Au retour de la guerre du Golfe, le sergent Raymond Shaw se voit remettre la médaille d'honneur pour avoir sauvé avec bravoure son unité prise en embuscade. Une décennie plus tard, le major Bennett Marco reste tourmenté par un cauchemar récurrent où il entrevoit une autre version plus terrifiante de l'incident au Koweit. En effet, la patrouille aurait servi de cobaye à une machination. Sous la mainmise d'une mère sénatrice, Raymond Shaw brigue à présent la vice-présidence des Etats-Unis. Non convaincu du syndrome paranoïaque qu'on lui affuble, Marco tente de faire la lumière. Que s'est-il passé exactement lors de l'opération Tempête du Désert ? Quelle est la clé de ces visions? La quête de la vérité s'avèrera bien pire que ses mauvais rêves.
UN CRIME DANS LA TETE est le remake d'un film noir réalisé en 1962 par John Frankenheimer. Devenu aujourd'hui un grand classique, la version originale affichait un remarquable casting avec Franck Sinatra, Laurence Harvey, Angela Lansbury (la fameuse Jessica Fletcher de la série ARABESQUE), Janet Leigh et Henry Silva. Mais ces deux productions n'existeraient pas sans le roman best-seller de Richard Condon, The Manchurian candidate (de son titre original et paru en 1959) sur lequel ils s'appuient.
Jonathan Demme, le réalisateur de cette version 2004, est connu pour ses précédents métrages tels que LE SILENCE DES AGNEAUX et PHILADELPHIA. Il s'était déjà essayé au remake avec LA VERITE SUR CHARLIE, en 2002, qui reprenait un autre classique : CHARADE interprété par Cary Grant et Audrey Hepburn. Le résultat fut un flop. Sans se décourager, il signe ici un thriller politique et moderne. Le contexte géopolitique de l'époque ne s'appliquant plus, exit le climat de guerre froide et la crainte du communisme. Le film quitte la guerre de Corée pour se tourner vers le Moyen-Orient avec le conflit Irako-koweitien. L'intrigue s'abreuve ainsi de la psychose ambiante aux USA faisant écho aux évènements du 11 septembre 2001.
Même s'il est un pari délicat que de s'attaquer à un classique, ce remake ne se veut pas une pâle copie. Jonathan Demme et son scénariste Daniel Pyne ont modifié certains composants de l'intrigue originale afin de créer un ressenti différent. Dans ce nouveau jus, l'action se recentre sur l'aspect thriller politique en y injectant une paranoïa plus notoire. Cet état est accentué par une mise en scène destinée à nous confondre entre illusion et réalité, à l'instar de ce qu'éprouve le protagoniste Bennett Marco.
Les personnages principaux prennent une tournure différente, certains ont tout simplement été enlevés (comme le beau-père sénateur de Shaw dans la version originale) et d'autres gagnent ou perdent en poids (l'ex-fiancée de Shaw par exemple). Par ailleurs, la première adaptation se penchait plus en profondeur sur la psychologie de ses personnages. La liaison amoureuse entre Shaw et la fille du sénateur concurrent et l'établissement d'une relation amicale entre Marco et Shaw donnait un ton dramatique quant à l'arrivée de certains évènements. Ici, le recadrage d'éléments clé en atténuent malheureusement le choc.
Moins satirique que la première adaptation, le film n'en est pas moins inquiétant par les thèmes abordés : la manipulation de l'esprit, l'avidité de pouvoir sous l'appât du gain et l'influence sous-jacente de corporations multinationales. A ce propos, le recadrage oblige les auteurs de cette nouvelle mouture à trouver une légitimité au "Manchurian" du titre original. Malheureusement, en nommant ainsi une multinationale, cela donne très rapidement des indices révèlateurs. En effet, le film de Jonathan Demme entretient le mystère là où le film de John Frankenheimer révélait dès le départ ce qui s'était réellement déroulé durant le conflit en Corée. UN CRIME DANS LA TETE est aussi dérangeant dans son traitement de la relation mère - fils à tendance incestueuse ce qui était à peine effleuré dans le film original. On obtient, en tout cas, des personnages poignants avec un commandant Marco qui représente un David face au Goliath. Ou encore Raymond, personnage énigmatique et réservé, qui, sous une apparence froide et arrogante, cache une grande fragilité et sa solitude. Comme un pantin, il n'a aucune maîtrise du cours de sa vie, dirigée d'une main de fer par des personnes prêtes à tout pour assouvir leurs ambitions politiques.
