Il y a des années de cela, le super calculateur Kyron 5 a décidé de voler de ses propres ailes et a déclaré la guerre à ses géniteurs, les hommes. Forcément attristé par un tel comportement, l'ONU a alors répliqué en envoyant un escadron de Gunhed éradiquer l'ordinateur rebelle. Cette opération ne fût pas un véritable succès mais permit au moins de cloîtrer Kryon 5 sur une île déclarée sinistrée… Reste qu'en 2038, cette île représente une source inespérée de revenus grâce aux centaines de carcasses de Gunhed abandonnées. Une poignée de mercenaires décide donc d'investir les lieux afin de récupérer de précieuses pièces détachées. Bien évidemment, ce pillage en règle ne fera qu'éveiller la rage d'un Kryon 5 qui commençait sérieusement à se tourner les pouces, seul sur son île.
A la fin des années 80, la Tôhô décide de créer une nouvelle franchise en mettant en scène des robots géants pilotés par des humains. Pour cela, elle s'associe à la célèbre Sunrise, une société de production spécialisée dans les films ou séries d'animation (GUNDAM, VISION D'ESCAFLOWNE, etc.). Ensemble, les deux firmes lancent la mise en chantier du long métrage GUNHED mais s'assurent aussi la création d'œuvres transverses. «Gunhed» sera donc aussi le nom d'un manga dessiné et scénarisé par le grand Asamiya Kia. Malgré la plume du papa de «Silent Möbius», cette oeuvre de papier ne laissera pas une trace indélébile et l'aventure prendra fin après la parution d'un unique volume… Dans un autre registre, «Gunhed» deviendra en 1989, la même année, un jeu vidéo destiné à la console PC Engine de NEC. Nommé «Blazing Lazers» aux Etats-Unis, le jeu sera développé par la société «Compile» sous la direction de «Hudson Soft». Le résultat s'avère particulièrement convaincant et les géniteurs de l'excellent «Aleste 2» nous livrent ainsi un jeu de tir connu et reconnu comme l'un des meilleurs de la console. Mais ce n'est bien évidemment pas la qualité de ces produits annexes qui va sceller le sort de ce qui aurait pu être la première saga cinématographique «live» (entendez par là «non-animé») dédiée aux Mechas…
Rappelons tout d'abord que le concept de «Mecha» est apparu pour la première fois dans le manga «Mazinger Z» avant de rapidement prendre vie dans la série animée éponyme. Le terme, devenu un sous-genre à part entière, désigne en réalité une armure robotisée pilotée par un individu humain. L'armure épousera la plupart du temps une structure humanoïde (torse, bras, jambes et tête) pour une taille pouvant aller de deux à plusieurs dizaines de mètres. Le concept de Mecha fera donc, dès l'aube des années 70, les beaux jours des mangas et animés avec notamment les bien connus GOLDORAK, ROBOTECH et autres PATLABOR. Malgré le succès de ces engins et la folie visuelle qui découle de leur utilisation guerrière, les Mechas resteront particulièrement discrets dans le cinéma dit «live»… James Cameron décuplera bien évidemment la force du personnage de Ellen Ripley en 1986 en la vêtant d'un exosquelette (nom alternatif du mecha inventé par l'écrivain Robert A. Heinlein et hérité du squelette externe des crustacés et insectes) lui permettant de vaincre la reine des ALIENS. Dotés d'une apparence très similaire, les APU (pour «Armoured Personal Unit») de MATRIX REVOLUTIONS permettront pour leur part de sauvegarder au mieux une Zion mise à mal par les machines. On pourra aussi évoquer LES GLADIATEURS DE L'APOCALYPSE de Stuart Gordon mis en boîte à l'aube des années 90. S'éloignant légèrement du concept strict de Mecha (ils ne sont pas pilotés par l'humain), les robots du TRANSFORMERS de Michael Bay assureront un spectacle friqué mais imbuvable alors que ceux de TRANSMORPHERS opteront pour approche fauchée et navrante… A ces robots autonomes humanoïdes, nous pourrons ajouter pour finir de manière non exhaustive celui du britannique DEATH MACHINE ou encore l'impressionnant Cain de ROBOCOP 2…
En 1989, GUNHED («Gun Unit Heavy Elimination Device») avait donc tout pour ouvrir la voie à un genre cinématographique nouveau et particulièrement graphique. Consciente de cela, la Tôhô confie la réalisation à Masato Harada, lequel fut critique de cinéma avant d'embrasser la carrière de réalisateur. L'homme a la particularité de participer quasi-systématiquement à l'écriture des scripts qu'il mettra en scène, s'assurant ainsi un certain contrôle sur ses œuvres. La démarche est payante puisqu'elle lui permet de se distinguer dès ses premiers travaux, faisant de son MELODIE POUR UN YAKUZA, par exemple, un étonnant succès critique. Sur le tard, en 2003, Masato Harada révélera par ailleurs un don insoupçonné pour la comédie en interprétant un puissant Omura dans LE DERNIER SAMOURAI de Edward Zwick… Fidèle à ses habitudes, l'homme œuvre donc sur GUNHED dès la conception du projet. Il adapte ainsi un premier jet scénaristique datant de 1996 et signé Jim Bannon, lequel devra se contenter par la suite d'une discrète carrière de scénariste (on lui doit le script du «Die-Hardesque» POINT BLANK avec Michey Rourke).
