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Critique du film
CINEMAN 2009

 

Régis Deloux, professeur de mathématiques sévère et solitaire, découvre par hasard une broche magique permettant de se retrouver dans les univers de divers films célèbres. Un curieux individu lui apprend qu'il doit secourir Viviane Cook, actrice d'une aventure de Sissi, kidnappée et entraînée dans un autre film...

Comme le révèlent ces quelques lignes, CINEMAN est une comédie fonctionnant sur le schéma classique du personnage parachuté dans un monde très différent du sien. Il se retrouve alors tel un poisson hors de l'eau ! Les exemples comparables sont multiples : le héros d'un vieux film se retrouve dans le New York d'aujourd'hui (LA ROSE POURPRE DU CAIRE), une princesse de conte de fées vit la même situation (IL ETAIT UNE FOIS), un dessinateur de BD tombe dans l'univers de ses créations (COOL WORLD ou MONKEYBONE), ou inversement, un personnage dessiné s'évade de son comic strip (BRENDA STARR)... Le film dont le principe de CINEMAN se rapproche le plus est à l'évidence LAST ACTION HERO, dans lequel un garçonnet se voit remettre un ticket magique grâce auquel il peut rentrer dans l'univers des films de son idole, incarnée par Arnold Schwarzenegger...

Loin de cette filmographie très américaine, CINEMAN louche vers le ton léger de la comédie française. Sans doute faut-il voir ses sources les plus directes dans des classiques nationaux comme FRANCOIS PREMIER - Fernandel s'y voit précipité au temps de la Renaissance - ou surtout LE MAGNIFIQUE : Belmondo incarne un écrivain nageant entre la réalité et ses mondes imaginaires.

CINEMAN est écrit et réalisé par Yann Moix, auréolé du triomphe populaire rencontré par la comédie PODIUM. Mais la production de CINEMAN connaît bien des déboires. Benoît Poelvoorde, initialement prévu pour le rôle de Régis Deloux, est remplacé au dernier moment par un autre comique populaire : Franck Dubosc. Le budget sera pharaonique, le directeur de la photographie change en cours de route, la postproduction s'éternise, endeuillée, qui plus est, par le tragique suicide de la jeune actrice anglaise Lucy Gordon.

CINEMAN permet donc à son personnage principal de traverser divers moments de cinéma. Si de nombreuses références sont dispersées dans tout le métrage, les épisodes principaux verront alors Franck Dubosc adopter principalement les rôles de Robin des Bois, Barry Lyndon, l'Homme Sans Nom des westerns de Sergio Leone, ou Tarzan l'homme singe.

Les moyens techniques sont à la hauteur du défi. Il est difficile de faire la fine bouche devant des reconstitutions très soignées d'une ville de Western spaghetti, de la forêt de Sherwood ou de la campagne anglaise du XVIIIème siècle.

Pourtant, CINEMAN peine singulièrement à trouver le ton juste. Après un générique, inspiré des aventures burlesques de Harold Lloyd, invitant à une fantaisie assez légère, nous atterrissons dans une comédie franchouillarde dont l'humour paraît hésitant. La vulgarité se fait par instant franchement sinistre. «On dirait qu'un yéti t'a chié sur la tête» déclare le personnage de Viviane Cook à un Cinéman arborant l'iroquoise du TAXI DRIVER. Ou encore, après avoir copieusement uriné sur son adversaire, un méchant déclare «Tu peux t'estimer heureux que je n'ai pas envie de chier». Pour la magie du cinéma, on repassera !

Franck Dubosc n'est pas toujours à l'aise dans le rôle d'un personnage cassant et arrogant, à l'évidence écrit pour Benoît Poelvoorde. Ce qui fait de son incarnation d'un professeur de mathématiques très humiliant envers ses élèves une prestation qui ne convainc pas toujours. Certains passages s'avèrent franchement inégaux. Le Western ennuie par ses péripéties prévisibles ou ses choix musicaux déplacés. La visite au temps de CLEOPATRE s'avère d'une parfaite inutilité. Et que dire des aventures de Tarzan, totalement consternantes avec leur homme-singe se déplaçant à l'envers ou combattant, dans un summum d'hystérie, un jaguar récalcitrant...

Le ratage pourrait être total si Yann Moix ne proposait pas quelques idées faisant sortir son film des conventions trop prévisibles. L'ambiance surréaliste du lycée Alfred Jarry étonne, tandis que certains – courts – passages trouvent le ton approprié. Régis Deloux prend le train du VOYAGE À TRAVERS L'IMPOSSIBLE de Méliès, avec le rock de King Crimson en accompagnement. Ou encore, la fin plonge dans la féerie orientale du VOLEUR DE BAGDAD version Fairbanks… Ces éclairs de poésie révèlent ce qu'aurait pu être CINEMAN sans ses longueurs, ses maladresses et ses débordements bassement franchouillards. Ne sachant pas trop que choisir entre l'écran merveilleux et la gaudriole démagogique, entre l'étoile et l'étron, CINEMAN ne laisse alors transparaître qu'en filigranes les traces du beau film qu'il aurait pu être…

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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