Pour se couper du monde afin de réviser les examens, Alex (Maïwenn le Besco) retourne le temps d'un week-end dans la maison familiale perdue en pleine campagne. Avec elle, sa meilleure amie Marie (Cécile de France) profite de l'occasion pour faire connaissance avec ses parents. Mais la nuit tombée, un tueur sanguinaire va prendre d'assaut la maison en exécutant tout le monde sur son passage.
Produit par la firme de Luc Besson, HAUTE TENSION est le deuxième long métrage d'Alexandre Aja, fils d'Alexandre Arcady à qui l'on doit LE GRAND PARDON ou encore L'UNION SACREE. Aja commence sa carrière de metteur en scène avec le court OVER THE RAINBOW qui reçoit un très bon accueil au 50ème festival de Cannes. Avec son comparse scénariste Grégory Levasseur, Aja dirige FURIA, un polar d'anticipation sur fond de romance et de discours engagé. Le film passera dans l'indifférence générale. Après l'écriture de ENTRE CHIENS ET LOUPS d'Arcady et la direction de la deuxième équipe sur ce même film, le duo Aja / Levasseur nous revient en pleine forme avec la volonté de nous livrer LE survival que le cinéma moderne n'ose plus faire.
Ayant fait depuis longtemps le tour du slasher nouvelle formule, le cinéma fantastique contemporain lorgne de plus en plus sur les perles traumatisantes de l'époque des MASSACRE A LA TRONCONNEUSE, MANIAC ou autre LA DERNIERE MAISON SUR LA GAUCHE. Coincé entre DETOUR MORTEL et le remake de MASSACRE A LA TRONCONNEUSE, HAUTE TENSION va donc tenter de nous faire retrouver les frayeurs harcore d'il y a 20 ans. Scénario basique qui va droit au but, premier degré généralisé qui nous fait vivre le calvaire de l'héroïne quasiment en direct, du gore sale mâtiné de perversité, le film d'Alexandre Aja tient miraculeusement toutes ses promesses.
Film dur et extrêmement cru, HAUTE TENSION est une incroyable réussite dans sa volonté de se rapprocher des survival old school auxquels il rend hommage. Les auteurs ont tout compris au (sous) genre et modernisent leur copie avec brio. Il n'est plus question à notre époque de jouer sur le côté outrancièrement granuleux de la pellicule 16 mm pour faire naître le glauque, alors HAUTE TENSION va miser sur une photographie très travaillée qui va mettre en relief les textures et les matières afin de provoquer «esthétiquement» le malaise. En revanche, les effets spéciaux sont restés à l'ancienne. Ultime clin d'œil, ces derniers sont signés par Giannetto De Rossi, star du maquillage classique (chez Fellini ou encore Leone) et du maquillage gore (on lui doit les zombies de Lucio Fulci).
HAUTE TENSION est bien entendu un film sous influence, mais il trouve pourtant une parade intelligente au schéma traditionnel de la victime poursuivie par son bourreau. Dans l'absolu, c'est Alex (joué par Maïwenn le Besco) qui tient le rôle de la proie puisqu'elle est séquestrée par le tueur après le massacre de sa famille. Or c'est Marie (Cécile de France) qui va devenir le personnage principal grâce à une torsion maligne des lignes directrices du genre : étant invitée exceptionnelle dans la maison d'Alex, Marie parvient à tromper la vigilance de l'assassin en masquant sa présence. Cette dernière va alors se mettre aux trousses du bourreau dans le but de sauver son amie enlevée, créant de ce fait un paradoxe intéressant puisque c'est elle-même qui va à l'encontre de son bourreau.
Dans un survival, où l'histoire consiste en gros à savoir si les personnages vont vivre ou mourir, c'est bel et bien la mise en scène la star du film. Bien que jeune cinéaste, Aja fait preuve ici d'une maîtrise incroyable. Le film possède un sens du rythme parfait, alternant moments forts et mise en longueur des plus terribles pour les nerfs du spectateur. Selon une recette connue mais très efficace, la stabilité de la caméra se cale sur le degré de peur des scènes. Mais c'est surtout le travail sur le son qui impressionne. Que se soit par la mise en avant d'éléments sonores incongrus (comme la respiration asthmatique du tueur) ou leur spatialisation (car une victime bien cachée ne peut se baser que sur le son pour appréhender le danger), HAUTE TENSION donne une dimension très immersive aux horreurs commises à l'écran.
