Onze ans après la sortie de L'INCROYABLE ALLIGATOR, son producteur Brandon Chase participe à l'élaboration de sa suite, un nouveau film-catastrophe mettant en scène un animal géant tueur d'hommes. En 1991, l'idée peut sembler totalement anachronique ! Après l'échec des DENTS DE LA MER 4 : LE RETOUR, seuls quelques représentants d'un cinéma populaire italien en plein déclin trouvent moyen de s'acharner sur ce filon notoirement tari. Ainsi, Fabrizio de Angelis débauche deux vétérans de Cinecitta (Anthony Crenna) et d'Hollywood (Van Johnson) pour les compromettre dans son KILLER CROCODILE, rapidement suivi d'un KILLER CROCODILE II dont la réalisation est confiée à Gianetto de Rossi. Dans un contexte aussi moribond, la production de ALLIGATOR II, LA MUTATION se fait logiquement à l'économie. Le réalisateur choisi, Jon Hess, a déjà tourné quelques petits budgets, dont deux films fantastiques pour le compte de Roger Corman : WATCHERS et LA TRAQUE INFERNALE (titres vidéos). Pour les acteurs, on recrute des petites célébrités, comme Dee Wallace Stone (HURLEMENTS, E.T....) ou Richard Lynch (MEURTRES SOUS CONTRÔLE, L'ÉPÉE SAUVAGE...).
Un entrepreneur ambitieux, Vincent Brown, veut chasser la population hispanique d'un paisible quartier populaire qu'il compte transformer en un luxueux complexe immobilier. Mais les "latinos" refusent de se laisser faire. Pendant ce temps-là, des personnes disparaissent mystérieusement dans un lac et dans les égouts. David Hodges, un policier irascible, est chargé de l'enquête. Il comprend qu'un terrible alligator, géant et carnivore, est la cause de ces morts violentes. Le maire, corrompu par Brown, veut résoudre l'affaire rapidement, sans faire trop de bruit : plutôt que d'avoir recours à l'armée et à la police, il engage des mercenaires spécialisés dans la chasse à l'alligator...
ALLIGATOR II, LA MUTATION décalque en fait, sans faire beaucoup d'efforts, le schéma classique mis en place par LES DENTS DE LA MER. La galerie de personnages attendus est fidèle au rendez-vous : maire corrompu, pittoresque chasseur de fauve et policier intègre se croisent donc au gré d'une intrigue sentant très fort le déjà-vu. Aux grandes lignes du scénario du film de Steven Spielberg s'ajoutent, de plus, quelques éléments en provenance directe de L'INCROYABLE ALLIGATOR : flic en butte avec sa hiérarchie et vivant une idylle sereine avec une scientifique ; alligator se baladant dans les égouts ; pollueurs sans scrupules... Le seul petit apport consiste en une intrigue immobilière confrontant la population d'un quartier hispanique à un promoteur sans cœur, bien décidé à les rouler.
Film sans surprises, ALLIGATOR II, LA MUTATION est mis en scène avec une relative application par Jon Hess. Les moyens semblent encore plus réduits que pour L'INCROYABLE ALLIGATOR (scènes de "foule" peu peuplées, décors manquant de variété et d'intérêt...) et les attaques de l'alligator restent rares et prudentes durant toute la première heure. Quant à la fin du métrage, mêlant trucages très peu convaincants (le massacre dans la fête foraine) et plans récupérés dans le premier film (notamment le vrai saurien évoluant dans un égout construit en modèle réduit), elle sombre doucement dans le ridicule.
Quoi qu'il en soit, ALLIGATOR II, LA MUTATION n'est pas spécialement antipathique. Bien qu'il soit assez bavard, il n'est jamais trop ennuyeux et, appliquant des recettes déjà bien éprouvées, il se regarde sans réel déplaisir. La présence de comédiens attachants, dont certains sont chers au cœur du cinéphile amateur de fantastique, n'est sans doute pas étrangère à l'impression de familiarité sympathique émanant de ce film dénué de prétentions.
Même s'il se regarde sans douleur, ALLIGATOR II, LA MUTATION n'a pas le charme et l'énergie de son prédécesseur, et reste une oeuvre globalement anecdotique. En tout cas, il ne fera pas de vagues au box-office, tandis que, en France, il sortira directement en vidéo.
ALLIGATOR II, LA MUTATION avait déjà été distribué en Grande-Bretagne par Anchor Bay UK (zone 2, PAL), dans un boîtier incluant L'INCROYABLE ALLIGATOR. En France, Antartic reprend une formule semblable en proposant, à petit prix, un coffret regroupant les deux mêmes titres.
Le film est proposé dans un cadrage 1.77 (avec option 16/9), proche du format 1.85 qui était vraisemblablement prévu pour la projection en salles. L'image est de très bonne qualité, avec notamment une définition assez afutée, une compression plutôt correcte et une copie dans un état quasi-parfait. Les couleurs sont bien équilibrées (même si la scène de la fête foraine trahit quelques saturations manquant de naturel) et les lumières sont éclatantes (un peu trop pour certaines scènes sombres dont les noirs peuvent manquer de profondeur). Pour une petite production de ce style, proposée à un prix "budget", c'est très bien.
Par contre, comme pour L'INCROYABLE ALLIGATOR, la section sonore laisse à désirer. On constate l'absence de la VO, tandis que le doublage français (risible) a été remixé dans un Dolby Digital 5.1 aux tonalités artificielles.
La section bonus propose une bande-annonce anglophone non sous-titrée (en 4/3, sans les caches du format panoramique), ainsi que deux biographies (Dee Wallace Stone et Joseph Bologna) et une bio-filmographie de Richard Lynch.
Bref, cette édition, malgré son prix attractif, ne satisfera que les amateurs de versions françaises et décevra les cinéphiles adeptes de la version originale. Les plus anglophones d'entre eux pourront se replier sur l'édition anglaise d'Anchor Bay.