Header Critique : SUICIDE CLUB (JISATSU CIRCLE)

Critique du film et du DVD Zone 1
SUICIDE CLUB 2002

JISATSU CIRCLE 

En pleine heure de pointe, 54 lycéennes se donnent la main puis se jettent simultanément sous les rails du métro. L'horreur de ce suicide collectif monopolise alors l'inspecteur Kuroda et ses hommes, inquiets d'apprendre que ces filles fréquentaient différents établissements scolaires et donc n'étaient pas censées se connaître. Sur les lieux de l'accident, on retrouve une sacoche contenant un ruban constitué de 200 morceaux de peau humaine, dont certains appartiennent aux jeunes décédées. Tandis que le mystère s'épaissit, un informateur anonyme indique à Kuroda l'existence d'un étrange site internet comptabilisant les décès juste avant que ces derniers ne se produisent.

Au fil de l'histoire japonaise, le suicide s'est littéralement implanté dans la culture du pays, qu'il soit traditionnel avec le seppuku (ou hara-kiri) ou encore militaire avec les kamikazes. De nos jours, ce dernier ressurgi de l'inconscient collectif pour malheureusement répondre de manière importante à la peur de l'avenir de la jeune génération, écrasée par la pression et la compétitivité sociale imposée par la grave crise économique du pays. Le phénomène prend encore plus d'ampleur à la fin des années 90 avec l'apparition des «Jisatsu BBS», des forums internet spécialisés. Ces derniers font office de lieu de rencontre entre désespérés, où l'organisation de suicides collectifs parvient à créer l'illusion d'un objectif commun pour des jeunes souffrant beaucoup de solitude. Une sorte de «mode» se met ainsi en place, faisant du suicide un problème de santé majeur au Japon.

Avant d'être cinéaste, Sion Sono est un artiste engagé. Poète à 17 ans, il se tourne peu à peu vers l'image en bricolant des films expérimentaux. Remarqué au Pia Film Festival (l'équivalent japonais de Sundance), l'homme enchaîne les longs-métrages qu'il dirige, écrit et interprète à l'occasion. Parallèlement à son activité cinématographique, Sion Sono fonde le mouvement Tokyo Ga Ga Ga, un collectif artistique radical mélangeant poésie et performance de rue. Témoin de la vague de suicide qui secoue le pays, Sono réagit en écrivant compulsivement le scénario de SUICIDE CLUB (aussi connu sous le nom SUICIDE CIRCLE), un film coup de poing destiné à secouer une jeune génération en plein renoncement.

Produit par Omega Pictures, la société derrière RING et une bonne partie du revival horrifique nippon initié par ce dernier, SUICIDE CLUB n'a pourtant rien d'un énième film d'angoisse. Le film s'aventure très franchement dans le discours social provocateur, le tout noyé sous les artifices du cinéma de genre. Pour traiter frontalement du suicide, Sion Sono invoque les règles du thriller, les hectolitres de sang du cinéma gore, ainsi que les pétages de plomb réservé aux films dit OVNI. Le principe est fondamentalement le même que dans BATTLE ROYALE, où la place de la jeunesse japonaise était traitée à la manière d'un survival outrancier et pince sans rire.

Après un détour incongru vers le film d'angoisse (sans aucun doute histoire de noyer le film dans la masse des métrages post-RING), la première partie du film prend clairement le chemin de l'enquête policière. Le point de vue se fixe sur l'équipe de l'inspecteur Kuroda, chargé de résoudre les énigmes croisées des suicides, du site internet prophétique et de l'ignoble ruban de peau humaine. Dans le rôle des trois principaux policiers, les amateurs retrouveront d'emblée des comédiens bien connu : Ryo Ishibashi (AUDITION de Takashi Miike), Masatoshi Nagase (un habitué de Sogo Ishii, de GOJOE à DEAD END RUN) et Akaji Maro (GEMINI de Shinya Tsukamoto, L'ETE DE KIKUJIRO de Takeshi Kitano).

