La science-fiction est, dans le cinéma hindi, un genre peu abordé. Si le fantastique y est représenté, c'est avant tout par le biais du merveilleux (mythologie indienne ou mille et une nuits...) et, dans une moindre mesure, de l'épouvante. Certes, quelques thèmes classiques du genre ont été transposés, comme l'homme invisible (MR. INDIA), ou Jekyll et Hyde (CHEHRE PE CHEHRA). Mais ces tentatives restent ponctuelles, et l'anticipation est une denrée rare du côté de Bombay. KOI... MIL GAYA, réalisé et co-écrit par Rakesh Roshan, fait donc figure d'O.V.N.I. dans ce paysage.
Fils du compositeur Roshan, Rakesh Roshan commence dans le cinéma comme acteur, avant de passer, au milieu des années 1980, à la réalisation. Il connaît un grand succès avec le triomphe commercial de KAHO NAA... PYAAR HAI en 2000, qui recueille 350 millions de roupies de recette. De plus, ce "hit" propulse son jeune premier Hrithik Roshan, fils du réalisateur, mégastar du jour au lendemain. Finalement, Rakesh Roshan décide de prendre un risque assez sérieux en tentant l'inédit : produire et réaliser un blockbuster de science-fiction dans le cadre du cinéma hindi. Un énorme budget de 350 millions de roupies est alors investi. Intéressé par les effets spéciaux de INDEPENDANCE DAY, il recrute, pour les apparitions du vaisseau spatial, James Colmer et Laura Denman, qui avaient travaillé sur le film de Roland Emmerich. Les extra-terrestres sont conçus par l'australien Marc Kolbe. Outre Hrithik Roshan qui incarne le rôle principal, on trouve d'autres grandes vedettes du cinéma indien, comme le comique Johnny Lever, l'actrice mannequin Preity Zinta, ou la star Rekha, pour laquelle l'année 2003 a été vraiment "fantastique", puisqu'on l'a aussi vue dans le film d'horreur BHOOT. Enfin, Rakesh Roshan lui-même joue le rôle du père de Rohit.
Sanjay Merah, un passionné d'astronomie, envoie régulièrement des signaux sonores dans l'espace grâce à un ordinateur qu'il a lui-même créé. Un jour il reçoit une réponse et en déduit qu'il existe une forme de vie intelligente dans le cosmos. Alors qu'il est au volant de sa voiture, de nuit, un vaisseau spatial apparaît et semble chercher à le contacter, ce qui confirme ses théories. L'émotion lui fait alors perdre le contrôle de son véhicule... Il meurt dans l'accident, tandis que sa femme, enceinte, n'est que blessée. Le bébé, Rohit, naît. Mais, suite à ce choc pré-natal, il est affligé d'un défaut du cerveau qui le condamne à rester toute sa vie avec le niveau intellectuel d'un enfant. Malgré un naturel gentil, il souffre de sa différence, d'autant plus qu'il s'éprend de la belle Nisha, une fille de son âge...
Comme on l'a vu, la réalisation d'une grosse production de science-fiction en Inde est un défi assez audacieux. Toutefois, Rakesh Roshan limite les risques en implantant les éléments d'anticipation dans un cadre fidèle à la formule classique du cinéma hindi. L'essentiel du récit est basé sur le mélodrame (Rohit rejeté par les gens de son âge et protégé par sa courageuse maman) et la romance (entre Rohit et Nisha). Les mauvais garçons de la région, que le jeune simplet se met à dos, roulent en moto, ce qui donne lieu à quelques cascades et scènes d'action. Enfin, on a, bien entendu droit à six numéros musicaux. Ainsi, l'extra-terrestre Jaadoo a le droit à sa chanson "Jaadoo Jaadoo", donnant lieu à une joyeuse farandole dans les montagnes : grâce à ses pouvoirs d'outre-espace, il fait quelques tours de magie, tandis que ses amis gambadent à travers un paysage montagnard resplendissant (KOI... MIL GAYA a été en partie filmé au Canada), dans des ballets inspirés par LA MÉLODIE DU BONHEUR.