Le cinéma français n'étant guère coutumier du genre fantastique, qui plus est du gore ou du survival, on pourrait craindre de la part des acteurs un jeu un peu en décalage avec le premier degré de son sujet. Là encore, l'erreur est évitée grâce à une direction et à des comédiens en très grande forme. Le duo Maïwenn / Cécile de France se fond dans l'horreur et l'extrême de manière très convaincante car très physique, y compris dans les scènes de dialogues. De son côté, Philippe Nahon offre un jeu moins surprenant du fait de la marge de manœuvre de son personnage (c'est avant tout une silhouette) mais s'avère néanmoins parfait dès que le scénario lui autorise un peu plus d'épaisseur (voir la scène de la station service).
HAUTE TENSION pourrait donc être un film idyllique pour tous les fans de MASSACRE A LA TRONCONNEUSE ou LA COLLINE A DES YEUX. Il y a pourtant un mais. Ne pouvant visiblement pas assumer la linéarité basique du survival jusqu'au bout (ce que faisaient pourtant les chefs-d'œuvre du genre), Aja et Levasseur décident de boucler leur film sur un twist, histoire de s'offrir un frisson «scénaristique». Et quel frisson ! Dénotant totalement avec le reste du métrage, basé sur des fondations douteuses qui compromettent franchement une deuxième vision, le final de HAUTE TENSION est une pilule plutôt dure à avaler. Il achève ce film assez remarquable sur un gros bémol qui ne rend pas du tout justice à l'ensemble. Vraiment dommage de craquer aussi près du but.
Pour tenter de rattraper son échec en salle, HAUTE TENSION bénéficie aujourd'hui d'une double édition soignée. Le film nous est présenté dans des conditions optimales de visionnage. L'image est formidable et rend totalement justice à la sinistrement belle photographie et l'expérience sonore provoquée par les deux pistes audio (en dolby digital ou en DTS) vous arrachera de nombreux frissons tant la spatialisation du son est adaptée à la configuration du home cinema.
Rayon bonus, l'éditeur fait le maximum, quelque fois au détriment de la qualité (avis à tous ceux qui commencent par les suppléments avant de voir le film : il y a de gros spoilers un peu partout). Passons sur la foule de bandes annonces (de HAUTE TENSION ainsi que des sorties à venir) et la galerie photos d'usage, pour nous arrêter sur les coulisses du tournage. Le documentaire donne continuellement la parole à Alexandre Aja (et furtivement à Grégory Levasseur) pour ce qui constitue plus un commentaire audio externe qu'un véritable reportage. Les propos sont néanmoins illustrés avec des images de tournage que l'on aurait peut-être aimé plus présentes.
Le trio de comédiens, Cécile de France, Maïwenn le Besco et Philippe Nahon, est également de la fête en étant interviewés séparément. D'une durée et d'un intérêt inégal, on regrette surtout la technique pauvre de ces images. Le son en particulier est très mauvais voire inaudible sur certains passages, un peu dur pour des interviews. Seul l'entretien avec Cécile de France limite la casse. Ca tombe bien, c'est le plus intéressant. Dernier bonus, et non des moindres, une rencontre avec Giannetto De Rossi qui se fait un plaisir de nous livrer une foule de petites anecdotes, notamment sur les Fulci. Passionnant, et donc forcément trop court !
Acheté dans le monde entier, bête de festival à l'étranger (à Toronto ou encore à Sundance), il est d'autant plus étrange que le film n'ait pas trouvé son public dans son propre pays. Est-ce dû à un manque de promotion, à la mauvaise réputation du gore à la française, à l'aura désastreuse des productions Besson sur le cinéphile hexagonal ou encore du final très discutable qui n'a pas favorisé le bouche à oreille ? Toujours est-il que HAUTE TENSION s'avère une excellente surprise qui ne mérite absolument pas son échec chez nous. On espère sincèrement que son édition en DVD lui donnera une seconde chance.