BOX OFFICE (27/01/03)
Miyazaki au septième ciel. Reconnu depuis des lustres par les aficionados de mangas (un genre soi-disant mineur !), le cinéaste japonais laissait les distributeurs et les critiques indifférents malgré la force poétique de ses films. Ses classiques restaient confinés au seul marché asiatique jusqu'à la sortie de PORCO ROSSO en juin 95. Le cochon pilote permit enfin au maître nippon de sortir de l'ombre, timidement mais sûrement, en séduisant 155.000 spectateurs en pleine période de fête du cinéma, au milieu des séries B.
En 99, la réputation de Miyazaki grandissant, le petit distributeur Gebeka films se risque à sortir MON VOISIN TOTORO, magnifique hymne à l'enfance, déjà diffusé auparavant sur Canal Plus et parallèlement disponible en vidéo. L'onirisme subtil de cette œuvre conquit de nouveaux adeptes (238.000 entrées) en période des fêtes de fin d'année, à une époque où l'ogre Disney régnait encore en tyran sur le monde de l'animation.
Mais c'était sans compter la sublime PRINCESSE MONONOKE, reine du box office nippon, tant convoitée par les Américains et surtout par Disney via Miramax (tentative de contrôle d'un concurrent gênant ?) qui allait offrir au manga et à Miyazaki une reconnaissance inédite et définitive pour ce genre mal aimé par l'intelligentsia française. Exit Gebeka, on passe à la vitesse supérieure avec Gaumont Buena Vista aux commandes. Le succès est au rendez vous, à une autre échelle. Chevaleresque, épique, politique et magique, MONONOKE s'illustre par sa subtile conquête du public français : un circuit de salles restreint (84 salles) et un taux de remplissage des salles providentiel. Le film époustoufla 500.000 Français. La presse et le public étaient conquis.
En 2002, le consensus autour de Myiazaki s'affirme davantage encore avec la sortie du mastodonte LE VOYAGE DE CHIHIRO. Ce joli récit initiatique s'offre quelques-uns des plus beaux papiers de l'année et accompagne plus de 1.300.000 rêveurs loin de leur triste routine. CHIHIRO est alors le plus gros succès pour un film japonais sur notre territoire (et à l'international) et côtoie désormais les hauteurs de certaines productions Disney comme PETER PAN 2 ou les intrépides LILO ET STITCH, ce qui était encore impensable trois ans auparavant.
2003, Gaumont, soucieuse de plaire aux nouvelles exigences du public et de renflouer ainsi ses caisses, sort LE CHATEAU DANS LE CIEL, un inédit de Myiazaki datant de 1986. Le film s'offre un joli circuit de 286 salles (environ 30 salles de plus que CHIHIRO). Les dithyrambes tombent un peu partout et les spectateurs embarquent nombreux pour ce beau voyage céleste. Le film démarre sa carrière à 227.000 spectateurs sur tout le territoire (dont 84.000 franciliens). Un joli score pour un dessin animé quasi ancestral pour les jeunes d'aujourd'hui même si l'on est loin des 311.000 entrées de CHIHIRO qui était, il est vrai, sorti en période de vacances scolaires.
Parmi les sorties de la semaine, on notera la cinquième place du PHARMACIEN DE GARDE, le premier film du fils Veber. Cet ovni inabouti qui aborde de front le thriller, le fantastique pseudo gore et la comédie du terroir (sic !), a dérouté 140.000 malades. Sur 245 écrans, c'est franchement mou, mais c'est tout de même mieux que BROCELIANDE qui a fait à peine plus, mais en deux semaines. Décidément les légendaires druides celtes ne font pas recettes.
MAUVAIS PIEGE (TRAPPED) était complètement passé inaperçu aux USA. Il faut dire que son sympathique casting (Kevin Bacon, Charlize Theron, Courtney Love et Stuart Townsend) n'était pas des plus " bankable ". Pas étonnant de voir ce thriller familial passer à la trappe cette semaine en France. Le film n'entre même pas dans le top 10 et doit se contenter de la 11ème place et de 58.000 misérables entrées dans 148 salles. Juste derrière on retrouve le thriller francophile de Jonathan Demme, LA VERITE SUR CHARLIE avec 55.000 entrées France dans 149 salles. Film outrancièrement raté pour certains ou délire kitsch pour d'autres, le film n'a pas laissé insensible. Ce curieux remake du suranné CHARADE répète son bide américain sur le seul territoire où il aurait pu susciter un quelconque intérêt. C'est loupé.
L'injustice de la semaine, c'est INTACTO qui l'a subie. Malgré les efforts des salles UGC qui l'ont défendu corps et âme (avec succès dans leurs multiplexes), le film indiffère les spectateurs français qui font la fine bouche. Ironiquement, cette passionnante dissertation sur la chance semble avoir justement manqué de cette chance qu'elle met en scène. Entre ceux qui l'ont trouvé trop complexe pour un film commercial et ceux qui ont décrié son manque de psychologie et son idéologie douteuse pour un film d'auteur, beaucoup sont restés sur leur faim. C'est bien dommage.
Petit coup d'œil rapide sur le box office américain, toujours très pauvre en fantastique. Un seul film de ce genre se classe dans le top 15 du week end, il s'agit de DARKNESS FALLS qui, même s'il s'accapare la première place, fait un démarrage bien décevant vu la promo et les 2.880 écrans qui lui ont été alloués (12M$ en trois jours). Ce film d'horreur prometteur visait bien plus haut, mais les critiques souvent négatives ont refroidi les spectateurs. Quant au PINOCCHIO de Roberto Benigni, le film est un mégabide. En quatre semaines, le film a engrangé 3.6 M$ dont 16.000 pour son dernier week-end. Dure a été la chute.
Frédéric Mignard aka Zecreep