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Critique du film et du DVD Zone 0
ASWANG 1994

 

Katrina, une jeune femme enceinte, se voit offrir un curieux contrat de la part d'un couple stérile : épouser l'homme (d'une riche lignée) et mettre au monde son enfant dans la maison familiale afin de faire le bonheur de la mère mourante de ce dernier. La forte somme d'argent proposée convainc Katrina, alors sans ressource, d'accepter. Arrivée dans la résidence, la jeune fille va rapidement se faire persécuter par sa fausse famille, en fait une race de vampires particulière appelée Aswang.

ASWANG est une petite production indépendante datant de 1994. Tourné par deux jeunes metteurs en scène inconnus (Wrye Martin et Barry Poltermann, également scénaristes et producteurs) dans des conditions d'autogestion similaires à celles de films tels que EVIL DEAD ou MASSACRE A LA TRONCONNEUSE, ASWANG est «connu» pour avoir été le premier film d'horreur projeté au prestigieux festival du cinéma indépendant de Sundance (festival créateur entre autre du buzz Tarantino). Malheureusement pourtant, le film arrive un peu après la bataille de la frénésie horrifique de la deuxième partie des années 80, où les petits entrepreneurs ramassaient gros en produisant des budgets gores riquiquis dans un coin de forêt. Le milieu des années 90 est une période noire pour le genre (avant la réanimation auto-parodique de SCREAM), et ASWANG en fera cruellement les frais.

Les droits du film seront bradés pour une furtive apparition en salle, puis d'une laborieuse exploitation de fond de catalogue vidéo, où le métrage se verra affublé d'un nouveau titre (THE UNEARTHING) et allégé de quelques plans trop dérangeants. La mésaventure coupera net la carrière cinématographique de Martin et Poltermann. Après dix ans d'une existence tragique faite d'invisibilité, l'éditeur Mondo Macabro propose de recoller les morceaux en extirpant le film de son obscurité notoire, en lui redonnant son titre et en réparant le travail de censure. L'occasion de donner une seconde chance à ce métrage étonnant, imparfait mais vraiment courageux.

ASWANG est avant tout une relecture du mythe vampirique. Encore une ! Et pourtant, le film va soigneusement éviter la redite en allant chercher l'inspiration dans le folklore étranger, en l'occurrence celui des Philippines. L'Aswang est donc le vampire local, mangeur de cœurs encore palpitants et grand amateur de fœtus. Pas de canines hypertrophiées à la Transylvanienne, mais une longue langue dotée d'une petite mâchoire à son extrémité afin de mieux s'immiscer dans l'utérus des femmes enceintes.

Importer le concept de l'Aswang dans le film d'horreur américain est une riche idée franchement dépaysante pour qui n'est déjà familiarisé avec le mythe philippin. Martin et Poltermann ont de plus la bonne initiative de mettre le film au diapason de leurs monstres. La vivacité agressive du vampire classique est ici remplacée par le comportement beaucoup plus insidieux de l'Aswang, qui profite du sommeil ou de la faiblesse de ses victimes pour lentement déployer son interminable langue. Dans ses meilleurs moments, ASWANG bénéficie d'une excellente ambiance, mélange délétère où morbide et sexualité se côtoient (puisque la morsure de l'Aswang est au sens propre une pénétration vaginale).

Pour raconter leur histoire de jeune femme isolée dans une famille de monstres, les deux réalisateurs révisent leurs classiques. La première partie du film, où le futur bébé de Katrina est l'objet d'une attention inhabituelle, fait immanquablement penser à ROSEMARY'S BABY. La seconde partie, plus versée dans le survival gore, emprunte volontairement les effets chocs type MASSACRE A LA TRONCONNEUSE (pour une course poursuite à la tronçonneuse justement) ou alors les figures stylistiques d'EVIL DEAD. Parfois maladroites (voir le duel jardinier : tronçonneuse contre binette), ces citations n'empêchent pas ASWANG de posséder une réelle identité aussi bien dans sa moitié «suggestive» que dans sa moitié plus agressive.

Sans être un chef-d'œuvre oublié, ASWANG est un très bon petit film qui n'a franchement pas mérité son invisibilité. Sincèrement typé «old school», le maigre budget de l'ensemble expliquant aussi cela, le métrage ravira les amateurs de curiosités allergiques à l'aseptisation du genre. Enfin, le très bon niveau de l'interprétation donne beaucoup de crédibilité à cette histoire atypique, que l'on retiendra avant tout pour son atmosphère anormale que pour son côté viscéral qui a fait la gloire de ses aînés.

