BOX OFFICE (10/10/02)
Tristesse, le fantastique déserte nos salles. Provisoirement, fort heureusement, mais il faudra tout de même attendre fin octobre pour de nouveau goûter aux gros bouillons d'hémoglobine avec la sortie opportuniste d'HALLOWEEN RESURRECTION.
Un seul film d'horreur est actuellement à l'affiche sur l'hexagone, WISHCRAFT. Son score misérable (44.000 ados mal inspirés sur la France dont 16.000 Parisiens en première semaine) et son niveau zéro d'intérêt en disent long sur l'état de déliquescence d'un genre qui avait connu une heure de gloire commerciale sans précédent à la fin des années 90, le slasher.
Jadis cantonné aux bas fonds du box office, le slasher, genre phare de la production horrifique au début des années 80 n'était jamais parvenu à sortir du ghetto de la série B chère aux aficionados. Certes, quelques franchises ramassaient des dollars par millions (HALLOWEEN, VENDREDI 13 et surtout la série des FREDDY), mais pas de quoi apporter au genre respectabilité artistique et commerciale. Le genre disparut pendant près d'une décennie. Les FREDDY, fiers de 7 volets, s'arrêtèrent, Michael apparut dans un 6ème volet que personne n'a vu et Jason fut tout simplement mis au chômage technique, interdisant tout espoir jubilatoire d'un VENDREDI 13 chapitre 13 !
Mais c'était sans compter le phénomène SCREAM qui allait permettre au slasher de renaître de ses cendres sanguinolentes. Cette honnête série B que personne n'attendait, même pas son Wes Craven de réalisateur, démarra timidement à 6M$ en décembre 96 pour finalement connaître un bouche à oreille sans précédant pour un film de ce genre et dépasser les 100M$ ! Le film connut l'ivresse des critiques dithyrambiques et permit à la jeunesse de découvrir les joies de l'épouvante sur grand écran après 5 ans de diète imposée par une actualité cinématographique sectaire.
Le phénomène SCREAM fit le tour du monde, engendra plusieurs centaines de millions de dollars, deux suites au succès toujours croissant, des ersatz à la pelle en vidéo et au cinéma. Il permit même à Wes Craven de penser l'espace de quelques années qu'il était devenu un grand réalisateur (un comble). Les producteurs peu scrupuleux exploiteront le filon adolescent jusqu'à écoeurement. Appliquant les bonnes vieilles recettes des années 80, ils remettront au goût du jour la comédie à la John Hugues mixée à la comédie politiquement incorrecte à la POLICE ACADEMY. Donnant dans la parodie facile et autoréférentielle (merci Tarantino !), ils toucheront un pactole inédit avec SCARY MOVIE. Le film d'horreur était redevenu un genre porteur.
Qu'en reste-t'il aujourd'hui ? Pas grand chose. Le genre est moribond, le public s'étant lassé de ces formules bon marché, et nourrit donc les rayons des vidéo clubs avec des direct-to-video tellement mauvais qu'ils prennent la poussière dans l'indifférence générale. Reste les chiffres de cet âge d'or, une époque incroyable qui permis à la série B horrifique de côtoyer le blockbuster friqué au point de brouiller la frontière entre les deux. La preuve en chiffre ladies and gentlemen.
