Six amis décident de se retrouver plusieurs années après s'être quelque peu perdus de vue. Pour cela, ils comptent bien profiter du yacht de l'un d'eux et aller parfaire leur bronzage en pleine mer. L'ambiance est au beau fixe et la joyeuse bande barbotte le sourire aux lèvres, échangeant blagues douteuses et souvenirs... Sauf que quand vient l'heure de se mettre au sec, c'est la tuile : Personne n'a songé à abaisser l'échelle du bateau ! Dès lors, il semble impossible de remonter à bord et bien vite, les plus faibles fatiguent. Alors que certains menacent donc de couler, la colère et les vieilles rancoeurs refont surface chez d'autres…
En 2003, Chris Kentis cumulait les casquettes en devenant scénariste, monteur, réalisateur et directeur de la photographie de OPEN WATER, son second film. L'idée du bonhomme est alors de mettre en scène les mésaventures d'un couple oublié en pleine mer lors d'une banale excursion… Avec un horizon désespérément vide et seulement deux protagonistes à l'écran, Kentis instaure (ou tente d'instaurer) une véritable tension, une peur de l'eau et, bien évidemment, des dangers qui l'habitent. Afin d'appuyer son propos et d'impliquer un peu plus encore le spectateur, l'homme déclare même s'être basé sur «une histoire vraie». Il ne s'agit bien évidemment pas là d'un concept nouveau et ceux qui ont vu OPEN WATER pourront même sourire d'une telle affirmation ! Reste que la recette fonctionne honorablement et que les scénaristes Adam Kreutner et David Mitchell ont dû s'en souvenir lorsqu'ils ont rédigé le script de DERIVE MORTELLE…
Projet d'origine allemande, DERIVE MORTELLE ponctionne donc beaucoup du métrage de Chris Kentis. Toujours sur base de faits réels, sans doute transfigurés à l'extrême, le film renoue ainsi avec des protagonistes flottants en pleine mer, sans guère d'espoir d'en sortir… L'œuvre s'avère du reste si «inspirée» que bien vite, son titre passera de GODSPEED à ADRIFT pour finalement se nommer OPEN WATER 2 : ADRIFT sur le territoire américain ! Dès lors, le spectateur ne peut plus s'estimer trompé sur la marchandise et sait de quoi il en retourne… Bien que OPEN WATER premier du nom partage les foules, force est de constater qu'il reposait sur un concept simple, angoissant et plutôt bien vu. Tenter de renouveler l'expérience avec un nouveau film usant exactement des mêmes ficelles peut donc dès lors paraître audacieux. Conscient du problème, les scénaristes tentent bien évidemment d'apporter leur «touche» et vont pour cela multiplier les protagonistes et, par voie de conséquence, les futures victimes.
D'un seul couple égaré, nous passons donc avec DERIVE MORTELLE à trois paires d'individus flottants. Une véritable trouvaille qui va bien évidemment permettre d'explorer une plus vaste palette de comportements et de caractères. Mais cela n'est pas encore suffisant et le duo Kreutner/Mitchell compte bien apporter un élan dramatique de taille. Celui-ci se matérialisera sous la forme d'un bébé (modèle classique : il crie) resté à bord du yacht et se languissant de ses infortunés parents… Si, sur le papier, ces quelques éléments peuvent apparaître comme séduisants, le résultat à l'écran prouve que ces apports étaient en réalité loin d'être suffisants. Ainsi, chaque personnage se voit doté d'un caractère propre mais en fait si caricatural que les acteurs peinent à leur donner vie. Le playboy fortuné enchaîne ainsi les sourires et les blagues de mauvais goût alors que sa pin-up, incarnée par la séduisante Cameron Richardson, se trémousse en bikini avant de céder à l'hystérie. Susan May Pratt et Richard Speight Jr. endossent pour leur part les rôles de deux heureux parents particulièrement mièvres et fades. Le dernier couple enfin, joué par Ali Hillis et Niklaus Lange, s'avère si effacé que la perspective de leur mort tendrait plutôt à soulager le spectateur…
Ultime recours dramatique, le bébé (au jeu très crédible !) ne se manifeste en fait que très rarement via quelques hurlements qui n'ont rien de très alarmant. Particulièrement sympathique, le petit être se rendort même de lui-même assez vite afin de ne pas trop tracasser ses parents barboteurs. De fait, là où une mère paniquerait sans aucun doute, celle du métrage se contente de pleurnicher vaguement et de répondre à sa progéniture par quelques cris réconfortants. «T'inquiète pas ! Tout va bien !» hurle t'elle ainsi à son mouflet de quatre mois maîtrisant parfaitement le langage époumoné de ses parents… Nous avons donc là de bien plates performances dont le tort ne revient bien évidemment pas aux seuls interprètes. Hans Horn, réalisateur du film, n'est manifestement pas à l'aise pour diriger ses acteurs et les sentiments de «roue libre» ainsi que d'approximation sont bien trop présents pour que l'on puisse se sentir impliqué dans le drame en cours.
