Succès surprise avec prêt de 40 millions de dollars engrangés aux Etats-Unis, JEEPERS CREEPERS avait fait forte impression auprès des amateurs de fantastique. Son petit côté MASSACRE A LA TRONCONNEUSE (c'est-à-dire film d'horreur à l'ancienne avec une ambiance glauque) en avait séduit plus d'un à un moment où l'épouvante à l'américaine périclitait après des années de «screameries». Le film offrait au bestiaire du fantastique un nouveau convive, le Creeper, mystérieuse créature dégénérée et perverse, revenant à la vie tous les 23 ans pour se refaire une nouvelle jeunesse en recyclant la peau de jeunes gens, si possible de sexe masculin. Malgré tout, le film était loin d'être un chef-d'œuvre, principalement en raison de son scénario étriqué et par conséquent frustrant. On pouvait donc espérer beaucoup de sa suite, malheureusement la franchise s‘avère décevante.
Bouffonnerie de bas étage, la suite de JEEPERS CREEPERS n'a rien à nous offrir de plus que le premier volet. Pis, malgré un rythme plus soutenu, et donc plus d'action, cette séquelle offre bien moins sur un plan qualitatif. Scénario kleenex qui tient dans un mouchoir de poche (en l'occurrence le Creeper est de retour pour charcuter des éphèbes coincés dans un car), unité de lieu déprimante d'ennui avec 90% du film qui se passent dans et autour de ce bus. Les personnages sont malingres et caricaturaux. La crétinerie des adolescents américains a été illustrée en mieux des dizaines de fois auparavant dans ce type de film, ici, malgré le cynisme volontaire de Victor Salva, le réalisateur, on a vraiment l'impression que c'est une fois de trop, d'autant plus que la barrière entre le second et le premier degré est trop souvent floue ! Tout, dans ce récit, est superficiel. Il n'est pas facile alors de faire passer la pilule du déjà vu, Salva, refusant de développer la mythologie de son Creeper, préférant s'attarder sur des adolescents idiots plutôt que de s'attacher à décrire les origines de son singulier démon ailé. Il se contente donc de filmer du vide, certes avec un certain talent et un certain rythme, assurant le minimum syndical pour ses producteurs.
Son monstre, car il s'agit par contre d'un authentique film de monstre façon LES DENTS DE LA MER, est juste là pour planer et tournoyer autour de ses proies, sans réelles convictions. On ne parvient guère à se soucier de ses victimes, lisses et creuses, qui se réduisent à une belle enveloppe corporelle sans âme. Après une séquence d'ouverture honnête (la disparition d'un gamin enlevé par le Creeper dans un champ exposé à un soleil de braise), notre intérêt s'essouffle immédiatement. Les sportifs bourrins entrent en scène et force est d'admettre qu'ils sont insupportables, à l'instar du père du garçon qui se la joue justicier de pacotille à grand renfort de froncements de sourcils. Peu de frissons ici, ni de gags dignes de ce nom, le film n'est pas même fun, il est juste lourdingue : ah, ce plan sur ces jeunes gars virils qui pissent en ligne ! Honnêtement, même si le regard du cinéaste se veut ironique, il aurait quand même pu trouver une meilleure approche de ses personnages, alors que la force du premier JEEPERS CREEPERS résidait dans l'authenticité et le naturel des deux personnages principaux, qui étaient vraiment attachants.
Victor Salva a un message social à véhiculer en donnant dans la surenchère d'allusions gay, pas toujours subtiles. Le sous-texte homosexuel du premier volet, déjà consistant, est ici explicité de manière très maladroite car omniprésente. Peu de «Scream Queens» dans cette suite (les personnages féminins étant aussi secondaires qu'inexistants), mais beaucoup de «Queens» qui s'exhibent à tour de rôle. Le cinéaste déshabille du minet à tout va, c'est bien joli, mais un brin lassant quand il n'y a rien pour étoffer l'intrigue.