Box office français des slashers (1997-2002) :
- SCARY MOVIE - 3.773.551 (octobre 2000)
- SCREAM 3 - 2.654.418 (avril 2000)
- SCREAM 2 - 2.154.244 (juillet 1998)
- SCREAM - 2.043.965 (juillet 97)
- SOUVIENS TOI L'ETE DERNIER - 1.193.441 (janvier 1998)
- SOUVIENS TOI L'ETE DERNIER 2 - 1.125.696 (janvier 1999)
- URBAN LEGEND - 997.764 (mars 1999)
- DESTINATION FINALE - 823.496 (juillet 2000)
- PROMENONS NOUS DANS LES BOIS - 747.843 (juin 2000)
- MORTELLE SAINT VALENTIN - 658.336 (juin 2001)
- HALLOWEEN H20 - 477.293 (décembre 1998)
- URBAN LEGEND 2 - 368.818 (octobre 2000)
- CUT - 169.480 (mai 2000)
- ANATOMIE - 92.642 (mai 2001)
- CHRISTINA'S HOUSE - 77.696 (juin 2001)
- TERROR TRACT - 77.287 (juin 2001)
- JASON X - 76.017 (juillet 2002)
- SOUVENIRS MORTELS - 20.680 (juillet 2001)
Laissons de côté les psychokillers pour jeter un rapide coup d'œil au reste de l'actualité fantastique française. A la surprise générale LA MEMOIRE DANS LA PEAU vole la vedette à MA FEMME…S'APPELLE MAURICE. Ce thriller bat la grosse comédie franchouillarde de Poiré malgré ses quelques 220 de copies en moins. La critique plutôt généreuse et le public curieux permettent au palot Matt Damon d'avoir son premier succès personnel avec 391.761 spectateurs en première semaine. Le film s'installe également en tête du box office parisien avec 118.060 curieux. Néanmoins sur la longueur les spectateurs n'auront aucun mal à préférer la Palme d'or du dernier festival de Cannes, puisque LE PIANISTE de Polanski, 2ème de la semaine, a fait preuve d'une remarquable stabilité dans ses entrées tout au long de la semaine.
La superbe SIMONE peut aller se rhabiller. Après une veste magistrale aux USA (le film ne dépassera pas les 10M$ !), elle déçoit en France où elle ne semble pas profiter d'un bouche à oreille exaltant, perdant environ 50% de ses entrées en 2ème semaine. Elle frôle à peine les 200.000 entrées. Cette fable futuriste ne méritait pas cela.
UFD a sorti PHOTO OBSESSION (quel bien triste titre !) dans un circuit limité. Une bonne idée qui a permis au deuxième long du clippeur favori de Madonna de jouir d'une bonne moyenne par salle, notamment sur la capitale. Le film se dirige d'un pas certain vers les 200.000 entrées France, dont la moitié à Paris. Pas si mal. Aux USA, le film suscite également une certaine curiosité dans un circuit tout aussi limité. Avec un peu moins de 30M$ de recettes pour un budget estimé à 10M$, le film est une bonne affaire pour ses producteurs.
Partons du côté des USA où l'on attendait avec impatience les chiffres du film le plus attendu de la rentrée, DRAGON ROUGE. Les nouvelles aventures d'Hannibal Lecter se devaient de démarrer sur les chapeaux de roues. Les succès successifs du SILENCE DES AGNEAUX (130M$ en 1991) et d'HANNIBAL (165M$ en 2001) devaient permettre au film de Brett Ratner d'avoir une large audience assurée dès son lancement. Le succès est évidement au rendez-vous, puisque le tueur cannibale a dévoré 40M$ en 3 jours, balayant l'énergique Reese Witherspoon et sa comédie romantique SWEET HOME ALABAMA du haut du podium. Le cannibale devrait néanmoins chuter rapidement et finir en de ça des attentes de son producteur (sacré Dino de Laurentiis !). Cela faisait bien longtemps qu'un blockbuster ne s'était pas installé au sommet du box office américain, ce dernier étant dominé depuis quelques semaines par des films que personne n'attendait comme la comédie black THE BARBERSHOP, SWEET HOME ALABAMA, le thriller adolescent SWIMFAN ou le phénomène MY BIG FAT GREEK WEDDING qui est en passe de devenir le film le plus rentable de l'histoire du cinéma. Exit donc LE PROJET BLAIR WITCH et ses brindilles !
Du côté de l'animation, Artisan a lancé ce week-end JONAH : A VEGGIE TALES MOVIE, un cartoon rigolo en images de synthèse pour végétarien exclusivement. Le lancement est réussi avec plus de 6M$ dans 940 salles. Le budget de 20M$ devrait être rentabilisé si le film se maintient en 2ème semaine. Mais la bonne surprise vient de CHIHIRO qui glane encore 600.000 dollars en 3ème semaine. Le très beau film de Miyazaki a l'arrogance d'augmenter ses recettes de 44% et compte bien défendre son titre du plus gros succès japonais de tous les temps sur les terres de Disney. Quel affront quand même.
Frédéric Mignard aka Zecreep