L'heure est grave : Un brusque mouvement des plaques tectoniques vient de faire disparaître les Etats-Unis sous les eaux ! Fort heureusement, le président et quelques stars Hollywoodiennes ont pu être sauvés. Le Japon est fier d'accueillir cette élite mais bien vite, c'est le continent Eurasien qui est englouti, suivi de près par l'Afrique et l'Australie… En quelques semaines, le Japon devient le seul pays du monde à n'avoir pas sombré. La population de l'île augmente donc considérablement, à tel point que l'étranger devient dominant et malvenu. L'économie est bouleversée, le yen devient tout puissant et l'immigrant, ruiné, est maintenant victime de mesures de répression plus que drastiques…
Sakyô Komatsu, auteur surnommé «Le roi de la SF japonaise», accouche en 1973 d'un roman intitulé «Nippon chinbotsu» («La submersion du Japon») nous narrant la spectaculaire et réaliste disparition du Japon sous les eaux. L'œuvre remporte instantanément un vif succès, à tel point qu'elle sera déclinée la même année en film grâce aux bons soins du réalisateur Shirô Moritani. S'en suivra en 2001 une adaptation en série télévisée et une réadaptation cinématographique en 2006… Parallèlement à cela, l'écrivain à succès Yasutaka Tsutsui rédige une parodie de l'œuvre d'origine qu'il nommera «Nihon igai zenbu chinbotsu» (que l'on pourrait traduire par «Le monde coule à l'exception du Japon»). Ce roman, humoristique mais avant tout très critique, nous contera donc la situation inverse en nous présentant un Japon unique survivant d'un cataclysme planétaire. L'adaptation sur grand écran fera surface elle aussi en 2006, sous la direction du réalisateur Minoru Kawasaki…
Minoru Kawasaki est un cinéaste un peu particulier dont les œuvres ne peuvent laisser indifférent. Souvent très critiques et visuellement particulièrement fauchés, ses films sont avant tout décalés voire, très décalés. C'est ainsi que l'homme s'est fait un nom avec une série de métrages mettant en vedette des animaux géants (en mousse) évoluant dans un monde humain à différents niveaux de la société. Sur cette thématique, nous avons donc eu droit à THE CALAMARI WRESTLER (l'histoire d'un calamar géant qui devient une star du catch), KABUTO-Ô BITORU (un scarabée envahisseur), KOALA KACHO (un koala businessman) et KANI GOAL KEEPER (un crabe gardien de but). Difficile de prendre au sérieux un homme à la filmographie aussi «étrange» dont l'unique préoccupation semble être de vouloir réhabiliter le rôle du ridicule et des costumes en mousse à l'écran… Pourtant, Minoru Kawasaki fait plus et tente, avec des moyens bien à lui, de poser un regard critique sur la société nippone. Reste que, s'ils étonnent et ne sont pas dénués d'intérêt, ces films souffrent globalement de gros problèmes de rythme et ennuient souvent plus qu'ils n'amusent…
THE WORLD SINKS EXCEPT JAPAN ne déroge pas à la règle et s'avère très conforme à la production habituelle du monsieur. Malgré l'absence de bestioles sportives ou professionnellement actives, nous avons donc là un métrage tantôt comique, tantôt analytique, dégageant un fort parfum de Bis voire de Z… En effet, alors que les différentes versions de «La submersion du Japon» nous proposaient des catastrophes soignées et impressionnantes, le pendant comique réalisé par Minoru Kawasaki nous offre, en toute simplicité, ce qui se fait de pire dans le domaine. Qu'il s'agisse d'images de synthèse, de maquettes ou de latex, la contre-performance est impressionnante. Bien que ce soit là une habitude et même un souhait de la part d'un réalisateur adepte du laid, ces séquences (extrêmement brèves) inspirant la pitié feront d'emblée déchanter l'amateur de destruction massive…
Frustré par la vision d'un Arc de Triomphe horrible et d'une statue de la liberté ridicule, le spectateur n'aura d'autre choix que d'oublier la forme pour se pencher sur le fond. Et que trouve-t-on dans le fond de THE WORLD SINKS EXCEPT JAPAN ? Et bien pas grand-chose à vrai dire. Il va donc falloir s'immerger encore un peu plus pour y trouver un aspect comique toutefois bien peu convaincant. A l'image de ses métrages précédents, celui-ci peine à faire sourire. Certes, certaines situations sont effectivement plutôt bien vues. La vision du Président des Etats-Unis en compagnie d'une Playmate dans son avion privé, faisant un discours sur la grandeur des Etats-Unis (qui viennent de disparaître) tire effectivement un rictus. Mais la plupart des «gags» relèvent plus de la simple gaminerie ou du clin d'œil vain. Nous prendrons l'exemple des faux Bruce Willis et Terminator dont l'inutilité laisse perplexe. George Gucas tournant des chambaras (films de sabre japonais) avec des acteurs occidentaux s'en tire légèrement mieux mais globalement, le film de Minoru Kawasaki ennuie durant près de 100 minutes…
