Comme OBJECTIF TERRE, MISSION APOCALYPSE, son prédécesseur dans la série, GODZILLA VS. MEGALON (mieux connu en France sous le titre GODZILLA 80) est une réalisation de Jun Fukuda. Cela fait alors un moment que la saga des Godzilla semble sur la pente descendante. Au cours de la seconde moitié des années 1960, des décisions artistiquement discutables sont prises : on cherche à humaniser le monstre (en lui donnant un fils, par exemple, dans LA PLANÈTE DES MONSTRES), ou bien on multiplie le nombre de créatures apparaissant dans les combats. Qui plus est, le public se désintéresse progressivement de ces aventures, et les budgets se font de plus en plus ténus. Enfin, la mort, en 1970, d'Eiji Tsuburaya, le mythique spécialiste des effets spéciaux de la Toho, semble aussi sonner le glas d'une époque.
La production de GODZILLA VS. MEGALON se fait dans une certaine panique. Le temps de préparation est extrêmement court, si bien que le scénariste Senichi Sekisawa n'a que le temps de proposer une histoire générale. Fukuda va devoir la compléter au dernier moment. En ce qui concerne les effets spéciaux, les frais sont rabotés, et des stock-shots provenant d'autres films Toho sont employés pour plusieurs séquences de destruction. On retrouve l'enfant-acteur Hiroyuki Kawase (déjà vu dans GODZILLA CONTRE HEDORA, titre vidéo), tandis qu'Antonio, l'empereur de Seatopia, est incarné par Robert Dunham, un américain résidant alors au Japon et apparu dans des titres comme MOSURA ou BATAILLE AU-DELÀ DES ÉTOILES.
Excédé par des essais nucléaires effectués dans l'océan Pacifique, le mystérieux peuple souterrain de Seatopia provoque un tremblement de Terre qui ouvre une faille dans la croûte terrestre. A partir de cette fissure, leur empereur Antonio libère le monstre géant Megalon, chargé de punir les habitants de la surface. Pendant ce temps-là, des espions de Seatopia s'introduisent chez l'ingénieur Goro Ibuki afin de prendre le contrôle de son robot Jet Jaguar, qu'ils comptent utiliser pour aider Megalon. Heureusement, Goro parvient à reprendre le commandement de Jet Jaguar, et le charge d'aller demander l'aide de Godzilla. Le lézard atomique accepte de combattre contre Megalon...
Dans GODZILLA VS. MEGALON, la Toho introduit deux nouvelles créatures. Du côté des méchants, Megalon est un insecte géant dont la tête est surmontée d'une antenne projetant des rayons destructeurs. Ses deux pattes avant peuvent former une foreuse surpuissante, lui permettant de voyager sous terre à sa guise. Les gentils, eux, bénéficient de l'aide de Jet Jaguar, un robot capable de changer de taille à volonté, ce qui lui permet de combattre efficacement les monstres géants. Si Megalon n'est qu'un monstre de plus dans le bestiaire très fourni de la science-fiction japonaise, Jet Jaguar est un cas un peu à part. Il s'agit, pour la vénérable compagnie cinématographique, de surfer sur la vague des super-héros japonais (comme celui de la série télévisée URUTORAMAN, alias Ultraman) et des robots géants (dans le style de MAZINGER Z), des personnages qui rencontrent alors un énorme succès auprès du jeune public japonais.
Cela fait en effet un moment que Toho cherche à séduire les spectateurs les plus juvéniles (on se souvient de GOJIRA, MINIRA, GABARA : ORU KAIJU DAISHINGEKI, dans lequel le personnage principal était un enfant), et elle persiste ici en proposant, parmi les héros, un petit garçon à l'utilité dramatique assez discutable. Enfin, en vue d'assurer des batailles suffisamment homériques, on rencontre, en plus des deux nouvelles recrues, Gigan, apparu dans OBJECTIF TERRE, MISSION APOCALYPSE.
GODZILLA VS. MEGALON commence à la manière d'un film d'espionnage. Après avoir assisté à un mystérieux séisme, l'ingénieur Goro, son petit frère Rokuro et leur ami Hiroshi se rendent compte que leur maison a été fouillée. Ils doivent alors affronter deux étranges agents secrets, très intéressés par Jet Jaguar, le robot que Goro construit dans son atelier. Poursuites, enlèvements et bagarres ponctuent alors cette aventure dont l'ambiance très "Pop BD" est délicieusement surannée. Certes, tout cela est assez confus, mais le rythme étourdissant des rebondissements et l'ambiance assez légère de l'ensemble font patienter jusqu'à...
