Surpris par les demandes de retouches au millimètre qui lui sont demandées par plusieurs de ses clientes, un chirurgien esthétique s'avère encore plus étonné lorsqu'il apprend le décès de plusieurs d'entre elles. Il va alors mener son enquête en suivant un mannequin qu'il vient justement d'opérer selon les mêmes critères pointilleux…
Au début des années 80, Michael Crichton s'est déjà forgé un nom en tant qu'auteur de livres mais aussi de cinéaste. Après avoir réalisé LA GRANDE ATTAQUE DU TRAIN D'OR d'après son propre livre, il a le projet d'adapter Congo, un ouvrage qu'il vient alors de faire paraître. Toutefois, ce projet n'aboutira pas ce qui force Michael Crichton à trouver une solution de rechange. Il propose alors LOOKER qu'il écrit spécialement pour le cinéma. Radicalement différent de l'aventure africaine de Congo, adapté très librement une quinzaine d'années plus tard, LOOKER fait office de projet moins ambitieux. Le film n'est pas sans rappeler, par ailleurs, MORTS SUSPECTES mise en scène peu auparavant par Michael Crichton d'après un livre de Robin Cook. Que ce soit dans MORTS SUSPECTES ou LOOKER, on suit un chirurgien menant une enquête à propos des décès étranges de patients. Le parallèle ne s'arrête pas là puisque dans les deux cas, un tueur mystérieux et sans nom, poursuit le personnage principal. Ce dernier va découvrir l'existence d'une société aux activités particulières dont il visitera les installations de manière officielle avant d'y retourner en catimini. La structure de MORTS SUSPECTES et LOOKER s'avère très proche mais le sujet principal change quant à lui radicalement !
Cette fois, Michael Crichton s'intéresse aux médias et à la publicité. L'occasion pour le cinéaste d'extrapoler sur les futures technologies de l'image. Ainsi, il montre à l'écran la possibilité de réaliser un acteur de synthèse après digitalisation d'un modèle humain. Anticipation ou science-fiction au début des années 80, la technique semble aujourd'hui anodine ou, en tout cas, dans l'ordre du possible. Comme dans la plupart de ses films et ouvrages, le cinéaste truffe son intrigue de gadgets qui sont devenus aujourd'hui monnaie courante : carte d'accès magnétique, robots d'entretien… Autant d'ingrédients qui donnent à LOOKER son cachet de thriller technologique un peu en avance sur son temps. Il en est de même en ce qui concerne les thèmes principaux du film où Michael Crichton cherche manifestement à interpeller le spectateur face à l'intégration grandissante de la télévision et de la publicité dans notre quotidien. Plus de vingt cinq ans plus tard, LOOKER n'a, à ce niveau là, pris aucune ride en montrant par exemple l'image caricaturale d'un couple regardant une émission de télévision qui fini par prendre une telle importance qu'ils ignorent la présence de leur propre fille. Plus que la télévision, Michael Crichton s'intéresse aussi aux rouages de la publicité et sur les techniques très poussées utilisées par les publicitaires de manière à «contrôler» le consommateur. Bien évidemment, LOOKER grossit le trait à l'extrême jusqu'à exposer une histoire de manipulation des masses au travers de la télévision. Précurseur en ce qui concerne certaines des idées et technologies présentées à l'écran, LOOKER ouvre un peu la voie à d'autres métrages utilisant à divers niveaux le thème de la télévision ou de la télévision. Ainsi, le complot publicitaire au cœur de HALLOWEEN III : LE SANG DU SORCIER ou l'abêtissement des masses dans INVASION LOS ANGELES utilisent des ficelles communes à ce que LOOKER présentera quelques années auparavant. Dans un registre totalement différent, on s'étonnera aussi de constater que Richard Donner proposera dans L'ARME FATALE une scène de chute mortelle très similaire à celle du film de Michael Crichton. En tout cas, si LOOKER ne se hisse pas au niveau d'une œuvre aussi radicale que VIDEODROME, on peut difficilement lui ôter son statut de précurseur dans son domaine au même titre que la satire au vitriol de Sidney Lumet, NETWORK.
