Tandis que la jeunesse se rebelle en masse contre l'institution, le gouvernement japonais met au point la loi «Battle Royale» : une classe de lycéens tirée au sort doit s'entretuer jusqu'au dernier, et ce pour l'exemple. Rescapé du premier épisode, Shuya Nanahara a formé les Wild Seven, un groupuscule terroriste ayant déclaré la guerre aux adultes. Extrémiste, ce dernier est notamment responsable de l'explosion des principales tours du centre de Tokyo, provoquant de ce fait des milliers de morts. Pour contrer cette nouvelle menace et étouffer la sympathie de la jeune génération envers les Wild Seven, le gouvernement modifie le Battle Royale : toujours tirée au sort, une classe de lycée est forcée de débusquer les terroristes sur leur petite île et les exterminer.
Apparu en 2000, BATTLE ROYALE premier du nom fit l'effet d'une petite bombe. Sa réputation de satire hyper violente attisa la curiosité du monde entier, et le film bénéficia d'une sortie internationale d'une envergure non négligeable pour un film japonais. Ce succès mérité récompensa l'audace du métrage tout en offrant (enfin) un éclairage nourri sur son réalisateur Kinji Fukasaku, franc tireur du cinéma nippon à qui l'on doit des chef-d'œuvres du film de Yakusa. L'idée d'une suite fut rapidement mise sur les rangs, avec la rumeur d'une nouvelle session de Battle Royale cette fois en plein Tokyo.
Kinji Fukasaku n'est malheureusement plus tout jeune (il a soufflé sa 77e bougie sur le tournage de BATTLE ROYALE). Lors de l'annonce de la mise en route de cette suite, le réalisateur avoue qu'il souffre d'un cancer et qu'il ne lui reste plus que quelques mois à vivre. De quoi mener à bien le tournage de ce dernier film. Malgré ses efforts, Fukasaku succombera quelques jours après le début des prises, laissant sa place de réalisateur à son fils Kenta. Scénariste et producteur du premier et du second, c'est naturellement que le fils va prendre le relais du père, avec la promesse de servir au mieux les ambitions du maître malgré son absence d'expérience à ce poste.
Adapté d'un roman à polémique de Koshun Takami, le premier BATTLE ROYALE traitait de la crise générationnelle et sociale qui secoue le Japon depuis quelques temps déjà. Au lieu de jouer la surenchère sur ce même thème, BATTLE ROYALE 2 va pousser encore plus loin la caricature en imaginant la jeune génération prendre littéralement les armes pour déclarer la guerre aux adultes garants d'un système fasciste et immuable. L'idée de passer du survival engagé au film de guerre politisé vient de Fukasaku père. A l'approche de la mort, ce dernier tenait à faire partager son expérience de la guerre où, enfant (et donc neutre), il a du affronter la folie d'un conflit qui le dépassait (car sous le jeu des adultes).
Tandis que Kenta Fukasaku écrit le scénario, le monde entier vit au rythme de la tragédie du 11 septembre et de la destruction des deux tours jumelles du World Trade Center de New York. Un événement qui sera immédiatement intégré au script de BATTLE ROYALE 2, jusqu'à en fournir une nouvelle moelle provocatrice. En s'ouvrant sur un plan d'attentats sur des tours de centre ville, le film crée tout de suite le parallèle. Icône responsable de la catastrophe immédiatement revendiquée, Shuya Nanahara (le héros du précédent film) passe pour un travestissement de Ben Laden. C'est donc sur un terrain on ne peut plus glissant que BATTLE ROYALE 2 choisit de poursuivre sa métaphore hardcore de la fracture générationnelle japonaise.
Sur le modèle de certaines suites comme LOS ANGELES 2013, la première demi-heure de BATTLE ROYALE 2 est un remake revu et corrigé du premier film. Les scènes du kidnapping de la classe, puis du long briefing où le spectateur découvre en même temps que les élèves les règles du Battle Royale, sont donc repris ici, au rebondissement près (la rébellion du téméraire, l'explosion du collier servant à les contraindre). Certaines nouveautés font néanmoins leur apparition, comme le fonctionnement en binôme des participants : si l'un meurt, le collier de son partenaire se mettra à exploser (bien entendu, on ne sait pas à l'avance qui est avec qui). Changement de taille, ce n'est plus la froideur minimaliste de Takeshi Kitano qui anime la séquence mais le débonnaire Riki Takeuchi, monument du V-Cinéma japonais (soit des films d'exploitation tournés rapidement pour le marché de la vidéo) et comédien récurrent chez Takashi Miike.
Alors certes on peut se plaindre de cette entrée en matière un peu trop calquée sur l'original, du jeu outrancier de Riki Takeuchi qui est à lui seul le principal élément de science fiction du film, ou encore du recyclage un peu limite du drame du 11 septembre. Quoi qu'il en soit, il faut avouer que BATTLE ROYALE 2 atteint ses objectifs dans sa première heure. Une première partie sèche, nerveuse et hyper violente qui parvient parfaitement à cacher les limites du récit derrière une furie qui happe littéralement le spectateur. Les scènes de guerre ne resteront pas dans les annales (elles sont filmées à la "Ryan", caméra épaule hyper mobile et obturateur ouvert au maximum), mais elles comportent énormément de micro évènements très efficaces (notamment avec l'explosion des colliers selon la loi des binômes). A ce moment du film, BATTLE ROYALE 2 fonctionne parfaitement dans sa peinture tragique d'une jeunesse perdue et sans avenir, une projection fantasmée de ce qui se passe pourtant en ce moment au Japon.
