Header Critique : CRAZY LOVE (MONDO MACABRO)

Critique du film et du DVD Zone 0
CRAZY LOVE 1987

L'AMOUR EST UN CHIEN DE L'ENFER 

Le belge Dominique Deruddere grandit dans la ville de Leopoldsburg, dans une famille dont le père est militaire. S'intéressant très tôt au cinéma, il réalise son premier court-métrage à l'âge de 14 ans, puis étudie cet art à Bruxelles, où son film de fin d'étude, KILLING JOKE, récolte un prix prestigieux, en 1980. Après le court-métrage WODKA ORANGE, il envisage de collaborer à un film collectif inspiré par les écrits de l'écrivain Charles Bukowski. Le projet périclite, mais Deruddere maintient le cap en dirigeant un autre court-métrage, A FOGGY NIGHT, inspiré par la nouvelle "La sirène baiseuse de Venice, Californie" de Bukowski. Le producteur Erwin Provoost, enthousiasmé par le résultat, l'invite alors à décliner son oeuvre sous la forme d'un long métrage. Au lieu de prolonger ce récit, Deruddere choisit de construire son film en trois parties, A FOGGY NIGHT devenant alors le troisième et dernier volet.

L'AMOUR EST UN CHIEN DE L'ENFER relate trois moments de la vie de Harry Voss. La première histoire nous le montre enfant, fils unique élevé dans une famille rurale. Harry découvre, les larmes aux yeux, un vieux film d'amour, qui se conclut par un baiser échangé entre le prince charmant et la princesse qu'il vient libérer. Harry parvient à chiper, dans le cinéma où le film est projeté, une photo de cette scène et la ramène chez lui. Tout fier, il la montre à un de ses amis, un garçon plus âgé que lui, lequel décide alors de prendre en main la formation sexuelle du jeune garçon… Harry Voss, déjà, nous est présenté comme un garçon plus sensible et plus poète que la moyenne, mais sa sensibilité va se heurter à la réalité de la vie, et, tout particulièrement, à la réalité des relations hommes-femmes. Ces premières tentatives d'approche de l'autre sexe seront des échecs, notamment à cause de sa timidité.

Sa vie sentimentale va encore être compliquée par une spectaculaire irruption d'acné au cours de son adolescence, irruption qui se prolonge sur deux années. Le soir de la remise du diplôme de fin d'étude, à son lycée, plutôt que d'aller au bal des élèves, il préfère rester chez lui. Un ami vient pourtant le chercher et le force à s'y rendre pour tenter sa chance auprès des filles de son âge. Passant d'un échec à une semi-réussite, Harry finit tout de même la soirée ivre-mort, pour tenter d'oublier son mal d'amour.

On le retrouve, des années plus tard, dans un dancing pour marins, où il rencontre Bill, un vaurien avec lequel il va passer la nuit à se saouler. Par défi, les deux hommes volent le cadavre d'une jeune femme dans un corbillard. Voss s'éprend de la morte.

L'AMOUR EST UN CHIEN DE L'ENFER relate donc la vie de son personnage à travers les trois nuits les plus importantes de sa vie, trois nuits d'échecs sentimentaux pour un homme qui, depuis, son enfance, place tous les espoirs de son existence dans le sentiment amoureux qu'il idéalise. Son idéalisme se heurtant à la réalité extrêmement terre à terre des relations sociales et amoureuses, il se retrouve mis à l'écart, malgré toute la bonne volonté de son entourage. Se réfugiant dans l'alcool, il ne trouve sa place que parmi les marginaux et fait de la prison.

Dans ce triptyque, seul le dernier volet a un rapport direct avec les écrits de Bukowski, les deux premières histoires tissant des rapports plus indirects avec l'œuvre de l'écrivain et reprenant des souvenirs d'enfance de Deruddere. Ce dernier construit ainsi une trajectoire sentimentale rappelant certains films de Fassbinder, dans lesquels des caractères romantiques, idéalistes et assoiffés d'absolu, se brisent sur la médiocrité de la réalité. Comme Harry Voss refuse de se compromettre, la société le rejette, le met à l'écart, mais il obtient l'opportunité d'accomplir son destin, de concrétiser son "amour fou" dans un final mi-pathétique, mi-triomphal.

