Dans les années 20, Jack McCann s'est fixé un but dans la vie, celui de trouver un filon d'or ! Il y parvient et se retrouve du même coup à la tête de l'une des plus grosses fortunes du monde…
Technicien pendant de longues années auprès de réalisateurs tels que David Lean (LAWRENCE D'ARABIE), François Truffaut (FAHRENHEIT 451), Clive Donner (TOUT OU RIEN), Richard Lester (LE FORUM EN FOLIE) ou même Roger Corman (LE MASQUE DE LA MORT ROUGE), Nicolas Roeg devient lui-même metteur en scène en collaboration avec Donald Cammell sur PERFORMANCE, interprété par Mick Jagger, le chanteur des Rolling Stones. Il embraye avec un étonnant film, LA RANDONNEE et signera ensuite deux grands métrages fantastiques : NE VOUS RETOURNEZ PAS et L'HOMME QUI VENAIT D'AILLEURS. Suite à ENQUETE SUR UNE PASSION, Nicolas Roeg se lance dans la réalisation de EUREKA.
A l'origine, Marshall Wilson Houts écrit un livre sur le véritable Sir Harry Oakes et sa mort mystérieuse. Après avoir parcouru plusieurs parties du globe (Afrique, Amérique centrale, Canada…), l'homme devient riche en découvrant une mine d'or. Au fil des ans, sa fortune augmente de façon colossale et il finit par s'exiler aux Bahamas, à Nassau, pour éviter de payer des impôts. Dans les années 40, Sir Harry Oakes est assassiné alors que tout porte à croire que le mari de l'une de ses filles est le coupable. Après un procès rapide, son gendre est acquitté et le mystère demeure quant à sa mort puisqu'il aurait eu le crâne défoncé, aurait reçu des coups de revolver et enfin une partie de son corps aurait été brûlée avec de l'essence !
Du livre, Paul Mayersberg tire un scénario. Un travail d'adaptation que le scénariste connaît bien puisqu'il avait déjà travaillé sur celles de L'HOMME QUI VENAIT D'AILLEURS de Nicolas Roeg ou de FURYO de Nagisa Oshima, d'ailleurs deux films avec David Bowie. Par la suite, sa carrière sera bien moins glorieuse même lorsqu'il passera à la réalisation. Pour mettre en scène, par exemple, une nouvelle de Isaac Asimov pour le compte de la boîte de production de Roger Corman et distribuée directement en vidéo sur le marché français sous le titre de LA MORT DES SOLEILS. Mais en ce qui concerne EUREKA, malgré quelques libertés, le scénariste et Nicolas Roeg tirent une histoire fidèle au livre original tout en y injectant messages et symboles.
A l'arrivée, Nicolas Roeg livre son film à la MGM qui se retrouve avec un métrage si étrange que la firme ne sait pas trop comment le distribuer. La MPAA oblige à quelques coupes dans les scènes trop suggestives, la plupart avec Theresa Russell, et la MGM ne sait toujours pas quoi faire avec ce film qu'elle lancera discrètement après quelques années dans un nombre ridicule de salles aux Etats-Unis. S'il sort dans les cinéma anglais, EUREKA restera pendant très longtemps inédit au cinéma dans tous les autres pays y compris la France. Un choix surprenant lorsque l'on voit sur l'écran se croiser Gene Hackman, Theresa Russell ou Joe Pesci mais aussi Rutger Hauer et Mickey Rourke avant que leurs carrières respectives ne prennent un mauvais tournant. Les plus observateurs reconnaîtront aussi Joe Spinell (MANIAC…) et son pote Frank Pesce (VIGILANTE…).
EUREKA n'est pas une œuvre fantastique à proprement parler. Plutôt insaisissable, le style du film va et vient en apparence entre plusieurs genres. Film d'aventures étrange pour la toute première partie de EUREKA, bien vite, l'histoire bifurque vers un drame familial pour s'orienter ensuite vers le thriller puis le film de procès. On comprend dès lors pourquoi les dirigeants de la MGM s'étaient retrouvés bien embarrassés, surtout que le film adopte un style très particulier à même de continuer à dérouter plus d'un spectateur… Nicolas Roeg étant déjà un spécialiste du genre ! Le cinéaste en profite au passage pour établir des références avec le CITIZEN KANE d'Orson Welles, la plus évidente étant la boule à neige lors de l'assassinat de Jack McCann. Comme dans le film d'Orson Welles, l'important n'est pas, bien entendu, de dresser une biographie en règle de Jack McCann, ou ici de Harry Hoakes.
