Header Critique : KERMESSE DE L'OUEST, LA (PAINT YOUR WAGON)

Critique du film et du DVD Zone 2
LA KERMESSE DE L'OUEST 1969

PAINT YOUR WAGON 

En pleine ruée vers l'or en Californie, un fermier sobre et responsable (Clint Eastwood) se lie d'amitié avec un pionnier alcoolique et grande gueule (Lee Marvin). Ils vont dès lors tout partager, des petites combines jusqu'à la même femme (Jean Seberg), tandis que la petite ville qu'ils occupent va connaître une expansion frénétique.

On connaissait Clint Eastwood cow-boy solitaire, policier aux méthodes expéditives, photographe hanté par l'envie d'aimer, ou même bagarreur routier dont le meilleur ami est un orang-outan pétomane. On avait pourtant oublié qu'il avait incarné les pionniers romantiques adeptes de la chansonnette, n'hésitant pas à pousser cette dernière pour témoigner à la nature environnante les tréfonds de ses états d'âme amoureux. Et quand on pense que le partenaire de ce Clint lyrique est un Lee Marvin reconverti aussi en chanteur, dont le sommet dramatique va le pousser à la plainte «Je suis né sous une étoile vagabonde», le spectateur a largement de quoi tomber de son fauteuil. Et pourtant, le western musical existe bien, et se paye même le luxe de ces deux icônes de choix.

A l'origine de LA KERMESSE DE L'OUEST, il y a la comédie musicale «Paint your wagon» (faisant référence à l'expression «Paint your wagon before you begin a journey», ce que l'on pourrait grossièrement traduire par "Il faut bien se préparer avant d'entamer un long voyage"). Avec une musique et des paroles écrites par Alan Jay Lerner et Frederick Loewe (MY FAIR LADY avec Audrey Hepburn, BRIGADOON avec Gene Kelly), la pièce est jouée à Broadway en 1951 et remporte un franc succès. Quinze ans plus tard, avec le phénoménal succès de LA MELODIE DU BONHEUR en 65, Hollywood va déterrer "Paint your wagon" pour alimenter sa production frénétique de films musicaux. C'est Joshua Logan qui héritera de la mise en scène de l'adaptation cinéma, ce dernier étant connu pour sa comédie UN ARRET D'AUTOBUS avec Marylin Monroe et pour avoir déjà adapté les comédies musicales CAMELOT et SOUTH PACIFIC sur grand écran.

Outre son inattendu mélange des genres, LA KERMESSE DE L'OUEST est en premier lieu un pur produit de son époque. Classique, le film l'est indubitablement dans sa mise en image, dans ses passages musicaux, et surtout dans sa peinture de l'époque. Le Far West de LA KERMESSE est totalement idéalisé dans la grande tradition du western Hollywoodien, donnant l'image d'une Amérique qui s'est construite dans la confusion certes, mais aussi dans la bonne humeur et la décontraction. Le goût prononcé de Lee Marvin pour la bouteille fait ici figure de véritable mode de vie potache, les cuites astronomiques de ce dernier étant plus sujettes à cocasseries qu'autre chose. Le film et son univers se révèlent ainsi en fonction de l'attitude mouvementée de ce personnage haut en couleur, faisant de ce looser sympathique le vrai héros d'un (très) long-métrage (plus de deux heures et demi quand même) volontiers porté vers la comédie.

Face à Lee Marvin, Clint Eastwood campe un personnage à mille lieues de ses incarnations dans les films de Sergio Leone. Dans LA KERMESSE DE L'OUEST, Eastwood ne possède pas l'aura mystérieuse de ses rôles (antérieurs) de gloire et fait plus figure de jeune premier partageant l'affiche de la grosse production du moment (le film coûta la bagatelle alors astronomique de 20 millions de dollars). Le comédien impose à son personnage une composition sobre et retenue qui, si elle peut parfois souffrir de fadeur, offre un contrepoint idéal (et reposant) au cabotinage de Marvin (qui de son côté en fait gentiment des caisses entières).

Petit clin d'œil amusant aux cow-boys sans nom qu'Eastwood avait jusqu'alors campé, le film ne dévoile le vrai nom de son personnage que quelques minutes avant la fin (il était jusqu'alors surnommé «part'naire» par Marvin).

En face de nos deux hommes, l'éternel élément féminin est incarné par Jean Seberg, l'ancienne muse de Godard révélée par A BOUT DE SOUFFLE. Bien que son personnage manque cruellement de profondeur, Seberg est pourtant au cœur des meilleures scènes du film. Première femme à atterrir dans une ville naissante composée uniquement d'hommes, cette dernière va déchaîner les passions jusqu'à devoir composer un ménage à trois avec Marvin et Eastwood, deux hommes qu'elle va aimer sans parvenir à choisir. Bien que le film nous représente un cliché idyllique et asexué du couple à trois, il n'hésite pas à confronter avec amusement nos trois héros aux moeurs moins progressistes de leur époque, notamment lorsque ces derniers recueillent une famille de francs catholiques le temps d'un rude hiver.