Cette version 2004 compte une distribution de choix. Le trio leader s'en sort avec honneur, le challenge étant de trouver celle qui incarnerait le rôle pilier de la mère immortalisé par Angela Lansbury. Défi relevé grâce à Meryl Streep qui plonge de façon saisissante dans ce personnage ambigu et machiavélique. Denzel Washington, qui avait déjà collaboré avec Jonathan Demme pour PHILADELPHIA, interprète très justement le rôle du Major Marco. Sans compter l'étonnante performance de Liev Schreiber, déjà partenaire de Denzel Washington dans HURRICANE CARTER, il a notamment joué dans la série des SCREAM, LA RANÇON et LA SOMME DE TOUTES LES PEURS. On retrouve aussi dans une apparition moindre Jon Voight en candidat concurrent et des invités clin d'oeil comme Roger Corman en secrétaire de parti.
UN CRIME DANS LA TETE est donc un thriller politique inquiétant, efficace et bien rythmé mais qui perd en intensité émotionnelle face au métrage original, les personnages étant moins explorés en profondeur. D'un autre côté son approche est quelque peu différente et il tient le spectateur en haleine pendant deux bonnes heures avec son casting talentueux. On notera aussi que, contrairement au film original, la version 2004 est parfois bien plus noire ne serait-ce que dans les actes commis par Ben Marco alors que Sinatra était bien plus propre et héroïque.
Le DVD du film présente une image anamorphosée pour le 16/9 compatible 4/3 au format 1.78, proche du format cinéma original, avec un transfert qui ne laisse apparaître aucun défaut majeur à l'exception de quelques rares scories. La bande son en dolby digital 5.1 surround tant pour la version française qu'originale nous fait glisser dans la paranoïa ambiante du film. Le disque propose par ailleurs des sous-titres en français, anglais et néerlandais.
Cette édition zone 2 n'est pas avare en matière de bonus. Ceux-ci sont tous sous-titrés en français et en anglais. Le commentaire audio, mené par le réalisateur et son scénariste Daniel Pyne, nous donne quelques informations intéressantes sur l'adaptation du best-seller et du film original par rapport à leur vision. Ceci est malheureusement noyé sous un inévitable flot d'éloges. Cette replongée dans le film se révèle ainsi moyennement captivante et redondante par rapport aux deux featurettes proposées ("L'ennemi est à l'intérieur / La face cachée d'Un crime dans la tête" et "Les acteurs d'Un crime dans la tête") qui se laissent plus facilement regarder. Même si ces séquences n'évitent pas non plus l'aspect promotionnel, elles fournissent plus de précisions sur le travail de l'équipe.
Du reste, Demme et Pyne apportent leur avis en option sur cinq scènes coupées et deux extraits d'interview de la mère sénatrice jouée par Meryl Streep. Le bout d'essai proposé de Liev Schreiber est en fait une discussion entre Raymond Shaw et sa mère, raccourcie au montage final et où l'on sent déjà le côté déviant de leur relation. Pour clore la section, "Experts politiques" (avec ou sans le commentaire de Demme) est un face à face de personnalités donnant leur point de vue sur le contexte politique aux Etats-Unis.
A l'arrivée, UN CRIME DANS LA TETE mouture 2004 est un remake tout à fait convaincant. Le challenge n'était à la base pas évident mais les adaptations faites ici ne gâchent en rien le visionnage et les interprètes se montrent à la hauteur. Bref, c'est un spectacle rythmé et plein de suspens, bien plus appréciable encore si l'on ne connaît pas déjà le film de Frankenheimer. L'édition, quant à elle, propose « à boire et à manger » même si les bonus ne sont pas tous pertinents dû à l'inévitable aspect promotionnel.
