Dans le Japon de l'ère Heian (de 794 à 1185), les démons n'ont de cesse de hanter les vivants. Pour se protéger des fantômes, l'empereur intègre à sa garde personnelle un «Onmyoji», un magicien capable de repousser les esprits. Mais les nombreuses luttes de pouvoir à l'intérieur de la cour vont corrompre Doson, le maître des Onmyojis, et l'amener à jeter une terrible malédiction visant à détrôner l'empereur. Ancien disciple de Doson, le désintéressé Abe No Seimei va alors s'allier avec le valeureux Hiromasa afin de sauver la situation.
Relativement confidentiel chez nous, THE YIN-YANG MASTER (ONMYOJI) possède pourtant une solide réputation au Japon où il caracola en tête du box office de l'année 2001 juste derrière LE VOYAGE DE CHIHIRO. Le succès du film s'explique en partie grâce à la participation de nombreux talents locaux, infiniment respectés sur l'archipel nippon et néanmoins quasi-inconnus chez nous. Pour commencer, le film se base sur la célèbre (au Japon) épopée fleuve de Baku Yumemakura, écrivain fantastique qui inspira de nombreux mangas, animés, séries télés, ou encore les illustrateurs les plus réputés (comme Yoshitaka Amano, connu pour ses designs sur les jeux vidéos Final Fantasy). A la réalisation, c'est le solide Yojiro Takita qui tient la barre. On lui doit une très longue filmographie composée tout d'abord de séries érotiques, puis de mélanges de genres plus traditionnels comme le drame fantastique SECRET avec Ryoko Hirosue (vu depuis dans WASABI).
Pour interpréter l'effroyable Doson, on retrouve Hiroyuki Sanada, à jamais immortalisé pour son rôle dans SAN KU KAI, et multipliant depuis les apparitions dans les films à succès comme RING, le très beau TWILIGHT SAMOURAI de Yoji Yamada (nommé à l'Oscar du meilleur film étranger 2004, soit dit en passant), ainsi que LE DERNIER SAMOURAI d'Edward Zwick. Le casting inclut également le jeune premier Hideaki Ito, déjà vu dans SECRET justement, CROSS FIRE, ou encore PRINCESS BLADE. Mais c'est surtout Mansai Nomura dans le rôle de Seimei qui retient l'attention. Fils d'un très grand acteur de théâtre classique japonais, lui-même grand acteur de théâtre, Nomura était selon les dires de la production l'un des rares comédiens modernes capables de retranscrire la subtilité et la tradition de l'Onmyoji. Aussi folklorique que cela puisse paraître, ces derniers, et Seimei notamment, ont vraiment existé.
Que ceux qui imaginent visionner avec THE YIN-YANG MASTER une pétarade visuelle gavée d'effets spéciaux horrifiques (comme le suggère la bande-annonce) ne soient pas trop déçus. Le film n'a finalement pas grand chose à voir avec cet emballage fun et divertissant. THE YIN-YANG MASTER se rapprocherait plus d'une reconstitution historique de l'ère Heian, fantasmée certes dans son rapport aux légendes de l'époque, mais pourtant très pointue dans sa peinture des luttes de pouvoir ou des traditions. On passe donc beaucoup de temps dans les intrigues humaines et politiques, l'élément fantastique étant clairement mis à l'arrière plan bien que régulièrement présent.
Pour enfoncer le clou, le film adopte un rendu très théâtral, sans que cela soit péjoratif. De la composition des cadres au rythme de découpage très limité du métrage, en passant par la direction des acteurs oscillant entre immobilisme et sur-jeu, THE YIN-YANG MASTER donne clairement l'impression de se retrouver devant une pièce classique (impression renforcée par la présence de Nomura). Si le cinéma ne restait pas le meilleur médium de concrétiser les envolées fantastiques de l'histoire, on peut aisément penser que THE YIN-YANG MASTER aurait pu se priver de pellicule pour exister.
Le novice en culture traditionnelle japonaise a des chances de passer un moment des plus difficilement compréhensibles à la vision de THE YIN-YANG MASTER, les références historiques et théâtrales n'étant pas les plus faciles à appréhender. Pour les autres, ce film risque de se révéler comme une excellente surprise, élégante, surprenante et pointue. En détournant systématiquement ses séquences fantastiques, comme cette scène de terreur avec une femme démon qui se transforme en tragédie amoureuse, THE YIN-YANG MASTER s'affirme comme une œuvre à part, bien loin d'un KWAIDAN remis au goût du jour du numérique. Une approche étonnante tenue jusqu'à la fin du métrage, où le duel attendu entre les deux Onmyojis ne se règlera pas à coup de sortilèges mais avec des pas de danse et des incantations traditionnelles.
THE YIN-YANG MASTER est un nouveau disque de la collection Asian Premiums, qui nous avait déjà offert BICHUNMOO et PRINCESS BLADE alors que DREAM OF A WARRIOR sera le quatrième titre de cette collection. Techniquement, l'édition ne souffre d'aucun défaut. L'image, au format, est de très bonne qualité si l'on excepte un rendu manquant de profondeur dans les noirs.
Les deux pistes sonores sont en Dolby Digital 5.1, toutes deux assez discrètes question spatialisation. Comme de bien entendu, préférez la version originale.
Le disque offre une section bonus assez conséquente. Un Making Of d'une quarantaine de minutes revient sur le tournage du film. Il ne s'agit pas à proprement parler d'un documentaire, mais d'un journal de bord commenté par des sous-titres, ce qui a pour effet de nous immerger dans le travail de l'équipe tout en nous délivrant un sérieux lot d'informations. Seul regret, ce Making Of est vigneté à l'intérieur du menu du DVD, ce qui s'avère fatigant sur une longue vision. Une série d'interviews avec les différents membres de l'équipe vient éclaircir certains points laissés vacants par le Making Of, notamment autour de la figure traditionnelle de l'Onmyoji.
Pour finir, nous trouvons des bandes-annonces du film, une précieuse section filmographie concise et informative, ainsi qu'une scène de danse traditionnelle (utilisée sur le générique de fin, ici dégagé de tout habillage de crédits).
A mille lieues d'un crossover entre KWAIDAN et STORMRIDER, THE YIN-YANG MASTER est plus un film historique, le fantastique n'étant qu'un élément parmi d'autre dans cette reconstitution fantasmée du Japon médiéval. Pour les fans, sachez qu'une suite sobrement intitulée ONMYOJI II a été réalisée, toujours avec Mansai Nomura et Hideaki Ito.