Cet équilibre fragile est remis en cause dans la deuxième moitié du film, où les combattants du Battle Royale se rangent finalement du côté des terroristes qu'ils avaient l'obligation d'exterminer. Non seulement le film semble à ce moment avoir épuisé toutes ses cartouches, mais il s'embourbe de plus dans un discours politico-provocateur qui prend alors le premier plan de l'histoire. Leader déchiré entre la bonne cause de sa lutte et les milliers de morts qu'elle a engendrés, Nanahara apparaît comme un personnage de terroriste caricatural, un Robin des Bois de la bombe. Le film lui laisse une demi-heure entière pour exposer ses doutes et ses valeurs, une très longue demi-heure de dialogues poussifs de propagande science fictionnelle dont on ne cerne pas bien les enjeux.
Les derniers efforts sont donc vite plombés par le discours ambiant. L'histoire parallèle de la fille du professeur joué par Kitano, qui s'inscrit en tant que volontaire afin de comprendre la mort de son père, est vite désamorcée tandis qu'elle s'annonçait de premier ordre. Heureusement quelques bons moments attendent encore le spectateur comme les caméos de Kitano ou de Sonny Chiba (recyclé depuis dans KILL BILL). Le personnage de Riki Takeuchi suit de son côté une évolution aussi intéressante qu'inespérée (dommage que la dernière apparition de ce dernier le ridiculise complètement). Quant à l'ambiance romantique qui se dégageait par moment du premier opus, elle est à nouveau présente et même plus réussie que son modèle.
La dernière partie du film, soit l'assaut mené par l'armée japonaise, est encore lourdement enveloppée de cette brume politique. Finis les états d'âme pour nos gentils terroristes, les voici canardant à tout va pour la libération des enfants du monde entier, images volées au Moyen-Orient à l'appui ! Le film, pourtant beaucoup trop long, se termine brutalement dans ce maelström de n'importe quoi pour nous offrir une ultime provocation : un épilogue en Afghanistan, où les survivants se retirent pour bâtir "un monde meilleur". Un ultime soubresaut qui nous fait encore un peu plus douter de la nature de ce BATTLE ROYALE 2. De la provocation anti-américaine ? Juste une sale blague ? Dommage, le film avait vraiment de quoi très bien fonctionner en canalisant ce mauvais esprit qui finit par pourrir ses propres intentions.
BATTLE ROYALE 2 est inédit sur nos écrans, et très franchement, il n'est pas près d'y arriver. L'import reste donc le meilleur moyen de découvrir le film, ce que nous propose aujourd'hui cette édition chinoise (sans aucun doute la moins onéreuse des éditions étrangères). L'image, au format, est de bonne tenue sans être exceptionnelle : la définition est un peu juste et la colorimétrie paraît quelque peu délavée ce qui est peut être un choix artistique. Côté son, c'est pour le coup très bon avec une piste DTS ou Dolby Digital à faire trembler les murs. Bien entendu, des sous-titres anglais sont disponibles.
Les éditions HK étant souvent chiches en suppléments, on a plaisir à découvrir un second disque réservé aux bonus (une fois n'est pas coutume, ces derniers sont sous titrables en anglais). Si l'on passe sur les réjouissances habituelles (bande-annonce, filmographies, photos), il mérite que l'on s'arrête sur les trois petits reportages dédiés à BATTLE ROYALE 2. Un court "behind the scenes" permet de revenir sur l'entraînement des acteurs, dirigé par la main ferme de Kinji Fukasaku. Quelques minutes finalement assez émouvantes compte tenu de la suite des évènements. Quand le petit documentaire nous montre les images du tournage à proprement parler, c'est Fukasaku fils qui tient la barre, corroborant la rumeur qui veut que Fukasaku père ait quitté le navire quelques jours seulement après le début des prises.
Un second making of cache en fait un "digest" du film, soit une longue bande-annonce condensant l'intégralité de l'histoire sur moins de dix minutes. Quel intérêt ? Enfin, sur le modèle d'un bonus similaire sur certaines éditions du premier BATTLE ROYALE, la première japonaise du film fait ici l'objet d'un autre reportage. Orchestre philharmonique, casting principal au complet qui y va de son petit mot, l'occasion est surtout de rendre un dernier et vibrant hommage à Kinji Fukasaku, dont la photo ouvre la cérémonie avec le Requiem de Verdi.
BATTLE ROYALE 2 est-il vraiment le dernier film de Kinji Fukasaku ? Est-il seulement la suite de BATTLE ROYALE ? C'est en tout cas une œuvre assez indéfinissable, touchante dans sa peinture tragique d'une jeunesse sans repères, mais totalement aberrante dans sa parodie des attentats américains. A découvrir en connaissance de cause, les véritables ovnis contemporains n'étant pas si nombreux que ça après tout.