Le générique du film débute avec une chanson titrée «Money is the root of all happiness», ou «L'argent est à la base du bonheur». L'ironie de ces paroles ne sera pas perdue au cours de ce film d'exploitation au contenu digne d'un roman de Jim Thompson : Viol, meurtre, chantage et drogues se succèdent jusqu'à un final imprévisible et d'une cruauté typique du genre. Le script intelligent et cynique fut le premier pour Bryan Gindoff qui n'écrivit qu'un seul autre film, LE BAGARREUR, réalisé par Walter Hill en 1975 et au casting impressionnant. Il est étonnant de ne pas avoir vu ce scénariste au talent particulier pour les histoires tordues au générique d'autres productions.
Candy, une jeune fille de 16 ans, est kidnappée par un trio d'amateurs, espérant soutirer une grande somme d'argent des parents. Ils vont l'enterrer dans les collines de Hollywood avec juste un tuyau d'air pour respirer. Un petit garçon muet sera témoin de la scène mais incapable de convaincre les autorités qui prennent son coup de fil pour une blague. Lorsque le père de Candy ne se montre pas au rendez-vous avec la somme exigée, ce sera le début de la fin d'un plan à l'apparence simple qui va foirer de la façon la plus horrible qui soit.
Sur cette intrigue de base ma foi plutôt simple va se développer une situation impossible et claustrophobe. Les kidnappeurs vont graduellement se tourner les uns contre les autres, leurs motivations prenant des directions autrement plus compliquées que celle de l'appat du gain qui les liait au départ. A ces personnages perdus parmi leurs propres désirs s'ajoutent les parents de Candy : un père que cet enlèvement semble arranger plus qu'autre chose, et une mère alcoolique qui ne se rend même pas compte de l'absence prolongée de sa fille. Son mari va lui assurer que Candy passe du temps chez une amie, une explication tout à fait plausible aux yeux de cette femme pour qui rien d'autre ne compte que le contenu de sa bouteille.
Le film évolue à travers ces personnages qui sont tous bien dessinés et campés par des acteurs crédibles. Le trio de kidnappeurs se compose de Jessie (Tiffany Bolling qui apparaît également dans L'HORRIBLE INVASION), son frère Alan (Brad David, un acteur de séries télé) et leur ami, Eddy (Vincent Martorano, dont la carrière se limite à quelques apparitions au ciné ou à la télé).
Jessie est une jolie blonde qui au départ gère les choses d'une main feminine plus efficace que celle de ses compagnons. Mais la tournure imprévisible des choses va réveiller chez elle un malaise profond qui provoquera une violence soudaine et gratuite. Ses frustrations trouvent écho chez Alan qui va d'emblée agresser Candy dans la camionnette, un acte qu'il tentera de nouveau plus tard. Son caractère nerveux et radical n'évoluera pas beaucoup au cours du métrage, contrairement à celui de ses camarades, Eddy en particulier.
L'acteur qui joue Eddy était le meilleur ami de Trueblood qui a créé ce rôle pour lui, alors que Vincent Martorano exerçait le métier de pêcheur à l'époque. Son personnage est empreint de douceur et d'hésitation, on le sent en retrait par rapport à ses amis, c'est quelqu'un qui attend d'abord que les choses se passent. Il est le seul qui créera un lien émotionnel avec Candy ce qui l'éloigne davantage du groupe. Eddy est un vétéran du Viet-Nam et incarne à lui seul une Amérique de l'après-guerre, un pays en proie au chaos et à la confusion, les habitants ne sachant plus s'ils devaient encore soutenir les décisions des autorités. De façon paradoxale, la violence de nombreux films de cette époque dénoncent justement l'absurdité de tels choix agressifs.
Le petit garçon muet et maltraité par ses parents est l'une des curiosités du métrage. Il est joué par Christopher Trueblood, le fils du réalisateur, et n'est apparu ailleurs que dans un film d'action méconnu des années 1990. Son air angélique contraste fortement avec ses manières graduellement machiavéliques, sa méchanceté résultant en une apothéose qui vacille dangereusement à la limite du "Too much". Les enfants en bas âge n'ont pas la même notion du mal qu'un adulte, pensant par exemple que la mort n'est qu'un passage, voire un jeu. Ils ne réalisent pas la permanence de cet état ce qui les conduit parfois à des actes réels incompréhensibles au premier abord. Bien que cette idée soit très bien développée ici, elle laisse néanmoins une sensation de mauvais goût, comme si le réalisateur voulait démontrer que les actes criminels qui composent le film pourrissent même les plus innocents de façon irréversible.
