'ailleurs des tortures) et le western LE BON LA BRUTE ET LE CINGLE où il tient le rôle d'un méchant.

Avec une telle distribution, le film est entierement rythmé du début à la fin par le face à face entre les deux personnages qui affichent une violence égale : d'un côté le tueur sanguinaire qui ne ressent aucune pitié pour ses victimes, et s'amuse même sexuellement avec elles avant de les tuer ; et de l'autre l'agent spécial brisé par le chagrin mais animé d'une rage de vengeance qui le rend au final aussi dangereux que le tueur.

J'AI RENCONTRE LE DIABLE décrit, à travers la violence de ses scènes, le lent processus de la vengeance et comment celle-ci peut transformer un homme en monstre. Suyoon réalise malheureusement trop tard les conséquences inévitables de sa traque et des dommages collatéraux qui en résultent. C'est d'ailleurs à ce moment que le côté «œil pour œil dent pour dent» atteint son paroxysme. On ne sait pas vraiment de quel côté il va pencher, s'il va devenir le monstre qu'il pourchasse ou s'il va empêcher son désir de vengeance de détruire le reste d'humanité qu'il lui reste. A la différence des films américains où l'on situe aisément le bon du méchant, ce métrage est donc largement plus nuancé. Il présente deux personnages antagonistes aux personnalités complexes mais empêche le spectateur de s'embarquer dans un jugement stéréotypé du bien et du mal. Tout est calibré pour nous tenir en émoi/haleine jusqu'au final. D'où l'ambiguité du titre et de son interprétation.

Malgré quelques incohérences dans le scénario et une tendance mélodramatique caractéristique du cinéma coréen (le début est excessivement larmoyant), le film est globalement bien rythmé. Les scènes de violence très gore et les cascades aériennes sont ponctuées d'un humour noir amené par le talentueux Choi Min-Sink dans son rôle de tueur psychopathe. Il possède d'ailleurs un petit côté dément à la lisière du comique comme le personnage de Beaulieu dans 5150 RUE DES ORMES, vu au Festival de Gérardmer l'année précédente. Au final, on regrette tout de même cet univers foncièrement masculin où les femmes sont presque toutes des victimes innocentes et naïves !

La photographie et la mise en image sont magnifiques et reflètent une influence très italienne, type Argento. Lorsque par exemple la caméra filme un mur blanc sur lequel se reflète une lumière bleue. Ou lorsque Kim-Ji Woon effectue avec sa caméra de lents traveling dans et vers le repère du tueur, un trou noir dans un mur de briques. L'ambiance y est d'autant plus sombre grâce la bande originale qui est en contraste avec la brutalité des scènes, ce qui augmente l'intensité dramatique du film. L'esthétique tend ainsi dans son ensemble vers un spectacle somptueux.

J'AI RENCONTRE LE DIABLE n'est peut-être pas exactement un film "Fantastique" mais il a tout de même été plébiscité par les festivaliers de Gérardmer qui sont resté scotché à leur siège en raison de l'efficacité du métrage. Et justement, au Festival de Gérardmer, il a tout de même récolté trois prix, ceux du jury jeunes, du public et de la critique.

Rédacteur : Anne Barbier
2025 ans
22 critiques Film & Vidéo
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