Evoquons enfin le point fort du film : La vision d'une société intégralement remise en question par un évènement international majeur. Sur ce point, le réalisateur sait se montrer plus incisif et met dans le mille à de nombreuses reprises. On tire bien entendu beaucoup sur le gouvernement américain mais aussi, plus étonnamment, sur le Japon. La politique territoriale est évoquée, les aspirations «élitistes» du pays montrées du doigt et la soif de grandeur est mise en avant avec une ironie appréciable. Ainsi, le Japon est fier de voir arriver en son sein la fine fleur des mondes politique et artistique des autres nations. Mais bien vite, le constat est tout autre puisque les «gens simples» sont aussi de la partie. Et ceux là, le Japon n'en veut pas. Il faut donc faire un tri mais selon quels critères ? Bientôt, le chaos général impose des mesures drastiques parmi lesquelles la création d'une force d'intervention anti-«gaijin» (un «gaijin» étant au Japon un étranger intrusif, voire un ennemi). Les stars américaines deviennent des prostituées à la solde de vieux pervers, les acteurs Oscarisés travaillent comme hommes-sandwichs et les Présidents (identifiables à leur cravate aux couleurs de leur pays) sombrent dans l'alcoolisme et la dépression… On parle alors d'immigration sélective, de bons ou de mauvais étrangers et même de déportation. Plus que le Japon, c'est l'ensemble des nations qui est éclaboussé par la satire vénéneuse du réalisateur déjanté.
Reste que le sujet est traité de manière plutôt brouillonne et qu'à force de tirer à gros boulets sur l'ensemble du système, le message vire (volontairement ?) au confus. Il devient dès lors très difficile de cerner les ambitions du réalisateur. Qui est la cible ? Quelle est la volonté du cinéaste ? Est-ce là l'œuvre d'un homme mécontent ou d'un faux rebelle ? Difficile de juger tant la satire acerbe tourne vite à la dérision désordonnée… Sans doute séduit durant les premières minutes par le parfum de TEAM AMERICA qui se dégage, le spectateur lâchera très vite l'affaire pour se focaliser sur ce qu'il voit et qui, répétons le, s'avère particulièrement décevant…
Décevante aussi cette édition DVD hongkongaise d'un film pourtant très récent. Bien que l'image nous soit proposée dans un format proche du 1.85 et encodée en 16/9ème, celle-ci est plutôt laide. Elle sera même particulièrement repoussante lors du générique d'introduction ou des quelques explosions de boîtes en carton (des immeubles en fait…). La compression est visible et les flammes qui lèchent le titre ou embrasent les bâtiments ne sont plus ici que des amas de pixels indignes du DVD. Le reste du métrage est bien heureusement moins dégradé mais nous n'avons clairement pas à faire à du travail soigné… Les pistes sonores sont quant à elles au nombre de deux. Le choix vous sera donc offert de profiter de la piste d'origine japonaise en stéréo ou en Dolby Digital 5.1. Qu'il s'agisse de l'une ou de l'autre des deux options, les dialogues seront clairs et aucun problème ne viendra entacher l'ensemble. Mais le mixage sur six canaux n'apporte strictement rien et, sur la quasi-totalité du métrage, seules vos enceintes frontales seront sollicitées. Point de réelle frustration toutefois puisque, comme cela a déjà été dit THE WORLD SINKS EXCEPT JAPAN délaisse totalement l'aspect «film catastrophe» au profit du verbeux… Notons enfin que cette édition est par ailleurs rendue accessible par la présence de sous-titres chinois ou anglais amovibles.
Difficile d'évoquer la section bonus puisqu'elle n'existe tout simplement pas. Les bandes annonces, largement diffusées sur le net à l'époque de la sortie du film, n'ont donc même pas été intégrées au disque. Une faute regrettable car celles-ci s'avéraient bien plus sympathiques que le métrage en lui-même !
Un disque au contenu bien pauvre et plutôt faible sur le plan technique pour un film qui peine réellement à convaincre. Les catastrophes annoncées par la sympathique jaquette sont donc inexistantes ou terrifiantes de laideur et l'humour ne tirera que quelques maigres sourires au spectateur. Reste les thèmes de l'immigration et du pouvoir, abordés toutefois de manière bien trop brouillonne pour convaincre. Pas de doute, le réalisateur est passé à côté de son sujet. Il est donc recommandé au spectateur de passé lui aussi à côté de ce film catastroph(iqu)e.