Will Kane se marie et s'apprête à quitter la ville en compagnie de sa femme après avoir remis son étoile qui faisait de lui l'homme de loi de la ville. C'est à ce moment qu'il apprend que Frank Miller doit arriver par le train de midi avec la ferme intention de tuer celui qui l'a envoyé en prison, autrement dit de LE tuer. Il ne reste plus dès lors qu'un peu moins d'une heure et demi à Will Kane pour trouver de l'aide afin de faire face à Frank Miller et ses trois hommes de main.
Au moment où Carl Foreman entame l'écriture du TRAIN SIFFLERA TROIS FOIS, la chasse aux sorcières démarre à Hollywood et le scénariste fait partie des personnalités qui sont montrées du doigt. Persuadé qu'il s'agit du dernier film qu'il lui sera possible de rédiger, l'écriture s'en ressent profondément au travers même du sujet de son scénario. Le shérif Will Kane aimé de quasiment toute la population voit tout le monde lui tourner le dos en moins d'une heure, y compris son épouse. Chacune des portes auxquelles il frappe pour demander de l'aide lui amène son lot de lâchetés et de fausses raisons pour éviter de s'impliquer dans une situation qui deviendra pourtant la leur assez vite ! Les portes qui se ferment et les amis aux abonnés absents, Carl Foreman les retranscrit dans son film de la même façon qu'il a du avoir affaire à eux dans la vraie vie. Seule solution au problème, on demande à Will Kane de partir pour son propre bien ! Ironie du sort, Carl Foreman sera lui aussi obligé de fuir en Angleterre plus ou moins au moment où LE TRAIN SIFFLERA TROIS FOIS sort sur les écrans américains !
Mais auparavant, il aura fallu monter ce projet qui s'avérait dès le départ assez difficile étant donné la position de Carl Foreman ainsi que du contenu du film. Stanley Kramer, avec qui il a déjà plusieurs fois collaboré avec entre autre une version de CYRANO DE BERGERAC avec José Ferrer ou C'ETAIENT DES HOMMES de Fred Zinnemann, accepte de produire le film mais pour un budget très limité (750.000 dollars). Du fait des contraintes budgétaires, le film sera d'ailleurs tourné en noir et blanc et une très grande partie du film sera réalisée en studio. Bien que voulant réaliser le film lui-même, Carl Foreman se voit écarté au profit de Fred Zinnemann jugé bien plus chevronné au poste de réalisateur. Finalement, Carl Foreman ne réalisera aucun film dans sa carrière ! Enfin, pour éviter des soucis juridiques, et ce, même si le scénario a été écrit par Carl Foreman, il est décidé d'acheter les droits de la nouvelle «The Tin Star», qui venait d'être publiée par John Cunningham et qui contient de grosses ressemblances avec LE TRAIN SIFFLERA TROIS FOIS.
Reste à trouver l'acteur idéal. Carl Foreman a en tête Henry Fonda pour incarner Will Kane. Mais l'acteur est retenu sur un autre tournage et ne peut pas se libérer. Proposé à Gregory Peck, celui-ci ne donne pas suite à l'offre simplement parce qu'il estime que le rôle ressemble beaucoup trop à LA CIBLE HUMAINE qu'il a tourné à peine deux ans auparavant. Contre toute attente, c'est Gary Cooper qui accepte de jouer le rôle pour un cachet ridicule en comparaison de ce qu'il reçoit habituellement mais en contrepartie demande un pourcentage sur les profits.
Pour sa deuxième apparition au cinéma, Grace Kelly trouve un grand rôle ici puisqu'elle incarne la jeune épouse de Will Kane. De son côté, Lee Van Cleef fait sa toute première apparition sur grand écran dans le rôle de l'un des tueurs qui attendent le train. Bien plus confirmé à l'époque, le casting est aussi composé de l'excellent Lloyd Bridges, Katy Jurado, Thomas Mitchell et Lon Chaney Jr. Mais c'est bel et bien Gary Cooper dans son rôle d'homme intègre prêt à mourir pour le bon droit qui s'impose comme une véritable icône du Western. Une interprétation qui vaudra à l'acteur son deuxième Oscar après celui qu'il reçut pour SERGENT YORK d'Howard Hawks une dizaine d'années auparavant !
Dans les années 50, LE TRAIN SIFFLERA TROIS FOIS n'est pas un Western comme les autres. La critique américaine ne s'y trompe pas et, alors que le Western est un genre habituellement considéré comme du cinéma d'exploitation à l'époque, le film se voit nominé pour sept Oscars et en rapporte quatre. Le film écrit par Carl Foreman et réalisé par Fred Zinnemann dépeint un personnage principal en contradiction avec la figure du héros traditionnel. Will Kane est un homme tout à fait normal qui avoue avoir peur de ce qui l'attend. Le film prend d'ailleurs largement la route du drame psychologique. Le suspense n'est créé, tour de force, que par l'attente de l'arrivée du train et l'action se résume à seulement deux séquences dont une assez courte ! De plus, le film a la particularité de se dérouler plus ou moins en temps réel.
