Header Critique : CHASSES DU COMTE ZAROFF, LES (THE MOST DANGEROUS GAME)

Critique du film et du DVD Zone 2
LES CHASSES DU COMTE ZAROFF 1932

THE MOST DANGEROUS GAME 

Le célèbre chasseur Robert Rainsford se trouve embringué dans une nouvelle aventure lorsque le navire dans lequel il se trouve heurte violement des récifs. Seul survivant, Rainsford parvient à nager jusqu'à une petite île surplombée par un magnifique château. L'heureux rescapé se rend sur les lieux et découvre à sa grande surprise que la demeure est habitée par le Comte Zaroff et ses deux fidèles valets. L'accueil du Comte est d'autant plus chaleureux que le l'homme ne vit que pour la chasse et qu'il trouve en son convive un alter ego potentiel. Quand vient l'heure du dîner, Rainsford fait connaissance de Eve Trowbridge et son frère, eux aussi rescapés d'un drame similaire au sien. Inquiète, la jeune demoiselle se confiera bien vite en expliquant que deux de leurs compagnons ne sont jamais revenus d'une chasse organisée par le Comte…

Bien qu'elle soit une société très jeune, la RKO a déjà, au début des années 30, un rythme de croisière impressionnant avec une cadence de production avoisinant les cinquante films par an. En 1932, elle produira LA CHASSE DU COMTE ZAROFF, un film qui aura la particularité d'être tourné par la même équipe et en même temps qu'un authentique chef d'œuvre : KING KONG. Nous retrouverons donc et entres autres Ernest B. Schoedsack à la réalisation, Carroll Clark à la direction artistique et Merian C. Cooper qui ne sera toutefois ici que producteur car bien plus passionné par son singe géant. Du côté des acteurs, le constat est le même. Robert Armstrong, qui interprétait le réalisateur Carl Denham de KING KONG devient dans LA CHASSE DU COMTE ZAROFF un naufragé porté sur la bouteille. Steve Clemente, Arnold Gray et Noble Johnson trouvent pour leur part des rôles plus secondaires. Fay Wray, immortelle dulcinée du roi Kong hérite encore une fois du premier (et unique) rôle féminin. Entre deux hurlements, elle se blottit comme à son habitude dans les bras de son sauveur, lequel tombera bien entendu sous le charme de son regard aussi pénétrant qu'ingénu.

Dans LA CHASSE DU COMTE ZAROFF, ce valeureux héros prendra les traits de l'acteur Joel McCrea. Un acteur charismatique et athlétique qui tournera par la suite pour des réalisateurs aussi prestigieux que Cecil B. DeMille, Alfred Hitchcock ou Sam Peckinpah. McCrea donne donc vie avec fougue au valeureux chasseur Robert Rainsford, un homme qui malgré son jeune âge est déjà mondialement connu pour avoir mis à mort les animaux les plus terrifiants du globe. Un homme qui, à priori, a déjà tout vu en matière de battue et de sauvagerie. Ce n'est bien entendu pas le cas et son alter ego malfaisant va très vite se faire un plaisir de lui faire découvrir un nouveau type de gibier. Le terrifiant Zaroff est ici brillamment interprété par Leslie Banks, acteur d'origine britannique au visage sec et inquiétant. Ce dernier point est d'ailleurs amplifié par une imposante cicatrice qui n'a rien d'un effet spécial… Cette particularité physique ne fera qu'étoffer encore le personnage de Zaroff qui nous expliquera qu'il s'agit là du souvenir douloureux d'une chasse au buffle. La production accentue encore le trait en montrant Zaroff caresser sa balafre lorsque monte la tension et que vient le moment de donner libre cours à ses instincts les plus barbares… L'affrontement entre les deux hommes peut alors avoir lieu lors d'une partie de chasse dans laquelle l'homme est une proie et le chasseur un monstre sanguinaire.

En plus du casting, KING KONG et LA CHASSE DU COMTE ZAROFF partagent bien entendu leurs magnifiques décors. Tout comme Skull Island, l'île du Comte Zaroff baigne donc dans une brume des plus inquiétantes où cohabitent merveilleusement de dangereux marécages et une sombre forêt à végétation particulièrement dense. L'ensemble est surplombé par un imposant château d'apparence peu accueillant comme en témoigne le heurtoir qui orne la porte d'entrée et sert de générique au film. Visuellement, LA CHASSE DU COMTE ZAROFF est donc un film extrêmement soigné. Chaque décor, chaque pièce du château semble avoir été mûrement pensé afin de créer le malaise, une sensation d'étouffement en totale adéquation avec le statut « d'animal traqué » du couple de héros. Le noir et blanc, très contrasté, amplifie encore ce sentiment d'autant que la quasi-totalité du film se déroule de nuit. Si le tournage nocturne est à l'évidence une riche idée, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit là encore d'une contrainte liée à la réalisation de KING KONG qui, pour sa part, était en post-production puis tournage de jour.

