Header Critique : VALERIE AND HER WEEK OF WONDERS (VALERIE AU PAYS DES MERVEILLES)

Critique du film et du DVD Zone 1
VALERIE AND HER WEEK OF WONDERS 1970

VALERIE AU PAYS DES MERVEILLES 

C'est bien connu , l'Europe de l'Est foisonne de chefs-d'oeuvre cinématographiques, hélas très peu diffusés à travers le monde. VALERIE AU PAYS DES MERVEILLES, réalisé en 1970 par Jaromil Jires, fait incontestablement partie de ces trésors rarissimes, difficiles à dénicher, et donc on ne peut plus désirables.

Adapté du roman de Vitezslav Nezval, Valérie et la Semaine des Miracles, ce film tchèque se démarque de la carrière de son cinéaste, jusqu'alors engagé dans le mouvement artistique de la Nouvelle Vague (LE PREMIER CRI, en 1963 ) sur fond de "Printemps de Prague", dans l'espoir de conserver l'idée d'un "Socialisme à visage humain", grâce à un dialogue politico-culturel constant. VALERIE AU PAYS DES MERVEILLES correspond, quant à lui, à la période post-1968, date à laquelle le totalitarisme se renforça considérablement suite à l'invasion de la Tchécoslovaquie. La culture du pays, conséquemment écornée par les évènements, fut reléguée à un tout autre plan et se vit retirer le peu d'avantages dont elle disposait en matière d'expression. En signant cette merveille peu commune, Jires nous transporte dans une sphère onirique, bouillonnante de magie, de beauté, d'horreur et même d'érotisme, située aux antipodes d'une réalité politique dictatoriale, privant une population de ses rêves. Ce conte fantastico-onirique traite du passage de l'enfance à l'âge adulte, de manière métaphorique, voire allégorique, à travers un voyage dans l'esprit insaisissable d'une adolescente.

Telle Alice, la jeune et candide Valérie (Jaroslava Schallerova) accède à un monde imaginaire, alors que son fidèle soupirant, Aiglon (Petr Kopriva), au service du connétable de la ville qui le maltraite injustement, lui offre anonymement une paire de boucles d'oreilles. Elevée par sa grand-mère (Helena Anyzova), à l'apparence cadavérique inquiétante, la jeune fille s'apprête à vivre de curieuses mésaventures au cours desquelles elle croisera des vampires, des saltimbanques ou encore des nymphes sauvageonnes. Peu à peu, un univers différent se dessine : Valérie découvre le plaisir des sens, l'amour, l'amitié, mais aussi la débauche, la violence de la part d'êtres malfaisants camouflés sous des apparences trompeuses, tel le prêtre (Jan Klusak) tentant d'abuser de l'innocente. Laissant de côté toute notion de logique, le film, qui porte son héroïne vers les extrêmes, oscille entre décors paradisiaques et sous-sols poussiéreux et austères abritant "le furet", vampire énigmatique (Jiri Prymek), père supposé de la jeunette. S'inspirant avec insistance de NOSFERATU de Murnau, Jires puise son art au fond des codes expressionnistes, tout en ponctuant son oeuvre d'onirisme, de poésie et de lyrisme. Le monde de Valérie se montre alors rassurant, optimiste même, malgré les ambiguïtés que la vie réserve à chacun d'entre nous. Peuplé de métaphores, d'allégories, le passage à l'adolescence, symbolisé par une fleur tachée de sang, aborde subtilement certaines réalités destabilisantes telles l'homosexualité, le sadomasochisme, l'inceste (Aiglon n'est autre que le propre frère de Valérie). Les institutions, quant à elles, subissent une critique acerbe : la famille regorge ici de sombres mystères, non entièrement élucidés, par la présence de protagonistes étrangement antipathiques comme la grand-mère qui, rajeunie sous les traits d'une cousine Elsa aguicheuse et perverse, puis d'une mère à l'attitude inexplicable, entretient des rapports plus ou moins louches avec le vampire ; le mariage considéré comme un sacrifice, contraint la belle Hedvica (Jirina Machalicka) à s'offrir à un homme qu'elle n'aime pas ; et bien entendu, l' Eglise qui, en ce qui la concerne, se voit piétinée par les mœurs d' un prêtre quasi-pédophile.