Cette vision policée des relations homme / femme, de l'alcool, ou encore de l'Amérique pionnière pourrait manquer aujourd'hui d'intérêt si elle ne s'inscrivait dans une optique de comédie musicale où le merveilleux est invoqué tous les quarts d'heure au travers d'un intermède vocal. Le film a beau faire preuve de retenue lors des séquences chantées (personne ne monte sur les tables pour faire des claquettes par exemple), ces dernières ont tout pour désarçonner tant le genre et les comédiens par lesquels elles s'expriment n'ont rien à voir avec les préceptes du «musical».

A condition de ranger son cynisme au vestiaire, force est de constater que finalement, ça marche. Le film assume totalement son ton naïf, ce qui lui procure un charme auquel il est difficile de résister. Bien entendu, voir Clint Eastwood et surtout Lee Marvin faire monter les vocalises est une expérience hors du commun, d'autant plus agréable que les deux hommes se débrouillent plutôt bien (Eastwood n'est d'ailleurs pas tout à fait un débutant en la matière puisqu'il chantait déjà dans un épisode de RAWHIDE). Bien entendu, les «vignettes» aux cours desquelles les deux hommes font leurs numéros sont d'une naïveté confondante, ce qui ajoute encore plus au génial psychotronisme de l'ensemble.

Lorsque LA KERMESSE DE L'OUEST est sorti sur les écrans en 1969, il ne remporta que 14,5 millions pour les 20 investis. Cet échec participera à l'arrêt pur et simple du genre musical à Hollywood, genre que de rares tentatives ont depuis tenté de briser. Purgeant encore aujourd'hui sa dette au box office par une confidentialité exagérée, il serait aujourd'hui dommage de ne pas s'arrêter sur ce titre vraiment hors norme. Les têtes d'affiche étant devenues de nos jours de telles icônes que la redécouverte du film bénéficie d'une plus-value, certes incongrue, mais qui offre un charme irrésistible à ses deux heures et demi de métrage qu'on ne voit finalement pas passer.

L'édition Zone 2 de LA KERMESSE DE L'OUEST a beau être plutôt légère en supplément (une seule, et courte, bande-annonce), il faut avouer que la qualité technique est bien au rendez-vous. Si la copie semble un peu abîmée dans les premières minutes, la suite du film se montre de très bonne facture. Malgré la longue durée du film, aucun problème d'encodage n'est à signaler. En piste audio, le disque propose un remix multicanal en version originale ainsi que du mono en français, Allemand, Italien ou Espagnol. Si on saluera le très bon rendu de la piste anglaise (la spatialisation étant sollicitée exclusivement sur les passages musicaux, donnant du coup un sérieux relief à ces séquences), on regrettera que les sous-titres ne s'activent pas lors des chansons, réservant leur compréhension aux anglophones uniquement.

Alors que nous sommes en plein revival musical, que les très «paillettes» MOULIN ROUGE et CHICAGO ont tout balayé sur leur passage (et même le bon goût), que le cinéma indien tente enfin une reconnaissance mondiale, quoi de plus adéquat que de ressortir le merveilleux LA KERMESSE DE L'OUEST et ses mélopées bon enfant sur la naissance de l'Amérique. A moins de se réfugier dans l'ironie et le sarcasme facile, on a du mal à résister devant un tel OVNI convivial et divertissant. Allez, tous en cœur : «I was boooorn under a wanderin' star ! ! !»

Rédacteur : Eric Dinkian
Photo Eric Dinkian
Monteur professionnel pour la télévision et le cinéma, Eric Dinkian enseigne en parallèle le montage en écoles. Il est auteur-réalisateur de trois courts-métrages remarqués dans les festivals internationaux (Kaojikara, Precut Girl et Yukiko) et prépare actuellement son premier long-métrage. Il collabore à DeVilDead depuis 2003.
48 ans
1 news
287 critiques Film & Vidéo
On aime
Lee Marvin et Clint Eastwood qui poussent la chansonnette!!
On ne voit pas le temps passer
Le très bon rendu technique du disque
On n'aime pas
Rien, la vie est toujours belle dans les comédies musicales!
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L'édition vidéo
PAINT YOUR WAGON DVD Zone 2 (France)
Editeur
Support
DVD (Double couche)
Origine
France (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
2h37
Image
2.35 (16/9)
Audio
English Dolby Digital 5.1
Francais Dolby Digital Mono
German Dolby Digital Mono
Italian Dolby Digital Mono
Spanish Dolby Digital Mono
Sous-titrage
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