LA CHASSE DU COMTE ZAROFF ne doit cependant pas être vu comme un simple film tourné pour rentabiliser les frais occasionnés par le monument KING KONG… Nous sommes bien là en présence d'un authentique grand film, à l'interprétation irréprochable et à la mise en scène plus que soignée. Mais ce n'est pas tout. Le film parvient sans mal à se créer une identité propre de par les faits incroyablement violents qu'il expose. Tout d'abord sa thématique, terriblement barbare, qui ouvre les portes à une série d'images impressionnantes : La découverte de la salle des trophées de Zaroff, la battue avec les chiens et, bien entendu, les différentes mises à mort. Rivalisant de sauvagerie, ces scènes iront même jusqu'à nous gratifier, lors d'un affrontement au corps à corps, d'un étonnant bruitage accompagnant une colonne vertébrale brisée en deux. La cruauté de Zaroff n'a pas de limite mais bientôt, traqué comme une bête, Rainsford comprend qu'il va devoir lui aussi se laisser aller à ses plus bas instincts et tuer pour ne pas être tué.

La loi et l'ordre établi n'ont plus cours sur l'île du Comte. La nationalité russe de l'hôte assassin permet bien entendu quelques écarts vers le politiquement et socialement incorrect, notamment lorsque celui-ci expose sa vision de l'homme (d'un côté les rares élus nés pour la chasse, et de l'autre, les faibles, destinés à mourir) et de la femme (un trophée destinée aux hommes méritants). Sa perception du monde, sans concession, axée sur son propre plaisir et la souffrance des autres, en fait un personnage à la limite du Sadien, pratiquant l'algolagnie de manière active par le biais de la chasse. Ce penchant le liant au fameux Marquis est du reste renforcé par le raffinement dont l'homme fait preuve, la portée philosophique qu'il associe à ses actes et son goût pour les bonnes choses, fussent-elles condamnées par la loi ou la morale. Ainsi, alors que nous sommes en pleine période de prohibition aux Etats-Unis (période qui s'étendra de janvier 1920 à février 1933), LA CHASSE DU COMTE ZAROFF nous dévoile un amphitryon chez qui il fait bon festoyer. Dans un cadre magnifique et alors que le maître des lieux dévoile ses talents de pianiste, l'alcool coule à flots et semble ici synonyme de convivialité, voire d'élitisme… Zaroff s'inscrit donc en 1932 comme un véritable modèle de perversion, une icône du mal qui ne trouve, à cette époque, pas ou peu d'équivalent sur grand écran.

Les dires du monstre prendront bien entendu forme lors de la seconde moitié du métrage et donc de la fameuse chasse. Impitoyable, cette traque prend une réelle dimension onirique grâce aux décors précédemment évoqués. L'ascension de l'arbre, la construction de pièges, les gigantesques chutes d'eau, la folle course des chiens et la démence/froideur du regard de Zaroff sont autant de scènes et d'images qui restent gravées dans les mémoires longtemps après le visionnage. Robert Wise ne s'y trompera pas et, lorsqu'il réalisera en 1945 un remake nommé A GAME OF DEATH, nombreuses sont les scènes (naufrage, meute de chiens, brumeux marécages, etc.) qu'il réintègrera tout simplement à son film. N'est-ce pas là la meilleure preuve de l'indiscutable aboutissement visuel du métrage de Ernest B. Schoedsack et Irving Pichel ? Nous noterons par ailleurs que dans ce remake, commandé par la RKO elle-même, le Comte Zaroff changera de nom et de nationalité (contrairement aux autres protagonistes) pour devenir, événements historiques obligent, un nazi en fuite.

D'autres remakes du film ou adaptations de la nouvelle de Richard Connell (à l'origine du film de Schoedsack et Pichel) verront bien entendu le jour. Parmi ceux-ci, nous citerons le RUN FOR THE SUN de Roy Boulting et le projet de remake officiel, malheureusement avorté, qui devait mettre en scène Warren Beatty et Elke Sommer. Citons pour finir une curiosité, qui s'éloigne cette fois-ci de l'univers cinématographique, avec le roman radiophonique de septembre 1943 dans lequel Orson Welles interpréta Zaroff pour les besoins de la série « Suspense ». Suite à cela, de nombreux métrages traitant de la chasse à l'homme virent le jour mais aucune de ces resucées ne reprendra le titre original de la nouvelle de Richard Connell.

Ce titre offre pourtant, en anglais du moins, un jeu de mot des plus savoureux. Le mot « Game » signifie en effet « Jeu » mais peut aussi, dans la bouche d'un chasseur, signifier « Gibier ». THE MOST DANGEROUS GAME possède donc un double sens et pourrait être traduit simplement par « Le plus dangereux des jeux » (s'il on se place du point de vue de la proie) ou, plus subtilement, par « Le plus dangereux des gibiers » (point de vue inverse). Cette deuxième traduction faisant bien entendu écho au long dialogue durant lequel Zaroff explique qu'il chasse un gibier plus dangereux encore que le tigre, plus dangereux en fait que n'importe quel animal connu… En France, le film optera pour une traduction bien plus neutre avec LA CHASSE DU COMTE ZAROFF. Il est cependant bon de noter que plus tard, le film fut étrangement re-titré LES CHASSES DU COMTE ZAROFF. Une erreur, sans doute intentionnelle, que l'on doit aux distributeurs du film et qui laisse à penser que le film comporte plusieurs traques alors que ce n'est bien évidemment pas le cas.