Non content de ressusciter le film, Mondo Macabro propose une excellente édition bardée de suppléments. L'image, au format bien évidemment, est optimale compte tenu du fait que le film a été visiblement tourné en 16mm puis gonflé en 35. Il en résulte un grain très prononcé, mais qui ne manque pas de charme comme aiment à le dire certains. Côté audio, l'éditeur propose un remix multicanal trop artificiel pour être convaincant. On lui préfèrera nettement la piste stéréo d'origine, plus crue mais également plus percutante.

La multiplication des bonus concernant les titres obscurs pose souvent le problème de la pertinence sur la longueur. Heureusement, les suppléments d'ASWANG proposent de dépasser le film pour dresser un passionnant portrait du travail cinématographique exécuté en totale indépendance. Le titre du Making Of affiche d'ailleurs dès le départ la couleur : "Different from Hollywood". Sur une bonne demi-heure, cet excellent documentaire propose de raconter brièvement l'histoire d'ASWANG, de sa production chaotique à sa distribution sabotée, en alternant interview et images d'archives. Avec franchise et humour, chacun fait part de son expérience à mille lieues du glamour que tentent désespérément de nous faire gober les Making Of dits promotionnels.

Pour approfondir le making of, pas moins de deux commentaires audios prennent le relais. Le premier donne la parole aux deux auteurs du film. Toujours avec légèreté, les deux hommes témoignent point par point de la difficulté de faire un film seul, des tactiques de production pour lever l'argent (une bande-annonce fut montée en amont du tournage pour trouver des fonds) aux conditions de tournage périlleuses pour les nerfs (voir l'anecdote relative à l'effet spécial sur l'extrémité de la langue de l'Aswang, qui se cassa dès la première prise, emportant avec elle une bonne partie du budget pour aucune présence à l'écran).

Plus centrée sur l'anecdote rigolarde, le deuxième commentaire passe le micro à Norman Moses et Tina Ona Paukstelis, le couple vedette du film. Témoignage amusant sur la condition du jeune comédien bloqué en tenue légère en pleine nuit glaciale, la piste se suit avec beaucoup de divertissement grâce à l'attitude très débonnaire de Moses, acteur au départ spécialisé dans le théâtre musical. Clou du commentaire : la scène de morsure / cunnilingus entre les deux comédiens, d'autant plus amusant que cette scène fut la première tournée pour chacun d'eux.

La section propose également une scène coupée, un prologue aux Philippines, non tournée pour cause de budget. Pas d'images inédites, mais une voix off nous lisant la dite séquence sur fond de scénario prisonnier des flammes. Outre les essais vidéos de Norman Moses et de John Garekis (qui joue le rôle très secondaire d'un avocat), et une immense galerie photo, l'édition propose un dernier bonus vraiment très intéressant aux rayons trailers : la bande-annonce promo tournée sur le même modèle que WITHIN THE WOODS pour EVIL DEAD. Une occasion de jeter un œil au brouillon du film, avec scènes et casting alternatifs à la clef. A noter qu'un bonus caché se trouve dans la page de crédits du DVD (une chanson très second degré à peine perceptible dans le film qui se voit adjoindre une écoute isolée).

Amateur de cinéma confidentiel, voilà un bon titre à vous mettre sous la dent. En invitant le folklore philippin à l'intérieur de la campagne américaine pour une relecture poisseuse du mythe vampirique arrosée à la sauce EVIL DEAD, ASWANG se révèle être une très agréable surprise. A conseiller à tous les curieux, d'autant que l'édition de Mondo Macabro contient des témoignages passionnants sur le cinéma indépendant.

Rédacteur : Eric Dinkian
Photo Eric Dinkian
Monteur professionnel pour la télévision et le cinéma, Eric Dinkian enseigne en parallèle le montage en écoles. Il est auteur-réalisateur de trois courts-métrages remarqués dans les festivals internationaux (Kaojikara, Precut Girl et Yukiko) et prépare actuellement son premier long-métrage. Il collabore à DeVilDead depuis 2003.
49 ans
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287 critiques Film & Vidéo
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Le mythe du vampire revu de manière vraiment originale
Des bonus très intéressants
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L'édition vidéo
ASWANG DVD Zone 0 (USA)
Editeur
Mondo Macabro
Support
DVD (Double couche)
Origine
USA (Zone 0)
Date de Sortie
Durée
1h22
Image
1.85 (16/9)
Audio
English Dolby Digital 5.1
English Dolby Digital Stéréo
Sous-titrage
  • Aucun
  • Supplements
    • Commentaire audio de Wrye Martin et Barry Poltermann (réalisateurs)
    • Commentaire audio de Norman Moses et Tina Ona Paukstelis (comédiens)
    • Documentaire : Different from Hollywood (27mn53)
    • Lost scene narration (6mn14)
      • Audition Tapes
      • Norman Moses (3mn32)
      • John Garekis (3mn12)
    • Galerie photo
      • Bandes-annonces
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