La maison des Takemikazuchi tente de survivre dans un Japon futuriste en proie à la désolation. Autrefois gardes du corps engagés par les souverains pour opprimer les rebelles, ils ne sont plus aujourd'hui que des tueurs à gages sans foi ni loi. Leur meilleur élément, la princesse Yuki, est une guerrière solitaire et la dernière descendante de la famille fondatrice. Alors que celle-ci s'apprête à fêter ses vingt ans, date butoir de son intronisation à la tête du clan, elle apprend la vérité sur la mort de sa mère et devra accomplir son destin par la vengeance.
PRINCESS BLADE puise son inspiration d'un manga : "Shurayuki Hime" ("Lady Snowblood"), créé dans les années 70 par le grand Kazuo Koike, aussi auteur de "Baby Cart" et "Crying Freeman". Ce titre n'en est pas a sa première adaptation puisque au début de ces mêmes années, Meiko Kaji (héroïne d'ELLE S'APPELAIT SCORPION) interprétait de façon inoubliable le personnage de Yuki à l'écran au travers de deux films : BLIZZARD FROM THE NETHERWORLD et LOVE SONG OF VENGEANCE, tous deux réalisés par Toshiya Fujita. Quentin Tarantino citera d'ailleurs ces deux chefs-d'œuvre dans son fourre-tout KILL BILL, allant jusqu'à intégrer l'une des chansons chantées par Meiko Kaji dans la bande originale de son métrage.
Ici, le réalisateur Shinsuke Sato (scénariste de TOKYO LULLABY, le jeu vidéo TEKKEN 4) a souhaité faire une nouvelle version plus moderne en installant l'action dans un monde à la technologie avancée, histoire de nous faire profiter des nombreux effets spéciaux de Shinji Higuchi qui avait notamment travaillé sur la nouvelle série des GAMERA (la tortue géante concurrente de Godzilla). A la direction des combats, on retrouve le chinois Donnie Yen (BLADE 2, HERO), dont le maître à penser fut Yuen Woo Ping (IL ETAIT UNE FOIS EN CHINE, FIST OF LEGEND, la trilogie MATRIX). Quant à la musique du film, c'est le surdoué Kenji Kawaï (compositeur attitré de Mamoru Oshii) qui s'y colle, avec les promesses d'imprimer son univers particulier aux visions futuristes de ce PRINCESS BLADE.
Vendu comme un film d'action dans la lignée d'un VERSUS (en moins gore quand même), PRINCESS BLADE prend le spectateur à rebrousse poil. Hormis deux scènes de combat en première partie et une autre à la fin, le reste est une longue «traversée du désert» au sens littéral (en terme de décor) comme scénaristique. Le film abandonne très vite toute ambition spectaculaire pour se réfugier dans un immobilisme narratif franchement indigeste. L'ennui du spectateur est sévère, et la direction que tente de prendre le film laisse franchement perplexe.
Dommage, car les séquences d'action ne manquaient pas d'intérêt. Les chorégraphies martiales de Donnie Yen sont «punchy» à souhait, et la mise en image du réalisateur n'est pas inintéressante (sans atteindre la maîtrise, certes brouillonne, d'un Kitamura). Shinsuke Sato a beau avoir du mal à tenir un découpage cohérent dès lors que l'action se multiplie de manière simultanée (lorsque Yuki affronte une dizaine d'opposants), il faut bien avouer que ces séquences de chambara «HKisées» s'avèrent des plus sympathiques.
Le gros du film constitue donc une (très) longue remise en question des valeurs des personnages sous l'égide d'une introspection caricaturale. Dans sa cavale vengeresse contre son ancien clan, Yuki fera la connaissance d'un jeune rebelle qui la recueillera chez lui. Pour montrer le changement d'état d'esprit de Yuki (elle s'allie avec ceux qu'elle combattait il y a peu pour défaire ses anciens frères d'armes), le film se sent obligé d'enfiler les interminables scènes de dialogues et de vies, afin de ne nous faire profiter de la moindre nuance de son intrigue pourtant sommaire. Le clou de l'ennui mortel est définitivement enfoncé lorsque le couple déménage barriques et pneus dans un terrain vague, le tout dans la longueur et en plan fixe (ceci afin de nous figurer leur intense complicité ? !).
Très honnêtement, le film est peut-être un peu trop téméraire en confiant de si longs passages introspectifs à des acteurs débutants, beaucoup trop lisses et inexpérimentés pour rendre pertinent l'état intérieur de leurs personnages aux détours de ces scènes minimalistes. Leur jeu apparaît ainsi vide, l'émotion ne transparaissant jamais à travers eux. Yumiko Shaku, qui interprète la princesse Yuki, est ici à son premier rôle (après avoir été une «Idol» renommée). Si cette dernière fait illusion lors des combats suite à un lourd entraînement, son jeu se montre bien faible le reste du temps. Pour lui donner la réplique, le rebelle Takachi est interprété par le jeune premier Hideaki Ito, déjà vu dans CROSS FIRE ou YIN YANG MASTER.
Il ne reste donc pas grand chose du LADY SNOWBLOOD de Meiko Kaji dans cette indigeste resucée se voulant au goût du jour. Les moins exigeants se satisferont néanmoins des quelques passages réussis de crossover entre chambara et chorégraphie hong-kongaise. Quant aux fans d'Eric Rohmer, voici peut être l'occasion rêvée de se mettre aux films de sabre moderne. Entre dialogues interminables et interprétation frôlant par moments l'amateurisme, sûr que ces derniers y trouveront un terrain de familiarisation !
PRINCESS BLADE fait partie de la collection Asian Premiums qui nous avait déjà servi le Coréen BICHUNMOO. D'ordinaire de très bonne qualité, nous ne sommes pas surpris de découvrir une image au format (et anamorphosée) d'excellente tenue. En plus du dolby digital 5.1 en version originale et française, l'édition propose une piste DTS en français. D'un rendu très efficace, on aurait néanmoins préféré voir cette piste associée à la version japonaise, forcément plus convaincante d'un point de vue artistique. Les bonus ne sont pas follichons et n'apportent rien de plus à cette édition. Au menu : quatre bandes-annonces des films venant et à venir de la collection (dont celle de PRINCESS BLADE), ainsi que de courtes filmographies du réalisateur, et de deux des interprètes principaux.
Même si l'édition DVD se montre d'un très bon niveau, il faut avouer que PRINCESS BLADE est un film très décevant. Bien que les combats soient orchestrés d'une main de maître, le reste est sapé par une histoire d'une longueur insipide devant laquelle certains déclareront sans doute forfait. A coup sûr, Tarantino ne lui rendra pas hommage dans le Volume 2 de KILL BILL !