De cette sous-exploitation évidente des personnages et de l'aspect caricatural de leur comportement résultent fort logiquement un manque de tension très dommageable au film. Bien que vitales à l'entreprise, ces «maladresses» ne sont malheureusement rien à côté des péripéties à venir… En effet, dans l'eau, il n'y a pas trente six solutions pour passer de vie à trépas. OPEN WATER avait déjà fait la part belle à la fatigue, la soif et les requins. De ses trois composantes, Hans Horn et ses scénaristes ne conserveront étrangement que la fatigue. Dès lors, il leur faudra se creuser les méninges pour trouver d'autres sources de danger potentiel… Fort peu lumineuse, la fine équipe décidera donc d'opter pour une série d'accidents peu convaincants mais aussi des «suicides» et, bien évidement, quelques coups de fatigues. Décevants lors du visionnage, ses «drames» virent carrément au ridicule lorsque l'on dresse un bilan en fin de film. L'imbécillité tue, DERIVE MORTELLE en est la preuve sur pellicule !
Le dénouement du métrage, proprement incompréhensible, dénote là encore d'une très faible maîtrise de la part du réalisateur. L'homme semble en effet avoir hésité entre deux ou trois épilogues très distincts et n'avoir su faire un choix. Dans le doute, il nous les livre donc tout simplement coup sur coup, créant ainsi une succession de plans contradictoires terminant d'achever une œuvre plus que bancale. DERIVE MORTELLE a donc tout du malheureux gâchis et ce d'autant plus qu'avec son postulat de départ (effrayant car banal), cette fausse suite aurait sans doute pu renouveler la performance d'OPEN WATER… De cette véritable déception, et pour terminer sur une note positive, nous sauverons toutefois quelques plans marins et sous-marins absolument magnifiques que nous devons au directeur de la photographie Bernhard Jasper. L'homme, ayant déjà œuvré par exemple sur le sympathique téléfilm RATS : L'INVASION FINALE de Jörg Lühdorff, fait encore une fois preuve d'un véritable talent en nous abreuvant, en de trop rares instants, en images enivrantes et étonnamment colorées... En voilà au moins un qui n'aura pas à rougir de la présence de DERIVE MORTELLE sur son curriculum vitae.
Si vous avez manquez le film de Hans Horn lors de sa sortie en salles, TF1 vidéo vous offre aujourd'hui l'occasion de le découvrir en DVD. L'éditeur propose pour cela une image au ratio 2.35 respecté et encodée en 16/9ème. Malheureusement, ce transfert se voit entaché par un encodage plus que décevant faisant la part belle aux défauts numériques. Omniprésents, ceux-ci se manifestent sous la forme de fourmillements disgracieux et d'amas de pixels plutôt pénibles. Les contrastes eux aussi se montrent particulièrement insuffisants et nous imposent de fait une image désespérément plate. Le métrage prend dès lors une dimension «téléfilmesque» assez dommageable, tuant net tous les efforts visuels consentis par Bernhard Jasper…
Sur le plan sonore, le constat est plutôt positif puisque TF1 vidéo nous propose le film en version originale anglaise ainsi qu'en version française. Pour chacune des deux langues, le spectateur aura par ailleurs le choix entre une version en stéréo surround et une alternative en Dolby Digital 5.1. Les pistes sur deux canaux sont d'honnête facture, délivrant des dialogues clairs et une ambiance sonore appréciable. Les pistes 5.1 offrent pour leur part un rendu bien meilleur avec une spatialisation de qualité. Ce constat s'avère encore plus probant sur la piste anglaise, très généreuse et particulièrement immersive. Il est donc fort recommandé d'opter pour cette dernière, en vous épaulant au besoin des sous-titres français amovibles, qui vous épargnera de surcroît un doublage en langue de Molière franchement douteux…
Pour cette sortie DVD, DERIVE MORTELLE ne se pare que d'un seul supplément : Un Making-Of d'une durée de vingt minutes. Proposé en version originale sous-titrée en français, ce documentaire nous invite à découvrir… pas grand-chose ! Véritable perte de temps, il s'agit d'un enchaînement de séquences du métrage entrecoupées de rares interventions sans intérêt. Nous apprendrons ainsi que Susan May Pratt a dû faire des UV pour le rôle et que Eric Dane et Cameron Richardson incarnent respectivement un homme peu sûr de lui et une fille impudique. Bravo ! Voilà bien là des informations capitales à une bonne appréciation du métrage ! Le reste ne sera qu'auto-congratulation et monologues promotionnels maintes fois ressassés... On zappera donc sans mal pour reloger bien vite le DVD de DERIVE MORTELLE dans le boîtier qu'il n'aurait jamais dû quitter.