Le personnage principal sert essentiellement à dépeindre un homme qui aurait atteint son but ultime, son désir le plus cher, celui au delà duquel il n'y a plus rien ! Autour de lui, tous les autres personnages agissent de la même façon selon leurs envies ou leurs désirs. Tout ce qui donne un semblant de vie, qu'elle soit épanouie ou minable, ou un but forcément différent pour chacun. Certains n'ont pas encore trouvé ce qu'ils désirent réellement et se cherchent ici ou là des lignes directrices mystiques (un petit peu de vaudou ? un semblant de cabale ?) ou bien d'autres se détruisent vainement dans leur quête de l'absolu (le suicide dans la première partie du film…). A partir de là, de nombreuses séquences semblent complètement décalées, ce qui est le cas du monologue au procès, dans un canevas cinématographique classique. On peut ainsi voir EUREKA en savourant cette étrange atmosphère qui court tout le long du film ou en décortiquant chaque personnage.
Après une belle édition de JACK LE TUEUR DE GEANT, Ciné Malta continue son «Etrange Collection» en y ajoutant un film au style totalement différent. Une programmation éclectique surprenante, ce qui est le minimum puisque les organisateurs de «L'étrange Festival» sont les coupables de cette collection ! EUREKA ajoute une curiosité, qui plus est rare sur le marché français, d'un réalisateur reconnu. Toutefois, au contraire de JACK LE TUEUR DE GEANT, le film de Nicolas Roeg s'avère bien moins accessible…
Non content de sortir EUREKA, un film rarement vu en France en dehors d'un passage dans le cadre de l'Etrange Festival, lors d'une diffusion sur le câble ou de l'édition d'une VHS recadrée datant de Mathusalem, Ciné Malta propose au passage une copie de grande qualité sur laquelle seuls quelques tout petits défauts de pellicule apparaissent ici ou là. Au format cinéma respecté et tirant parti du 16/9, le transfert est donc très largement satisfaisant. Au passage, l'éditeur en a profité pour donner un petit coup de jeune à la bande sonore originale qui permet de donner un peu plus d'ampleur à la version mono d'origine. Pour ceux qui sont allergiques à la lecture de sous-titrages, le disque contient aussi une version française. Ce doublage a été réalisé dans le courant des années 80 et était disponible sur l'édition en VHS du film.
Pour les suppléments, l'éditeur a déterré deux interviews qui ne datent pas d'hier. A vrai dire, il n'est pas vraiment question d'EUREKA dans l'un ou l'autre de ces entretiens menés par Jean-Pierre Dionnet à une période indéterminée puisqu'il n'est fait mention nulle part de la date à laquelle ils ont été faits. Si ces interviews n'apportent aucun éclairage sur EUREKA et malgré des durées assez courtes, elles amènent tout de même leur lot d'informations concernant la carrière de Nicolas Roeg et sa collaboration avec Theresa Russell.
La galerie de photos est composée de quelques clichés promotionnels mais c'est le parent «pauvre» habituel des DVD qui amène une petite surprise. Ciné Malta propose donc une filmographie de Nicolas Roeg en tant que réalisateur, précédée d'un petit texte mentionnant certaines de ses collaborations en tant que chef opérateur ou ses métrages mis en boîte pour la télévision. Jusque là, rien de bien extraordinaire si ce n'est que pour tous les films, il est possible d'obtenir une petite vidéo avec Nicolas Roeg ou Theresa Russell. Une idée lumineuse qui s'avère imparfaite dans le cas présent tant la plupart des interventions sont extrêmement courtes, le plus souvent résumées en une seule phrase. A certains endroits, les déclarations semblent même ne pas avoir de correspondance directe avec le film sélectionné (COLD HEAVEN…). Il y a en tout cas une idée à creuser pour améliorer les filmographies bien souvent statiques et sans grand intérêt sur quasiment toutes les autres éditions DVD.
Casting trois étoiles et réalisateur culte, EUREKA se pare en plus d'un DVD de grande qualité en ce qui concerne la retranscription de l'image et du son. Ceux qui ont appréciés d'autres films de Nicolas Roeg, NE VOUS RETOURNEZ PAS ou L'HOMME QUI VENAIT D'AILLEURS en tête dans le registre fantastique, trouveront là une excellente façon de découvrir ce film méconnu.