Néanmoins, LOOKER peut difficilement se parer du titre de chef d'œuvre. Le sujet sous-jacent du film s'avère plutôt bien traité mais l'intrigue en elle-même pose quelques soucis. Par exemple, il est assez difficile d'appréhender les raisons qui poussent à tuer les mannequins. Pareillement, les indices laissés par le tueur pour accuser le chirurgien d'un assassinat sont rapidement inexploités. Mais, une partie du mystère réside dans les minutes coupées au montage avant la distribution du film dans les salles. Ces passages absents ont toutefois été vus dans une version longue du film diffusés à la télévision. Là, le vilain de l'histoire expliquait ses motivations à nos deux héros avant que ceux-ci ne s'échappent par les toits. Privé de cette scène, le déroulement de LOOKER perd un peu de sa logique. La réalisation du film est, quant à elle, assez classique et ne brille pas vraiment. Heureusement, Michael Crichton se rattrape avec plusieurs idées étonnantes. Le cinéaste fournit à son tueur une arme futuriste très particulière qui donne lieu à plusieurs scènes très mémorables du film. Bien plus inspiré pour filmer ces passages, Michael Crichton déploie alors une certaine ingéniosité dans sa mise en scène. Dans le même ordre d'idée, l'épilogue dans le studio de télévision va, lui aussi, beaucoup jouer avec l'image dans l'image de façon très astucieuse pour l'époque. Ces moments d'ingéniosité visuelle couplés aux thèmes et idées développées dans le film rattrapent largement l'aspect un peu plus posé et rigide du reste du métrage.
Sur tous les films qu'il a pu réaliser, Michael Crichton a souvent eu la chance de s'entourer de grandes figures hollywoodiennes confrontées à des acteurs plus jeunes qui deviendront parfois très connus par la suite. Ben Gazzara et E.G. Marshall face à Martin Sheen dans PURSUIT, Yul Brynner dans MONDWEST, Richard Widmark confronté à Geneviève Bujold et Michael Douglas dans MORTS SUSPECTES, Sean Connery et Donald Sutherland pour LA GRANDE ATTAQUE DU TRAIN D'OR… Dans le cas de LOOKER, il va opposer deux grands acteurs d'horizons différents. Le Britannique Albert Finney se retrouve ainsi face à l'Américain James Coburn dont la carrière l'a mené devant les caméras de John Sturges, Sam Peckinpah ou Sergio Leone. Face à ces deux grands acteurs, le reste du casting a bien du mal à s'imposer que ce soit Susan Dey, Leigh Taylor-Young ou encore Tim Rossovich en tueur patibulaire décidément pas très doué. L'interprétation reste honnête et donne au passage l'occasion de découvrir Susan Dey dans le plus simple appareil lors d'une séquence technologique sur fond de musique classique. Le reste de la bande originale, composé par Barry De Vorzon, sera bien plus synthétique voire très connoté années 80 sans que cela soit véritablement gênant pour ce film dont les thèmes n'ont rien de daté !
Aquarelle sort LOOKER dans un transfert 16/9 au format cinéma respecté (2.35) évitant au film un vilain recadrage sauvage. Pour autant, il semblerait que Warner, qui fourni la copie du film, n'a pas fait un gros travail sur ce métrage. En effet, on peut déceler ici ou là des tâches ou de petits défauts de pellicule. Le transfert présente une image mâtinée d'un grain très 80s qui aurait sûrement pu être un peu plus affiné. Rien de grave, cela donne en quelque sorte une expérience plus «cinéma» à la vision de ce DVD. La sonorisation se fait au choix avec une piste en stéréo surround pour la version originale anglaise ou grâce à une bande-son mono pour le doublage français. D'époque, les deux pistes ne font pas de miracle mais ne présente pas vraiment de défaut. La version originale, proposée avec un sous-titrage français, est bien plus dynamique que le doublage francophone un peu plat.
En bonus, on peut découvrir une introduction de Michael Crichton qui revient sur LOOKER en près de cinq minutes. Sympathique mais pas mirobolant, on retrouvera le cinéaste sur un commentaire audio un peu mou. Michael Crichton essaie de meubler en parlant des acteurs ou des contraintes de tournage mais sur la longueur, on sent bien qu'il n'est pas, ce jour là, très inspiré. Revenant plusieurs fois sur les mêmes informations comme la différence de rythme entre les films de l'époque et ceux d'aujourd'hui, il ne propose pas le meilleur commentaire audio entendu sur un DVD. Bien qu'il évoque le fait qu'aujourd'hui, il couperait dans son métrage pour lui donner plus de rythme, il ne parle pas des scènes qui ont été abandonnées à l'époque. Des scènes coupées qui ne sont pas non plus sur le DVD de toutes façons. Pour terminer l'édition, on pourra revoir la bande-annonce sous-titrée, comme tous les autres suppléments, en français !