Le titre erroné, LES CHASSES DU COMTE ZAROFF, est du reste celui choisi pour le disque sorti sur le sol français (entre autres) dans la collection «Ciné-Club Hollywood ». Une boulette que l'on souhaiterait ne plus voir de nos jours mais qu'importe et intéressons nous de plus près au contenu même de la galette. Le film nous est présenté dans son montage le plus court (mais aussi le plus répandu) de 63 minutes (environ). La version d'origine, plus longue d'une dizaine de minutes, existe bien mais ne semble pas vouloir montrer le bout de son nez en DVD. Une autre version, teintée en vert, a aussi été distribuée à une époque mais il s'agit plus là d'une curiosité.... Revenons à notre disque Zone 2 qui dispose d'une image au format proche du 1.37 d'origine encodée bien évidemment en 4/3. Petite particularité toutefois : L'image se situe au centre d'un cadre noir assez imposant… La copie est très lisible quoique bourrée d'artefacts en tous genres : brûlures, rayures et points blancs sont légions. La compression elle-même se fait gravement sentir, ce qui laisse à penser qu'une copie libre de droits a été directement gravée sur DVD sans aucun véritable travail… Pour un tel film, le constat est quelque peu énervant. Bien que nous soyons en présence de la copie non teintée, et donc en noir et blanc, celle-ci prend une teinte verdâtre qui s'avère assez peu respectueuse du métrage. Ne soyons pas trop critique toutefois. Le film accuse les trois-quarts de siècle, il est assez logique que la copie ne soit pas optimale. Il ne fallait donc pas s'attendre à mieux surtout en regard de son prix de vente…

Concernant le son, nous retrouvons fort justement la version originale en mono, encodée sur deux canaux. Les voix sont très claires et là encore, même si l'ensemble est très perfectible, il semble bien malvenu de faire la fine bouche… Des sous-titres de bonne qualité viennent par ailleurs s'ajouter à cela pour épauler les spectateurs non anglophones.

Contre toute attente, cette édition, minimaliste et stupidement bradée pour moins d'un euro, dispose d'un bonus relativement conséquent, proposé en version française ainsi qu'en version anglaise (avec sous-titres imposés). Il s'agit d'un documentaire d'une durée avoisinant la demi-heure, réalisé par Laurent Preyale pour la télévision. L'idée générale est de traiter des grands « couples & duos » du cinéma. Sur ce disque, le documentaire s'attache bien entendu à nous brosser un portrait plutôt bien vu du travail commun de Ernest B. Schoedsack et Merian C. Cooper. De rapides biographies parallèles nous expliquent l'enfance des deux hommes pour rapidement embrayer sur leur œuvre cinématographique. Sont abordés en détail LA CHASSE DU COMTE ZAROFF, KING KONG mais aussi LE FILS DE KONG et MONSIEUR JOE. Si l'ensemble s'avère très pertinent dans le fond, il l'est en revanche moins dans la forme. En effet, nous aurons droit visuellement à de nombreuses photos et extraits de films mais l'ensemble est commenté par deux voix-off distinctes qui ont le mauvais goût de parler à la première personne, jouant ainsi les rôles des deux cinéastes défunts. Une idée curieuse, voire plutôt douteuse puisque certaines des paroles ainsi mises dans la bouche des deux hommes relèvent carrément de la spéculation ou de l'analyse critique… Reste que ce document est fort bienvenu et complète cette édition au rapport qualité/prix tout simplement imbattable.

Rédacteur : Xavier Desbarats
Photo Xavier Desbarats
Biberonné au cinéma d'action des années 80, traumatisé par les dents du jeune Spielberg et nourri en chemin par une horde de Kickboxers et de Geishas, Xavier Desbarats ne pourra que porter les stigmates d'une jeunesse dédiée au cinéma de divertissement. Pour lui, la puberté n'aura été qu'une occasion de rendre hommage à la pilosité de Chuck Norris. Aussi, ne soyons pas surpris si le bougre consacre depuis 2006 ses chroniques DeViDeadiennes à des métrages Bis de tous horizons, des animaux morfales ou des nanas dévêtues armées de katanas. Pardonnez-lui, il sait très bien ce qu'il fait...
48 ans
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L'édition vidéo
THE MOST DANGEROUS GAME DVD Zone 2 (France)
Editeur
Cine Club Hollywood
Support
DVD (Simple couche)
Origine
France (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
1h03
Image
1.33 (4/3)
Audio
English Dolby Digital Mono
Sous-titrage
  • Français
  • Supplements
    • Documentaire «Couples & duo» (27mn14)
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