Car le film de Jires, dépeignant des situations irréelles, conserve un caractère relativement engagé, propre au cinéaste. Ainsi, à travers un monde jonché de contradictions, à l'intérieur duquel subsistent des conflits aussi bien entre rêve et réalité, qu'entre beauté et laideur, Jires essaie, par des moyens détournés, d'exprimer la précarité d'une société vivant sous un régime s'opposant à ses aspirations. Et indirectement, dans sa réalisation, le cinéaste, usant énormément de plans restreints, alternant à plusieurs reprises plongées et contre-plongées, souligne une sensation d'étouffement, de claustrophobie, limitant ainsi l'espace scénique de ses personnages, afin de manifester davantage une soif de liberté. Dans le même esprit, l'aspect menaçant du film, symbolisé entre autres par des personnages «agresseurs», s'atténue définitivement dans les scènes finales, notamment dans la dernière séquence, à l'issue de laquelle chaque protagoniste se fond joyeusement dans le décor le plus enchanteur du film, laissant supposer un espoir de promesse de paix.

VALERIE AU PAYS DES MERVEILLES s'avère bien plus qu'une fantaisie visuelle et sonore (escortée par la musique tantôt douce, tantôt entraînante de Lubos Fiser), c'est en effet, par-dessus tout, une œuvre utopique.

Toutefois, bien que le film demeure incontestablement une mine d'or aux yeux des cinéphiles, l'édition DVD parue aux Etats-Unis, quant à elle, ne se montre hélas pas à la hauteur du prodige de Jires. Disponible depuis 2003 chez Facets, le film, aux couleurs ternes, aurait nécessité un certain rajeunissement mais n'a subi aucune intervention aussi bien visuelle que sonore. Incluant des sous-titres anglais brûlés à même l'image, l'éditeur a conservé le format cinéma d'origine au cadrage 1.33, ainsi qu'un son en mono, à la qualité un peu approximative.

En guise de bonus, un extrait de la bande dessinée Rick Trembles' Motion Picture Purgatory, relatant avec humour les aventures de notre héroïne, tente désespérément d'égayer le menu dérisoire proposé. Négligence qui se ressent fortement au sein de ce support, sur lequel on aurait souhaité le fruit d'une recherche plus abondante en matière de suppléments, susceptibles, par exemple, de resituer l'œuvre dans son contexte culturel, artistique, voire historique. D'autant plus qu'à l'époque, le long métrage, qui vit le jour dans un climat politique foncièrement instable, suite aux évènements d'août 1968 en Tchécoslovaquie, s'est vu jugé «hors de propos», taxé par la censure et donc faiblement diffusé dans les salles.

Au bout d'une quarantaine d'années, VALERIE AUX PAYS DES MERVEILLES ne cesse d'intriguer magnifiquement son public, ayant eu le privilège de prendre connaissance de l'existence de ce film, encore trop vaguement évoqué en France. Souvent comparé à LA COMPAGNIE DES LOUPS de Neil Jordan, le chef-d'œuvre de Jires, qui continue de briller par sa rareté, éveille une émotion particulière, inhabituelle. Un conte pour adultes, à découvrir avec des yeux d'enfant…

Rédacteur : Laure Husson
5 critiques Film & Vidéo
On aime
Un film impressionnant, peuplé de métaphores visuelles.
On n'aime pas
Qualité et contenu insuffisants de l’édition DVD.
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L'édition vidéo
VALERIE A TYDEN DIVU DVD Zone 1 (USA)
Editeur
Facets
Support
DVD (Simple couche)
Origine
USA (Zone 1)
Date de Sortie
Durée
1h13
Image
1.33 (4/3)
Audio
Czech Dolby Digital Mono
Sous-titrage
  • Aucun
  • Supplements
    • Extrait de la bande dessinée "Rick Trembles’ Motion Picture Purgatory"
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