Laura Siprien a adopté le petit Liu-San dans un orphelinat en Mongolie. Leurs relations se déroulent sans problème particulier jusqu'au jour où mère et fils commencent à partager d'effrayants cauchemars. Peu à peu, d'étranges hallucinations vont s'imposer à Laura qui se retrouve ainsi au cœur d'évènements potentiellement fatals à son fils.
Pour son septième long métrage, Guillaume Nicloux s'est vu offrir l'adaptation sur grand écran du roman à succès éponyme de Jean-Christophe Grangé (LES RIVIERES POURPRES). Après l'avoir lu une fois, le réalisateur du sublime CETTE FEMME-LA l'a refermé pour ensuite n'en développer que les éléments ayant retenu son attention en premier, c'est à dire une femme à la recherche de son enfant qui se voit contrainte de puiser au fond de ses ressources personnelles et, ainsi, se forger une identité. Ces idées se trouvaient déjà dans CETTE FEMME-LA où Josiane Balasko se débattait avec le deuil de son fils tout en évoluant dans un univers ténébreux au possible. Nicloux semble d'ailleurs avoir un flair tout particulier pour imposer à ses acteurs principaux un contre-emploi certain : Thierry Lhermitte dans UNE AFFAIRE PRIVEE, Balasko dans CETTE FEMME-LA et, ici, une Monica Bellucci aux cheveux courts et à la silhouette presque effacée, à mille lieues de la star glamour adulée et admirée par le grand public. En plus d'offrir aux acteurs l'occasion de montrer une facette différente de leur talent, ce choix artistique influe également sur le spectateur contraint de mettre tous ses préjugés de côté et voir le film dans son ensemble, au lieu de surtout admirer une plastique ou les drôles d'aventures d'un comédien plus habitué à faire rire que frissonner.
Autour des personnages, l'histoire présente une ancienne légende dont le fameux Concile de Pierre fait partie intégrante. En effet, cela représente un rassemblement de «mauvais» sorciers qui vont faire appel à leurs doubles animaux afin d'essayer de tuer l'Elu, un guérisseur dont la mort conférera le pouvoir d'immortalité à son assassin. Un seul Elu naît par siècle ce qui augmente fortement la convoitise de ces sorciers prêts à tout pour acquérir un pouvoir aussi exceptionnel. Mais bien que ceci aurait dû constituer le point fort du film, cela devient presque accessoire puisque Nicloux a choisi de se focaliser sur le cheminement personnel de Laura, réduisant ainsi fortement le potentiel fantastique de l'histoire tel que le présentait le livre (un texte qui semblait déjà difficile à retranscrire sur pellicule).
Malgré une histoire intéressante, un certain ennui s'installe rapidement chez le spectateur qui ne parvient pas tout à fait à pointer un élément précis du doigt. L'ensemble est très agréable à regarder grâce au talent de Nicloux et de son directeur photo qui exploitent à merveille le format. Le réalisateur ne réussit toutefois pas à maintenir l'ambiance à un niveau sombre constant et les dix dernières minutes sont si confuses que cela en devient presque embarrassant. On se demande de façon légitime comment une telle fin a pu être décidée et, surtout, a quoi rime la scène avec la belette qui frise le ridicule. Certes, la voix off sur les images finales est ambiguë dans ses propos mais on a l'impression de ne pas avoir assisté à un réel climax qui aurait donné plus de sens au film.
Comme nous l'avons déjà dit plus haut, Monica Bellucci est tout à fait convaincante dans son rôle de mère adoptive, protectrice et perdue face aux évènements que la vie lui jette en pleine figure, sans parler des multiples trahisons de l'entourage. Sans fards ni vêtements mettant ses formes en valeur, c'est l'actrice qui est mise en avant, portant le film sur ses frêles épaules puisque Laura figure dans quasiment chaque plan. C'est plutôt du côté des seconds rôles qu'il faut chercher quelques failles, en particulier avec le choix particulièrement raté de Catherine Deneuve dans le rôle d'une chercheuse qui en sait un peu trop sur cette fameuse légende. Cette grande dame du cinéma français que l'on ne présente plus semble assez mal à l'aise, presque raide, ce qui est fortement dommageable vers la fin où son rôle est essentiel.
