Header Critique : LIVRE D'ELI, LE (THE BOOK OF ELI)

Critique du film
LE LIVRE D'ELI 2010

THE BOOK OF ELI 

Dans un futur indéterminé, après une guerre mondiale dévastatrice, l'Amérique du Nord est devenue un désert aride parcouru par des voyageurs errant et des pillards sans foi ni loi. Un homme seul arpente les routes, se déplaçant vers l'ouest. Son seul bien de valeur : un livre mystérieux dont il lit quelques pages chaque soir. Un livre dont Carnegie, le chef d'une bande de malfaiteurs, est convaincu qu'il s'agit d'un ouvrage qu'il recherche ardemment...

L'apocalypse, encore ! Il ne peut décidément plus s'écouler un mois sans que les salles obscures déclinent la fin du monde sous une nouvelle forme, avec encore tout récemment LA ROUTE ou 2012. Ce mois-ci, nous assistons à la sortie de LE LIVRE D'ELI, grand retour des frères Albert et Allen Hugues. Révélés par MENACE II SOCIETY en 1993, puis écartés du grand écran après l'accueil peu enthousiaste reçu par le gothique FROM HELL, ils reviennent donc au cinéma avec ce film post-apocalyptique, s'inscrivant clairement sur les traces du gros succès JE SUIS UNE LEGENDE et d'une certaine culture populaire pour adulte exposée dans les récents SIN CITY et 300. Clairement porté par Denzel Washington, vedette aux deux Oscars, LE LIVRE D'ELI donne aussi des rôles à des visages connus tels que Gary Oldman et Tom Waits (le DRACULA de Coppola), Jennifer Beals (LA PROMISE) ou Malcolm McDowell (ORANGE MECANIQUE).

Dès ses premières scènes, LE LIVRE D'ELI ne cache en aucune façon son inscription dans tout un réseau culturel pop et contemporain. Et cela dès la première confrontation entre Eli le voyageur et une bande de pillards sans pitié, confrontation, qui par ses dialogues ironiques et sa violence stylisée se rattache immédiatement au western italien et au film de samouraïs. Ces renvois s'avèrent parfaitement assumés plus avant dans le métrage, lorsqu'un personnage sifflote ostensiblement la musique d'IL ETAIT UNE FOIS EN AMERIQUE, ou encore par le biais d'une révélation finale renvoyant à un célèbre personnage cinématographique... Mais chut, n'en disons pas plus !

Le cinéma post-apocalyptique n'est pas oublié, comme le prouve cette affiche d'APOCALYPSE 2024 (A BOY AND HIS DOG en version originale) accrochée dans une chambre. Nous retrouvons les composantes classiques du genre, bien mises en place par divers titres tels que NEW YORK NE REPOND PLUS ou MAD MAX 2. Voyageur solitaire, pillards cruels, recherche de l'essence et de l'eau, ultra-violence, périple vers la mer au bord de laquelle une communauté civilisée est supposée encore exister.

Il est aussi bien difficile de faire abstraction de LA ROUTE, sorti à peine quelques semaines avant LE LIVRE D'ELI et dont nous retrouvons certains éléments, tel la bande de pillards assaillant les voyageurs sur la route, la maison isolée servant d'appât pour des cannibales, les décors d'une Amérique décolorée par la cendre, ces autoroutes désertes suspendues au-dessus des ruines d'une civilisation perdue...

Pourtant, par son ton, LE LIVRE D'ELI s'avère radicalement différent. Alors que LA ROUTE opte pour un réalisme très direct, confrontant le spectateur à ce que deviendrait son existence s'il devait survivre dans un tel monde, LE LIVRE D'ELI choisit une distance induite par un style délibérément plus stylisé, ne cherchant en aucun cas à masquer sa nature d'œuvre cinématographique de fiction, puisant ses sources dans un imaginaire populaire peuplé de westerns. Son héros bagarreur se voit ainsi capable des plus étonnantes prouesses martiales au cours de combats ne renâclant jamais à l'étalage de violence gratuite ! Un passage tel que la maison des cannibales peut être tétanisant par sa crudité dans LA ROUTE ; il devient agrémenté de touches largement comiques et grinçantes dans LE LIVRE D'ELI !

Au-delà du monde d'Eli, il y a aussi son livre, enjeu de tous les affrontements et des convoitises. LE LIVRE D'ELI se voit alors approfondi par une thématique d'anticipation évoquant un monde de la raréfaction de l'écrit. Si, traditionnellement, dans les visions du futur post-apocalyptique, les «méchants» ne sont pas très portés sur la littérature, le livre devient ici porteur de l'avenir, le savoir s'avère un enjeu convoité par les ambitieux, que leurs intentions soient louables ou non. En effet, la connaissance est une pièce a deux faces. La puissance de l'écrit peut être utilisée indifféremment pour faire le bien et le mal. Avouons-le, si nous avons été séduit par la restitution de ce monde entre western et anticipation, par ses personnages fort en gueule et ses moments d'action virtuose, la partie philosophique de LE LIVRE D'ELI nous a paru moins convaincante, ayant un peu de mal à négocier son arrivée à un final un brin édifiant.

Cette réserve n'enlève toutefois que peu de choses à ce spectacle violent et entraînant, filmé dans un scope souvent virtuose par les frères Hugues. Entre humour noir et action très tranchante, LE LIVRE D'ELI, malin et efficace, parlera certainement au nostalgique des années Mad Max et des westerns «all'italiana» sommeillant au fond de chaque cinéphile !

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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