Si l'intrigue se montre rapidement palpitante et prometteuse, Sion Sono décide pourtant de la tuer dans l'œuf à mi-course. Un moyen de coller à son sujet en suicidant sa narration principale ? Ce parti pris radical est autant frustrant qu'il fait toute la spécificité de SUICIDE CLUB. Car le film prend tout son intérêt dans sa mosaïque de séquences et de directions s'emboîtant parfois étrangement. Sono n'a pas de discours moralisateur ou paternaliste à faire valoir et préfère de loin traiter son sujet en faisant justement perdre tout repère à son spectateur.

Critique de l'esprit trop influençable de la jeune génération (voir le groupe de lycéens se jetant spontanément du toit de l'école sous prétexte que le suicide est à la mode), charge contre la régression de la société japonaise (qui fait un triomphe à un groupe de girls band constitué de gamines de 12 ans), ironie vis-à-vis du culte de la célébrité (avec cette fausse secte composée de glam rockers), SUICIDE CLUB tape un peu partout et malheureusement parfois un peu dans le vide. Et si dans sa toute dernière partie le film se trouve enfin un personnage principal, une jeune fille faisant sa propre enquête sur le suicide de son compagnon, c'est pour mieux nous perdre dans une conclusion aussi osée que déconcertante.

A l'instar de BATTLE ROYALE, SUICIDE CLUB ne profite aucunement d'un grave problème de société pour racoler un spectacle bas de gamme. Il est juste un électron libre dans le paysage cinématographique, malmenant son spectateur comme pour mieux dénoncer son sujet. Certes on retiendra de prime abord les embardées trash du film (comme cette séquence où une mère de famille se tranche méthodiquement la main sous les yeux de sa petite fille, le tout sur fond musical de j-pop enfantine), mais cela ne doit en rien masquer le fait que SUICIDE CLUB est avant tout un vrai film en colère. A voir en priorité comme une expérience.

Pour visionner SUICIDE CLUB en DVD avec sous-titres anglais, il faut se tourner vers le zone 1 édité par TLA Releasing en faisant bien attention puisqu'il existe deux éditions (une en version intégrale et l'autre censurée). Malheureusement, le disque ne se montre pas d'une grande qualité. Le film, au format, n'est pas anamorphosé pour le 16/9. Très gênant, la colorimétrie semble altérée puisque, outre une image bien terne, les nombreux effets gores paraissent quasi-orange à l'image (un peu comme le final de TAXI DRIVER). Un choix d'étalonnage qui n'est pourtant pas dû à l'auteur du film. La piste audio, en stéréo, ne pose en revanche pas de problème.

La section bonus est bien entendu limitée : une galerie photo et une poignée de bandes-annonces issues du catalogue de l'éditeur. Parmi ces dernières, il n'est pas inintéressant de visionner celle de SUICIDE CLUB. Complètement hors contexte, elle donne à voir une photocopieuse dégueulant littéralement des mètres de cheveux noirs. Une séquence évidemment inédite au film et destinée à faire passer, non sans efficacité, le métrage pour un énième rip-off de RING.

S'il y a un film qui risque de diviser, c'est bien SUICIDE CLUB. Sur un sujet suffisamment chaud, son auteur prend le parti de malmener son spectateur dans un dédale de provocations et de faux-semblants. A tous ceux qui se sentiront d'encaisser le choc, SUICIDE CLUB se révèlera à n'en point douter une surprise étonnante et radicale qu'il sera difficile d'oublier de sitôt.

Rédacteur : Eric Dinkian
Photo Eric Dinkian
Monteur professionnel pour la télévision et le cinéma, Eric Dinkian enseigne en parallèle le montage en écoles. Il est auteur-réalisateur de trois courts-métrages remarqués dans les festivals internationaux (Kaojikara, Precut Girl et Yukiko) et prépare actuellement son premier long-métrage. Il collabore à DeVilDead depuis 2003.
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L'édition vidéo
JISATSU CIRCLE DVD Zone 1 (USA)
Editeur
TLA
Support
DVD (Simple couche)
Origine
USA (Zone 1)
Date de Sortie
Durée
1h39
Image
1.85 (4/3)
Audio
Japanese Dolby Digital Stéréo
Sous-titrage
  • Anglais
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