Autour de Laura gravitent Lucas (Sami Bouajila), son ex, et Clarisse (Elsa Zylberstein), sa colocataire aux attitudes légèrement ambiguës. Bien que leurs rôles soient capitaux, les deux acteurs restent effacés, n'ayant à aucun moment l'occasion de réellement s'exprimer. Cela s'en ressent particulièrement dans les scènes d'action finales où Sami Bouajila peine à être crédible en tortionnaire incapable d'infliger des coups de pied qui ont l'air de faire mal. Et pourtant, ni lui ni Elsa Zylberstein ne sont de mauvais acteurs mais ils semblent surtout avoir manqués de direction. Le garçon qui joue le rôle de Liu-San est campé par Nicolas Thau dont c'est le tout premier rôle. L'enfant est très naturel en plus d'être beau et son regard évoque parfois une sagesse au-delà de ses sept ans, ce qui est somme toute logique vu que sa perception du monde et des gens qui l'entourent est hautement développé. Il ne questionne pas la marque circulaire qui apparaît sur sa poitrine ni sa peur des ours (ou de «la bête» comme il la nomme) parce qu'il en connaît les raisons bien avant tout le monde.
Le film est présenté dans son format 2.35 avec un transfert 16/9 et comme avec de nombreuses productions récentes, il est de plus en plus difficile de déceler des défauts potentiels. Bien que la dernière partie se déroule de nuit et dans des tunnels sous-terrains, l'image reste lisible et contrastée en dépit des nombreuses zones d'ombre. Mais les plus belles images sont à trouver en extérieur durant le passage en Mongolie, un paysage tout à la fois aride et verdoyant qui convient à merveille aux fameuses légendes.
La seule langue proposée en bande sonore est le Français (avec sous-titres anglais amovibles) et présentée aux choix en Stéréo, Dolby Digital 5.1 et DTS. Un grand travail a été accompli dessus et le moindre bruitage est cristallin sans être trop imposant ni désagréable. La très belle bande originale souligne parfois une ambiance très prenante tandis qu'à d'autres moments, son aspect dramatique semble trop en décalage avec les images.
Les suppléments s'ouvrent sur un commentaire audio de Guillaume Nicloux en compagnie de Virginie Apiou que l'on suppose être une journaliste. En effet, cela commence un peu bizarrement car aucun des deux ne se présente et Apiou pose une question à Nicloux à laquelle il dit avoir déjà répondu on ne sait où, ni quand. A la deuxième question, il n'apporte pas plus de réponse et on se demande alors si Apiou sera obligée de lui tirer les vers du nez sur toute la durée. En effet, Nicloux semble ne pas trop aimer parler de son travail ce qui est récurrent chez de nombreux créateurs qui fonctionnent à l'instinct, ne cherchant pas à savoir d'où leur vient l'inspiration. Pourtant, il se prête à l'exercice avec plus ou moins de mal, nous livrant un commentaire tout à fait intéressant mais dénué de toute anecdote ou humour.
Le Making Of de presque une demi heure n'est rien de plus que ce qu'indique son nom. La parole est donnée au réalisateur, au producteur, aux acteurs et au scénariste qui évoquent chacun différents aspects du tournage allant des difficultés d'adaptation à leur préparation pour leur rôle. Nous survolons également la préparation et le tournage de quelques scènes ainsi que la création des décors intérieurs et extérieurs. Et nous ne pouvons décemment terminer sans décerner la palme à l'intervention la plus inutile du lot, celle de Jean Nollet, le créateur de la coiffure de Monica Bellucci ! Non, les cheveux eux-mêmes n'ont pas souhaités faire de commentaire…
Les entretiens durent un total de quinze minutes mais sont divisés en trois : Nicloux, Bellucci et Deneuve. Il y a trop de redites avec ceux entrevus dans le Making Of pour les rendre pertinents ce qui n'a rien d'étonnant puisque tout a été tourné au même moment. Seule Monica Bellucci, à qui on a alloué presque dix minutes, a loisir de parler un peu plus en profondeur de son personnage, ses doutes et son plaisir d'avoir fait ce film.
L'enregistrement de la bande originale nous présente Nic Raine dirigeant l'orchestre mais nous aurions aimé au moins un entretien avec le compositeur au lieu d'assister à des enregistrements pris sur le vif qui ne nous éclairent pas sur grand chose. Néanmoins cela nous donne l'occasion de réécouter les superbes compositions. Nous finissons avec la bande annonce et une galerie photos au maigre contenu avec images du film seulement.
LE CONCILE DE PIERRE fait partie de ces très libres adaptations de leur matériau de base dont on ne sait pas très bien s'ils sont réussis ou pas. Le film possède d'indéniables qualités techniques ce qui accroit le plaisir du visionnage, mais pêche par un manque de fantastique, d'ambiance et surtout, du mauvais emploi de certains acteurs. Nous avons vu Nicloux plus inspiré mais en dépit des maladresses de son film, celui-ci reste tout à fait regardable, ne méritant pas, pour autant, toutes les mauvaises critiques qui l'accompagnent.