Le détective privé Charlie Jade est amené à enquêter sur une affaire où serait impliqué le fils de Byron Boxer, président de la société Vexcor. En le suivant aux alentours d'une installation isolée appartenant à Vexcor, il est pris dans une explosion qui rase toute la zone. Mais Charlie Jade n'est pas mort, il a été transporté dans un univers parallèle. Là, il va tout faire pour retourner dans son monde alors que Vexcor semble ourdir un maléfique projet lié à trois univers : Alphaverse, Betaverse et Gammaverse.
CHARLIE JADE est le fruit de deux producteurs. Robert Wertheimer est né à Montréal, au Québec, et va obtenir un diplôme à l'université de Vermont. Il débute sa carrière cinématographique il y a une trentaine d'années, en 1977, avec de petits boulots avant de gravir les échelons. Ainsi, il fera partie très modestement de l'équipe technique du CHROMOSOME 3 de David Cronenberg ou encore du INCUBUS de John Hough. Il va aussi œuvrer sur différentes séries télévisées produites au Canada comme VENDREDI 13 ou ROBOCOP. Le second producteur s'appelle Chris Roland et est, quant à lui, basé en Afrique du Sud bien qu'originaire des Etats-Unis. Il a pas mal bourlingué et a bossé sur la série LEXX ou produit THE BONE SNATCHER. Avec un pied dans les deux pays, CHARLIE JADE va devenir une coproduction en partenariat entre le Canada et l'Afrique du Sud. Ainsi, une grande partie du tournage sera réalisé en Afrique et plus particulièrement au Cap et à ses alentours. La distribution mélangera naturellement des comédiens originaires de ces deux pays.
Très ambitieux, la série va prendre, en réalité, la forme d'un feuilleton nécessitant de suivre chacun des épisodes si l'on ne veut pas être déconcerté par la suite. En effet, CHARLIE JADE brasse des personnages dans trois univers parallèles différents tout en suivant une intrigue mêlant tous les protagonistes. L'influence est assez claire, la série s'inspire pas mal de BLADE RUNNER, du moins pour ce qui est de l'univers Alphaverse. On y retrouve ainsi un monde à l'urbanisation ultra développée où s'affichent des publicités vidéo sur les façades des immeubles. L'inspiration ne s'arrête pas vraiment au design des décors mais se poursuit avec par exemple un personnage de policier qui n'est pas sans rappeler celui interprété par Edward James Olmos dans le film de Ridley Scott. La référence est de taille mais s'écarte assez vite de son modèle en développant de nombreux thèmes ancrés dans notre propre actualité. CHARLIE JADE parle, entre autres, de terrorisme et particulièrement du 11 septembre avec un attentat à grande échelle, moteur déclenchant de l'intrigue, alors que Guantanamo Bay est évoqué de manière très fugace par la mention d'une prison isolée sur une île lors d'un épisode. Pour un programme télévisée, on sera d'ailleurs surpris par certains passages assez crû en ce qui concerne la violence. L'un des personnages sera ainsi violé et torturé sans que le scénario n'élude les faits. De même, CHARLIE JADE, dont l'action se déroule au Cap, fait nettement allusion à l'apartheid. Autant dire que les intrigues ne prêtent pas spécialement à sourire en brodant sur ces thèmes trois univers qui sont des facettes de notre monde actuel. Betaverse est, à l'évidence, notre monde alors que les deux autres en proposent des alternatives très pessimistes (Alphaverse) ou plutôt optimiste (Gammaverse). En ce sens, Gammaverse fait office de vision idyllique de notre monde où les résidents vivent au milieu d'une nature luxuriante tout en roulant en Mégane de chez Renault. Si c'est pas le paradis, qu'est ce que c'est ? Evidemment, pour un public hors de France, cette voiture peut paraître un temps soit peu exotique ou futuriste. Mais en France, elle évoque très nettement un souci de taille. CHARLIE JADE, malgré son énorme potentiel, tombe très souvent dans le piège du kitsch. Voulant donner une identité particulière aux épisodes, le montage abuse d'effets de styles abusifs : répétition de lignes de dialogue, montage en parallèle de séquences souvent sans intérêt, jump-cut… De prime abord louable, la profusion d'effets devient rapidement plus gavantes que réellement attrayantes. Autre choix de mauvais goût, le personnage maléfique central est un dandy décadent faisant tout et n'importe quoi à l'écran et ce jusqu'au ridicule. Mais le plus dérangeant, c'est que ce personnage nous est manifestement présenté comme aimant faire la fête tout en étant bisexuel, donc forcément déviant, face à des personnages «gentils» plus posés et évidemment hétéros. Autant dire que cela manque de subtilité !
Pourtant, CHARLIE JADE a des qualités qui auraient certainement mérité un traitement moins «lourd». La description des trois univers donnait déjà un cachet particulier à la série en proposant un traitement graphique propre à chacun (verdâtre pour Alphaverse, bleuté pour Betaverse et couleurs abondantes pour Gammaverse). L'intrigue en elle-même n'est pas des plus compliquée, même s'il reste de grosses zones d'ombres, et elle aurait certainement gagné en clarté en se dépareillant de ses oripeaux exagérés. Car inutilement compliqué par les effets de styles, l'histoire prend assez vite des airs d'usines à gaz pour finalement pas grand chose. Néanmoins, on passera sur les incohérences des scénarios pour y revenir à l'occasion du deuxième volume de CHARLIE JADE. Mais en l'état, CHARLIE JADE fait surtout penser à un gros gâchis très indigeste.
Les vingt épisodes originaux de CHARLIE JADE sont commercialisés par Emylia sous la forme de deux volumes de cinq DVD chacun. Il y a donc deux épisodes par disques. Chacun d'entre eux est proposé en version originale ou avec le doublage français réalisé au Québec. On peut s'en apercevoir au travers de quelques rares expressions utilisées ici ou là comme «Tu goûtes bien». Mais, honnêtement, en dehors de ces expressions particulières au Canada francophone, le doublage ne montre pas autant que cela ses origines. Si l'on insiste sur ce doublage français, c'est qu'il n'y a pas de sous-titrage sur la version originale anglaise. L'éditeur ayant probablement choisi de ne pas proposer de traduction pour des raisons économiques. En tout cas, les deux pistes sonores, présentées en stéréo, sont d'égales qualités techniques avec une bonne répartition des canaux et donc une dynamique stéréo très réussie.
L'image est proposée au format 16/9, format d'origine de la série, et ne pose pas particulièrement de souci. Seul regret, la compression n'est pas toujours discrète et des problèmes numériques viennent ternir l'ensemble. En suppléments, chacun des disques contient des bandes-annonces des autres programmes diffusés par l'éditeur en DVD. Mais pour un contenu plus directement lié à CHARLIE JADE, il faut se reporter sur le cinquième disque de ce premier volume qui contient deux making-of. Les deux sont proposés sans aucun sous-titrage ce qui va poser quelques soucis de compréhension à ceux qui ne parlent pas l'anglais. Le premier évoque l'univers de la série sur à peu près cinq minutes. Le second s'intéresse plus particulièrement aux personnages pour une durée d'un peu moins dix minutes. Ce dernier segment inclut d'ailleurs un très rapide bêtisier. Les deux making-of sont un amalgame d'extraits de la série, d'interviews des créateurs et des acteurs ainsi que de scènes de tournages. Titré «Making-of 1» et «Making-of 2», il faudra se reporter sur le deuxième volume de la série pour découvrir un «Making-of 3».