Le personnage principal du TRAIN SIFFLERA TROIS FOIS est assez atypique et il en va de même de la vision de l'Ouest sauvage que peut renvoyer le film de Fred Zinnemann. L'héroïsme des colons américains qui ont fait les villes des Etats-Unis en prend un sacré coup puisque certains d'entre eux choisissent de préserver leurs intérêts ou leur sécurité plutôt que d'agir et aider la loi : l'un d'entre eux ne vient-il pas à évoquer les investisseurs et autres usines qui pourraient venir s'installer dans la petite ville, ce qui assurerait son essor. Un développement d'ailleurs aidé en son temps grâce à l'action de Will Kane lorsqu'il expédia le bandit Miller en prison. Les personnages sont autant en contradiction que pouvait l'être LE TRAIN SIFFLERA TROIS FOIS avec les Westerns de la même époque.
Avec le temps, LE TRAIN SIFFLERA TROIS FOIS aura vu l'un de ses atouts se transformer en léger défaut aux yeux des spectateurs qui le trouveront trop daté ou mièvre. Pourtant, la chanson qui ponctue le film garde un charme rétro indéniable. Composée par Dimitri Tiomkin, comme la musique instrumentale du film, «Do not forsake me, oh my darling» se transforme en «Si toi aussi, tu m'abandonnes» pour l'exploitation française. Le DVD donne ainsi la possibilité de comparer les deux versions de cette chanson. C'est d'ailleurs bien le seul et unique supplément que l'on peut essayer de dénicher sur cette édition DVD qui, en dehors du film, ne comporte rien d'autre !
Au début des années 80, Jerry Jameson réalisera une suite tardive titré HIGH NOON II : THE RETURN OF WILL KANE et dont le scénario est signé par Elmore Leonard. Une nouvelle fois Will Kane devait se tenir droit pour faire respecter la justice mais sous les traits de Lee Majors et non plus de Gary Cooper. De son côté, au même moment, Peter Hyams réalisera une sorte de remake du film original mais dont l'action se voit transposée dans l'espace avec OUTLAND, LOIN DE LA TERRE. La veuve de Stanley Kramer a produit un véritable remake pour la télévision par la suite qui s'intitule fort sobrement HIGH NOON et mettant cette fois en scène Tom Skerritt en lieu et place de Gary Cooper. Et n'oublions pas non plus, au delà de cette suite et variation, les divers hommages données au TRAIN SIFFLERA TROIS FOIS ne serait-ce que par Sergio Leone dans IL ETAIT UNE FOIS DANS L'OUEST ou, bien plus récemment, le titre SHANGAI NOON (impossible à traduire et donc renommé SHANGAI KID dans plusieurs pays dont la France).
Paramount ressort LE TRAIN SIFFLERA TROIS FOIS en Europe alors qu'il existait déjà une édition DVD en France. Edité depuis belle lurette par les Editions Montparnasse, le film y était proposé tout seul et sans aucun supplément d'aucune sorte. Entre-temps, le film est sorti un peu partout et l'on dénombre même deux versions différentes rien que pour les Etats-Unis. La première est une édition simple, si l'on peut dire, qui comporte pourtant un documentaire donnant la parole à plusieurs intervenants dont Lloyd Bridges, Fred Zinnemann et Stanley Kramer. La deuxième édition plus fournie, elle aussi labellisée THX, est encore plus fournie (commentaire audio, documentaire supplémentaire, etc…). Cinq ans ont passé depuis la première édition française et la ressortie en France laissait donc présager un traitement de faveur… Malheureusement, il n'en est rien puisque comme déjà dit plus haut, cette édition DVD ne contient rien de plus que le film.
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Première constatation, le transfert miteux qui laissait apparaître lors des mouvements de vilains halos colorés sur certains contours de l'image noir et blanc a disparu. Un grand nombre de rayures se sont aussi envolées même s'il en reste encore quelques-unes. Le noir et blanc est cette fois bien retranscrit avec un excellent contraste, ce qui n'était absolument pas le cas de l'édition précédente. Le DVD est vide de suppléments mais au moins l'image est traitée avec un grand respect et offre un transfert d'excellente facture ! En ce qui concerne la section sonore, il ne faut pas trop en demander. La piste sonore anglaise est la plus claire alors que le doublage français semble un peu plus étouffé. C'est plus que largement convenable.
Ce nouveau DVD a au moins l'avantage de présenter le film dans de meilleures conditions que le précédent, à défaut de ne pas proposer plus que le film. En effet, à l'instar du shérif Will Kane, LE TRAIN SIFFLERA TROIS FOIS se retrouve bien seul alors qu'il aurait été plus que bienvenu de donner un éclairage sur l'un des plus grands Western américains par l'entremise de quelques suppléments.