Pendant ce temps, la créature volante est quelque peu reléguée au second plan. Elle a beau être quasi-omniprésente, on la voit en effet batifoler dans les champs en plein jour, lécher les carreaux du bus, flirter avec les ados, jouer de l'arme artisanale à ses moments perdus (quel prédateur quand même !), sa présence n'en demeure pas moins anecdotique. Elle apparaît moins mystérieuse que dans le premier volet, tant le cinéaste la dévoile trop vite. Et elle est surtout moins charismatique. Salva met en avant son côté cow-boy ringard (le Creeper ne serait-il pas une drag-queen du Far West ?) plutôt que celui de goule répugnante et macabre. Bref, la ressemblance avec notre Johnny national n'en est que trop gênante.
A la recherche de la nouvelle star. Le Creeper rêve d'une carrière à la Freddy et d'innombrables suites à ses aventures sanguinaires, mais il est tellement souvent ridicule qu'il ne peut décemment pas prétendre à la place de croquemitaine superstar. Et pourtant les clins d'œil à Freddy sont nombreux, partageant en particulier de nombreux points communs avec LA REVANCHE DE FREDDY (le deuxième épisode des cauchemars de Freddy) : héros masculins remplaçant les sempiternelles adolescentes apeurées, une touche d'homo-érotisme, un bus scolaire pris d'assaut par un monstre, un croquemitaine taquin et sexuel… Tentative de remake inavoué ?
En tout cas, JEEPERS CREEPERS 2 pêche par son manque de noirceur et fait un peu trop office de Film du Club Med, trop ensoleillé pour vraiment assurer ses fonctions de pourvoyeur de frissons. Ici, point de chapelle et de sous-sols tapissés de cadavres, point de mystérieuse camionnette arpentant les routes décadentes de l'arrière-pays américain. De même, oubliés les vieux standards musicaux lugubres pour annoncer l'arrivée tant redoutée du Creeper… Dans ce deuxième numéro l'ambiance est trop souvent chaude et dilettante. Festive, comme les intentions du cinéaste qui, à écouter le commentaire audio qu'il a enregistré avec les comédiens, n'a pas dû s'ennuyer sur le tournage. Bref, on est loin du film sombre qu'on était en droit d'attendre après la bonne surprise du premier volet et désormais, on n'est plus forcément très enclin à découvrir un éventuel numéro 3.
Et le DVD dans tout cela, me direz-vous, que vaut-il ? Et bien MGM a fait un travail plutôt correct en sortant une édition spéciale assez complète. L'image du DVD rend justice à la belle photographie de Don E. Fontleroy, en particulier lors des séquences oniriques que l'on pourrait qualifier de solaires. Le rendu de l'obscurité est plutôt soigné également, ne nous dissimulant aucun détail du sombre maquillage de la créature, en particulier lors des dernières séquences. La belle composition musicale de Bennett Salvay est parfaitement mise en valeur par le 5.1 de la piste anglaise.
Pour les fans du film (et il y en a, c'est sûr !), des bonus conséquents sont proposés avec tout d'abord deux commentaires audios. Aux commentaires plutôt badins du metteur en scène et de ses acteurs, on préfèrera celui plus volubile et plus riche du responsable des FX et de Jonathan Breck (l'acteur qui se cache derrière le Creeper).
Le making of de 26 minutes qui se concentre sur une journée de tournage sur le plateau du film apporte finalement peu d'informations nouvelles par rapport aux nombreuses featurettes qui ponctuent les bonus de ce DVD. Ces featurettes, sur la musique, la photographie, les effets spéciaux et le maquillage, peuvent être regardées individuellement ou d'affilée pendant près de 40 minutes. On notera la présence de 15 minutes de scènes supplémentaires dont une très belle et très macabre séquence onirique malheureusement raccourcie et épurée de tout plan choquant lors du montage final du film.
En résumé, un DVD conséquent pour un film de série B de plus, pas forcément au sens positif du terme. On peut y prendre un plaisir ludique certain ou s'agacer devant un tel manque d'ambition, en tout cas pas de quoi attendre avec impatience le troisième volet des aventures ailées de notre Zaza Creeper.