Changements de costumes incessants, abondante figuration, invention des chorégraphies, mouvements de grue délirants... : c'est certainement dans les scènes de ballet, et particulièrement dans les deux dernières, que le film atteint vraiment son apogée dans l'énergie et la bonne humeur. En effet, si Hrithik Roshan s'avère un comédien discutable, il n'en est pas moins un excellent danseur qui mène remarquablement ces séquences. Les plus attentifs des spectateurs remarqueront tout de même, dans la bande "originale" de nombreux emprunts à des musiques de film ou tubes occidentaux : le plus flagrant est sans doute "Trans Europe Express" du groupe allemand Kraftwerk, qui sert ici de mélodie permettant de communiquer avec les extra-terrestres !
Mais... et la science-fiction dans tout cela ? Il faut bien reconnaître que Rakesh Roshan reste bien prudent dans ce domaine. Une fois passé le prologue, assez nettement fantastique, il faut attendre une grosse heure avant que l'extra-terrestre Jaadoo ne pointe le bout de son nez. Une fois arrivé sur Terre, ce petit personnage à la peau bleue est recueilli par Rohit, dont il devient le meilleur ami. Décalquant ces passages sur le E.T. de Spielberg, Roshan semble, en fait, nettement favoriser l'histoire d'amour entre Nisha et Rohit, histoire dont l'extra-terrestre n'est qu'un rouage bien commode. Grâce à lui, Rohit devient fort et intelligent, et peut enfin séduire l'élue de son cœur. Accessoirement, Jaadoo aide Rohit à se venger des garçons qui l'humiliaient et se moquaient de lui. Somme toute, ce n'est qu'au dénouement du film, lorsque l'idylle entre les tourtereaux est bouclée, que KOI... MIL GAYA semble s'intéresser effectivement à son sujet d'anticipation !
De plus, il ne faut pas se voiler la face : il s'agit avant tout d'un film familial, très conventionnel, et assez infantile et superficiel. KOI... MIL GAYA empile les facilités (mélo larmoyant pour la mère de Rohit, happy end final peu cohérent...), et son approche de la science-fiction ne vole pas très haut. Elle donne même lieu à des passages objectivement assez sots (le match de basket-ball...).
C'est l'évidence que, avec KOI... MIL GAYA, Rakesh Roshan n'a pas cherché à rivaliser avec SOLARIS ou 2001, L'ODYSSÉE DE L'ESPACE. Mais il réalise néanmoins un film modeste, sympathique et coloré, sans autre prétention que de proposer un luxueux divertissement. En Inde, il connaît un énorme succès à sa sortie, en été 2003.
Le DVD de KOI... MIL GAYA est publié en Inde par Yash Raj Films (NTSC, multizone). Le disque propose le film dans son cadrage 2.35 d'origine, avec option 16/9. Il est clair que la qualité n'est pas du niveau de ce qu'on peut attendre d'un blockbuster américain récent. Le télécinéma fait montre de pas mal de petites saletés blanches, tandis que la définition et la compression ne sont pas toujours impeccables. Ces petits défauts restent néanmoins superficiels et ne gênent en aucun cas la vision du film. On regrette encore l'apparition de logos "Yash Raj Films" sur l'écran au début de numéros musicaux (mesure anti-piratage ?).
La bande-son d'origine (hindi avec des passages en anglais) est proposée dans un mixage Dolby Digital 5.1 de très bonne qualité. Globalement assez discret, il ne se manifeste bruyamment que lors des apparitions du vaisseau extra-terrestre, ou bien pour se déchaîner au cours des séquences musicales. Un sous-titrage anglais optionnel est disponible.
En bonus, on trouve la bande-annonce du film, ainsi qu'un menu spécial permettant de consulter séparément les six numéros musicaux de KOI... MIL GAYA. Enfin, le lancement du DVD impose la vision d'une publicité pour quelques produits de son éditeur. On peut y échapper en pressant la touche menu. Il n'empêche que c'est un peu agaçant...
Cette édition, même si elle n'est pas parfaite, reste acceptable et semble être la seule manière de pouvoir consulter ce film actuellement.