Afin de donner vie aux Mechas du métrage, on adjoint à Masato Harada les bons services du grand Shôji Kawamori. Difficile de proposer mieux en réalité puisque le bonhomme n'est autre que celui qui a créé le design des magnifiques Mechas des films ou séries animées MACROSS, PATLABOR, GUNDAM, VISION D'ESCAFLOWNE et plus récemment EUREKA SEVEN ! Autant dire que l'image du Mecha telle que nous la connaissons aujourd'hui doit énormément aux travaux de Shôji Kawamori… La bande originale sera pour sa part signée Toshiyuki Honda dont les travaux ont illuminés l'excellent OVA (Original Video Animation) TOKYO BABYLON et bien évidemment le METROPOLIS de Rintaro. Encore une fois, l'homme nous livre pour GUNHED une partition de qualité, puissamment guerrière et héroïque. En de nombreux instants, elle prend même le pas sur les images et impose une personnalité étonnante au film…
Malheureusement, tous les acteurs du projet GUNHED n'auront pas la même liberté artistique que Toshiyuki Honda. En effet, la mauvaise gestion du budget global alloué aura vite raison des ambitions de chacun. Alors qu'il avait tout pour créer la surprise et devenir une référence, le métrage prend dès lors très vite des allures de téléfilm de luxe lorgnant même bien souvent du côté du Bis pur et simple ! Un comble pour un métrage aussi ouvertement pensé pour l'international. Une bonne part du casting s'avère être en effet d'origine américaine et la moitié des dialogues du film sont récités en anglais. Le module vocal du Gunhed lui-même s'exprime dans la langue de Shakespeare avec du reste une désinvolture proche de celle du Kit de la série K-2000. Le spectateur occidental devrait donc être à l'aise avec ce GUNHED qui le flatte dans le sens du poil en multipliant les références au cinéma fantastique américain. Parmi celles-ci, nous citerons bien évidemment le TERMINATOR de James Cameron dont le Skynet est ici simplement renommé Kryon 5. Le premier tiers du métrage emprunte pour sa part énormément à la saga ALIEN et, plus particulièrement, au second opus...
Perdus dans un environnement futuriste et industriel labyrinthique, une poignée de mercenaires erre donc dans une zone qu'ils savent particulièrement périlleuse. Armés jusqu'aux dents, ils vont cependant se faire décimer un à un. Tout comme le faisait James Cameron en 1986, Masato Harada laissera son héros en compagnie d'un enfant ayant survécu en ces lieux particulièrement inhospitaliers, grâce à son intelligence et à sa grande connaissance des lieux. Malgré la «grossièreté» de la contrefaçon, cette mise en bouche s'avère assez convaincante et campe rapidement une brochette de personnages atypiques et plutôt attachants. Le vieux mécanicien côtoie ainsi le baroudeur ronchon alors que la jeune femme des Texas Air Ranger doit rivaliser avec une pilote rafistolée aux implants ! Les enjeux sont relativement clairs et le danger, imperceptible bien qu'omniprésent, s'impose comme une évidence aux yeux du spectateur. Les disparitions se multiplient et certaines morts s'avèrent aussi rapides que saignantes.
Pourtant, bien vite, le concept montre ses limites et vient le moment d'oublier le suggestif pour aborder le démonstratif. Entendez par là que notre valeureux héros va prendre les commandes d'un sympathique Gunhed bourré d'armes et de gadgets… Bien que particulièrement massif et indéniablement réussi dans son design, le Mecha déçoit malheureusement en de nombreux points. Son mode de déplacement (il roule là où l'on aurait aimé le voir marcher) et son aspect fragile s'ajoutent à une mise en scène désespérément plate et étriquée. Le robot devra ainsi se contenter de quelques couloirs comme seuls lieux de villégiature et ne contrera que de maigres mitrailleuses automatiques dissimulées ça et là… Près d'une heure durant, on assiste alors à une véritable démonstration technique de ce dont est capable le monstre de métal tant attendu : Il roule, se transforme en char d'assaut, se déplace dans l'eau, se treuille et pique des sprints à l'aide d'une rétro-fusée… Des aptitudes certes appréciables mais qui peinent à maintenir éveillé sur la durée. Les paroles défaitistes du Mecha dépressif n'arrangent rien et alors que lui doute qu'il y ait un espoir de survie, le spectateur commence à remettre en question l'intérêt général de la chose. Très vite, c'est le sentiment de «gâchis» qui prend le pas. L'environnement industriel et tentaculaire soigné n'y peut rien, pas plus que l'esprit résolument cyberpunk qui habite le film. Les machines jouent d'égal à égal avec l'homme, la guerre au doux parfum d'apocalypse évoque bien évidemment TERMINATOR 2 et cette «décharge» de robots en pièces nous ramène directement aux meilleurs moments du manga Gunnm de Yukito Kishiro… Reste que tout cela n'est que peu exploité et que l'apparence «fauchée» du métrage ainsi que ses énormes problèmes de rythme finissent par masquer les brillantes bases du projet GUNHED.