Jusqu'à l'arrivée de Megalon et les apparitions des autres monstres ! Les destructions commises par Megalon et son affrontement avec les forces armées japonaises laissent certes à désirer, d'autant plus que ces séquences puisent abondamment dans des stock-shots facilement décelables. Toutefois, l'affrontement final entre les quatre monstres géants est un moment d'anthologie. Calquant sa dramaturgie sur celle d'un combat de catch (deux méchants s'en prennent déloyalement à un gentil, en multipliant les coups bas, puis un second gentil arrive et corrige les tricheurs), ce combat délirant multiplie les inventions les plus folles et vire rapidement au burlesque le plus échevelé.
Godzilla arrive sur le champ de bataille en trottinant comme un boxeur ; il prend des poses de Karatéka ; les méchants monstres rigolent de leurs mauvais coups ; Jet Jaguar fait des prises de judo sur une bande-son funky-rock ; Megalon se déplace en bondissant comme un kangourou... Tout cela est-il bien sérieux ? Il y a certainement un parfum parodique qui plane au-dessus de ce GODZILLA VS. MEGALON, et cet épisode est, en général, considéré comme un des plus mauvais de la série par les puristes avides de science-fiction sérieuse : ces derniers se plaignent de voir le Roi des Monstres sacrifier sa majesté et être réduit à un rôle assez bouffon. Enfin, il n'est pas inexact de constater que ce film accumule des défauts plus objectifs, comme ce personnage-enfant irritant, une intrigue bâclée (Gigan arrive comme un cheveu dans la soupe), un manque de moyens évident et le recours à des effets spéciaux pas toujours irréprochables.
Pourtant, par son atmosphère insouciante et colorée, ainsi que par son ton décontracté, GODZILLA VS. MEGALON s'affirme comme un divertissement assez fou et bien sympathique. Au Japon, ce sera pourtant un échec commercial grave, à savoir le premier des Godzilla à faire moins d'un million d'entrées dans son pays d'origine. Aux États-Unis, il sort en 1977, dans une version légèrement tronquée, et y connaît un assez beau succès. En France, il est aussi distribué en salles, sous le titre GODZILLA 80.
Godzilla reviendra en tous cas dès l'année suivante dans GODZILLA CONTRE MECANIK MONSTER (alias GODZILLA VS. MECHAGODZILLA en DVD français), toujours dirigé par Jun Fukuda. Par contre, ses trois compères, Gigan, Megalon et Jet Jaguar ne sont pas, jusqu'à aujourd'hui, réapparus dans des films de monstres.
GODZILLA VS. MEGALON est donc édité en France chez Aventi, dans le cadre de leur nouvelle collection Godzilla. Il s'agit bien de la version complète du film, et non de celle légèrement "cut" qu'on trouve en DVD américain. Ce DVD bénéficie d'une copie relativement propre (malgré quelques rayures discrètes, quelques poinçons de fin de bobine et des stock-shots abîmés d'origine). Le cadrage scope (2.35) est à peu près respecté, même si l'on note que le format se situe visiblement entre le 2.0 et le 2.3. Cela semble confirmé par de légères pertes d'informations sur les côtés (au cours du générique notamment). On regrette peut-être des contrastes manquant de profondeur dans les scènes sombres, et, surtout, l'absence d'option 16/9. Toutefois, les couleurs sont bien équilibrées, la définition est globalement acceptable et le film se laisse tout à fait regarder.
La bande-son est proposée en version originale (japonais mono, codé sur deux canaux) et a tendance à saturer et à être assez stridente. Cela est toutefois commun pour les Godzilla de cette époque. Un sous-titrage français est disponible et imposé. On regrette l'absence du doublage français, qui a sans doute été enregistré à l'occasion de la sortie du film dans nos salles. On ne trouve pas de bonus sur ce disque, mais celui-ci est vendu, à un prix modeste, avec un autre film : GODZILLA ET MOTHRA, datant de 1993.
Même si elle n'est pas parfaite, cette édition de GODZILLA VS. MEGALON reste la seule solution pour découvrir ce titre dans sa version intégrale.