En inscrivant son film dans trois décennies différentes, Deruddere lui donne des allures «Rétro», particulièrement pour les descriptions de lieux festifs et nocturnes, comme une fête foraine, une fête de lycée ou un bastringue dans une ville portuaire. Très inspiré par la culture américaine, le metteur en scène mêle des ambiances totalement européennes (les marins dansant avec les prostitués, les éclairages dans la brume…) à celles d'un âge d'or américain idéalisé, à base de rock'n roll et de belles voitures. Mais la grande influence qu'il admet volontiers est celle de Coppola, et tout particulièrement de son ambitieux COUP DE CŒUR aux lumières multicolores.

L'AMOUR EST UN CHIEN DE L'ENFER, ce superbe conte mélancolique et intransigeant, rencontre un certain succès critique hors de Belgique, notamment aux USA où Francis Ford Coppola en fait la promotion. Le même Coppola produit le film suivant de Deruddere : BANDINI, tourné aux USA, qui ne connaît pas un grand succès. Depuis, le réalisateur poursuit son chemin en Belgique, avec, par exemple, la comédie EVERYBODY FAMOUS, nominée aux Oscars dans la catégorie meilleur film étranger en 2001. Quelques années après L'AMOUR EST COMME UN CHIEN D'ENFER, "La sirène baiseuse de Venice, Californie" est à nouveau transposé au cinéma, dans le LUNE FROIDE de Patrick Bouchitey.

L'AMOUR EST UN CHIEN DE L'ENFER a déjà été distribué en DVD en Belgique, par la Cinémathèque Royale de ce pays (PAL, zone 2), ce disque incluant un sous-titrage français fort intéressant pour les francophones. L'incontournable éditeur Mondo Macabro nous livre son édition de ce titre, lequel peut paraître, a priori, un peu déplacé dans leur catalogue souvent assimilé à un florilège du cinéma Bis international. Mais, après tout, qu'importe les ostracismes imbéciles, tant que l'insolite et la qualité sont au rendez-vous !

Ce disque propose le film dans son cadrage 1.66 d'origine, avec un télécinéma 16/9. Le résultat est globalement de très bonne qualité, notamment si on considère l'excellente propreté de la pellicule et le rendu naturel des couleurs et des lumières. On regrette juste des traces de compression, parfois insistantes, dans les noirs (générique de début par exemple), qui entachent (très ponctuellement) cet excellent travail.

La bande-son est disponible dans son mixage mono d'origine, en néerlandais, (réparti sur deux canaux), avec une qualité tout à fait suffisante, particulièrement en ce qui concerne la douceur des timbres et la dynamique. Un sous-titrage anglais amovible est disponible.

En supplément, on peut consulter, en néerlandais sous-titré en anglais, le documentaire "The Crazy Love Archives". Apparemment issu du DVD belge, il revient en détails sur la genèse du film à travers de nombreuses interviews. Puis, Mondo Macabro propose une interview récente et exclusive de Dominique Deruddere (25 minutes), en anglais, dans laquelle il apporte des détails supplémentaires (et souvent cocasses) sur L'AMOUR EST UN CHIEN DE L'ENFER. Quelques pages de texte reviennent (en vitesse) sur le cinéma fantastique belge, ce qui est sympathique, mais on en attendait un peu plus de la part de Mondo Macabro. Parmi les suppléments du DVD belge qu'on regrette de ne pas retrouver, signalons les courts-métrages WODKA ORANGE et KILLING JOKE.

Cette édition n'est donc pas la plus complète, mais elle a le mérite de rendre ce titre (dont le langage original est le néerlandais) accessible aux anglophones, tout en proposant des bonus tout de même très intéressants.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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L'édition vidéo
CRAZY LOVE DVD Zone 0 (USA)
Editeur
Mondo Macabro
Support
DVD (Double couche)
Origine
USA (Zone 0)
Date de Sortie
Durée
1h26
Image
1.66 (16/9)
Audio
Dutch Dolby Digital Mono
Sous-titrage
  • Anglais
  • Supplements
    • The Crazy Love Archives (32mn24)
    • Interview de Dominique Deruddere (24mn10)
    • Notes à propos du film et du cinéma Belge
    • Clips sur les autres sorties Mondo Macabro
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