Le final tant attendu confirme malheureusement ce sentiment général et le duel qu'il propose relève d'avantage du brouillon que du titanesque. On distingue là encore très clairement un Mecha des plus soignés prenant pour apparence celle d'un gigantesque scorpion de métal. Mais à nouveau, ce ne sont là que d'excellentes bases au service d'une mise en image décevante car bien trop avare en spectaculaire. Les armes lourdes crachent du plomb à l'infini et la queue de l'arthropode martèle sans relâche mais l'impact est ici encore réduit à néant par une succession de gros plans factices nous détachant paradoxalement de l'action… Le manque de moyens mis en œuvres semble évident mais il ne saurait être tenu pour seul responsable. GUNHED, malgré son incroyable potentiel, ses artisans prestigieux et quelques bonnes idées, s'avère être un malheureux échec... Est-ce ce constat qui poussera Masato Harada à supprimer son nom du générique américain pour le remplacer par celui d'Alan Smithee (pseudonyme utilisé par les réalisateur honteux ou en désaccord avec le résultat final) ? Nous n'en savons rien. Quoiqu'il en soit, Masato Harada ne devait pas être très net le jour où il a décidé de nous proposer un héros bouffant des carottes comme s'il était un Clint Eastwood Leonien mâchouillant son cigarillo…
Nous avions déjà évoqué dans notre chronique de TOKYO, THE LAST MEGALOPOLIS la fin de la tristement célèbre société Initial. Celle-ci avait à l'époque usé d'un logo dont elle n'avait pas les droits et ce sur deux VHS françaises... Le second titre concerné était GUNHED, qui ne resta alors que quelques jours dans les linéaires. La plupart des personnes ayant découvert le métrage l'ont fait via cette vidéo de mauvaise qualité, particulièrement sombre et dotée d'un doublage français lamentable et incohérent. Tout comme le métrage de Akio Jissoji, celui de Masato Harada n'eut jamais la chance d'une réédition francophone... Pour découvrir GUNHED aujourd'hui, il faudra donc se tourner vers l'import, ce que nous avons fait avec le disque ici chroniqué provenant des Etats-Unis.
Edité par ADV Films, spécialiste américain des films d'animation, ce DVD nous invite à découvrir le métrage via une copie qui, si elle est loin d'être transcendante, s'avère bien plus lisible que notre déplorable VHS. Les scènes jadis sombres révèlent ici le robot dans toute sa hauteur et les quelques séquences d'action du film deviennent enfin déchiffrables. L'image est au format 1.85 respecté mais l'encodage 4/3 quelque peu bâclé n'offre qu'une très faible définition. Les couleurs sont par ailleurs passées et les contrastes se montrent particulièrement décevants. En clair, cette copie s'avère juste «moins pire» que celle de la VHS française d'époque... Concernant les pistes sonores, nous aurons le choix entre la piste d'origine et le doublage anglais. Comme dit plus haut, la piste d'origine est mi-japonaise, mi-anglaise. Les sous-titres anglais jaunes et amovibles n'apparaissent donc que lors des passages en japonais. Pour ce qui est du doublage anglais, seuls ces mêmes passages seront doublés et ce de manière plutôt correcte. Quelle que soit la piste pour laquelle vous opterez, le stéréo se montrera clair même si peu démonstratif.
Du côté des bonus, l'édition se montre légère mais propose tout même le trailer japonais de l'oeuvre. Nous pourrons par ailleurs découvrir six bandes annonces en version anglaise destinées à mettre les produits «ADV Films» en avant. Les Mechas seront là encore à l'honneur avec GRAVION, NEON GENESIS EVANGELION et MARTIAN SUCCESSOR NADESICO. Les petits curieux remarqueront peut être que chacune de ces bandes annonces dispose d'une piste anglaise et d'une autre reconnu comme japonaise par les lecteurs DVD. En réalité, les deux pistes stéréo débitent invariablement le même signal anglais ! De même, les sous-titres disponibles n'affichent tout simplement rien... L'éditeur a par ailleurs le bon goût de proposer une jaquette réversible proposant deux visuels bien distincts. Dans le même esprit, un petit flyer inséré dans le boîtier donne la possibilité de s'instruire quelque peu avec deux schémas techniques représentant le Gunhed de face et de profil. Son armement ainsi que ses spécificités sont ainsi détaillés pour le plus grand bonheur des fans... mais y'en a t'il ?