Le rôle psychologiquement et physiquement éprouvant de Candy est incarnée par une Susan Sennett de tout juste 20 ans, dont les émotions exprimées ne sont pas feintes. Elle n'a pas beaucoup de dialogues et passe une grande partie du film à l'intérieur d'une boîte de la taille d'un cercueil. Cette adolescente blonde et innocente en uniforme d'écolière catholique attachée et les yeux bandés évoquent de dérangeants échos d'imageries sado-maso, renforçant sa vulnérabilité et le sentiment de voyeurisme chez le spectateur. Le but des films d'exploitation était bien sûr d'aller aussi loin que possible et provoquer des émotions extrêmes – en cela, le métrage remplit parfaitement son contrat.
La violence entraîne divers actes sanglants dont, il faut bien le dire, les effets spéciaux ne sont pas très bien faits. En même temps, la couleur vermeil et la consistance peinture du sang ajoute une dimension cheap qui ne dénature pas l'ensemble et permet au spectateur de se focaliser sur le drame humain, bien plus important. On y trouve même une pointe d'humour lorsque les kidnappeurs veulent aiguiser l'attention du père curieusement indifférent. Ils se décident à couper l'oreille de Candy et la lui envoyer. Mais incapables d'un tel geste, ils font appel à un ami qui travaille à la morgue et les dépanne gracieusement.
THE CANDY SNATCHERS fut le seul film réalisé pour le grand écran par Guerdon Trueblood, jusqu'alors scénariste pour la télévision. Et encore, le budget était en réalité microscopique et le métrage n'atteignit que les Drive-Ins, sa diffusion restant confidentielle. Ce DVD est pour l'instant la seule version en existence, le film ayant circulé sur VHS ou sur des copies pirates depuis sa sortie.
L'image est en 16/9 et respecte le format 1.85:1 d'origine. Le transfert a été fait à partir de la pellicule originelle, ce qui donne un très bon résultat malgré le manque de définition. Les couleurs ressortent à merveille et seules quelques traces verticales ressemblant à des griffures de pellicule sont à signaler. Chose amusante, les scènes de poursuite ont été accélérées, sans doute, pour donner une impression de danger. Mais comme pour les effets spéciaux, la gravité de l'histoire rend indulgent envers ce genre de détail.
En ce qui concerne le son, le film est proposé dans un Mono d'origine de très bonne qualité, et dans un remix Stéréo qui comporte un peu plus de clarté et de profondeur.
En guise de suppléments, nous trouvons d'abord un commentaire audio modéré par Mark Edward Heuch et qui présente Norman Hill (producteur de ce DVD) ainsi que Tiffany Bolling et Susan Sennett. Heuch pose des questions autour du film, comme les conditions de tournage, les relations entre les acteurs et avec le réalisateur, la préparation de certaines scènes, etc. Les deux actrices ont soit oublié soit occulté beaucoup de choses, en particulier Susan Sennett pour qui le tournage fut si éprouvant que certains passages du métrage l'émeut jusqu'aux larmes et qui a beaucoup de regrets. La sortie du film fut accueillie de façon très négative par le public et les carrières des acteurs ainsi que de Trueblood firent un plongeon duquel aucun ne se remit entièrement. Les émotions sont donc très partagées mais Bolling continue néanmoins de défendre le métrage qu'elle trouvait très radical à l'époque, ce qui l'avait décidée à participer, et reprendrait sans hésiter son rôle aujourd'hui.
La suite propose six bandes annonces. Quatre sont de films différents (FREAKMAKER, METALSKIN, BATTLEFIELD BASEBALL et THE WITCH WHO CAME FROM THE SEA) et les deux restantes sont respectivement une version "PG" et une version "R" de THE CANDY SNATCHERS. Rappelons que "PG" est le raccourci de "Parental Guidance" (une indication parentale concernant le contenu explicite du film) et "R" pour "Restricted" (Interdit aux moins de 17 ans non accompagné d'un adulte). La différence de contenu entre les deux est bien sûr notable, la première version étant quasiment expurgée de toute forme de violence.
Nous trouvons également huit Lobby Cards en noir et blanc qui défilent automatiquement et des biographies très sympathiques du réalisateur et des acteurs principaux. Les textes se divisent sur plusieurs pages et ne se résument pas seulement à une banale suite de dates et de films comme il est trop souvent de coutume.
Enfin, nous avons une featurette intitulée The Women of Candy Snatchers d'une durée de 30 minutes. Il présente Susan Sennett et Tiffany Bolling qui extrapolent sur leur commentaire audio en parlant un peu plus en profondeur de leurs sentiments respectifs vis à vis du tournage et de leurs carrières. Sennett est restée très naturelle et est de toute évidence une personne plutôt réservée, en fort contraste avec une Bolling reliftée et très expansive. Elles dégagent toutes les deux une grande sympathie et malgré leur manque de souvenirs précis, ont beaucoup de choses intéressantes à dire.
Ce CANDY SNATCHERS est une histoire violente et malsaine portée par les personnages et qui va jusqu'au bout de ses promesses extrêmes (voire même au-delà). A quand, une sortie en Z2 ?